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La fréquentation des églises diminue chez les mères célibataires.

Les femmes qui élèvent seules leurs enfants disent que le culte peut être une bouée de sauvetage ou un fardeau logistique.

A mom and child shape cut out of a photo of a church.
Christianity Today November 24, 2025
Illustration by Elizabeth Kaye / Source Images: Getty, Unsplash

Les Écritures appellent à maintes reprises les croyants à prendre soin de la veuve et de l’orphelin. Pourtant, alors que les églises se remplissent à nouveau après la pandémie, un groupe demeure étonnamment absent : les mères célibataires.

Une étude récente de Barna révèle qu’une mère célibataire sur quatre fréquente l’église chaque semaine, soit la plus forte baisse enregistrée chez les femmes ces dernières années. Ce constat soulève une question troublante : les églises respectent-elles réellement le commandement biblique de prendre soin des plus vulnérables en leur sein ?

Lorsque Joie Van Holstyn est devenue mère célibataire de deux garçons grâce au placement familial et à l’adoption en 2019, sa fréquentation de l’église a rapidement chuté.

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«Pendant les deux premières années, on a eu une fréquentation assez chaotique — c’était tellement de travail de sortir de la maison. Et je me sentais déplacée en tant que mère célibataire. »

Pour des femmes comme Van Holstyn, les obstacles commencent par des questions logistiques : jongler avec les horaires de travail, les transports et le chaos que représente la préparation des enfants seule. Mais le poids émotionnel peut être encore plus lourd. Beaucoup se sentent jugées, prises en pitié, ou simplement invisibles dans des assemblées où l’on suppose que les familles incluent un mari.

Une amie a fini par confronter Van Holstyn sur ses absences irrégulières. Touchée, elle s’est engagée à venir chaque semaine, même quand ses enfants gigotaient pendant le culte dans sa petite église rurale.

« Je me suis simplement engagée à venir, et au début, je détestais ça », explique-t-elle. « Je n’apprenais rien parce que mes enfants étaient tellement occupés et turbulents. Mais j’ai persévéré, et petit à petit, j’ai réalisé que j’y prenais goût. »

Six ans plus tard, Van Holstyn dit avoir trouvé son rythme, mais souhaiterait que les Églises soient plus proactives dans la mise à disposition d’une garde d’enfants, plutôt que d’attendre qu’on la demande.

« Je déteste quand on me dit : “Si vous avez besoin d’une solution de garde, prévenez-nous” », explique-t-elle. « J’ai l’impression de déranger, alors je ne dis rien. »

Sa persévérance fait d’elle une sorte d’exception parmi les mères célibataires.

Aux États-Unis, 23 millions d’enfants grandissent dans des foyers monoparentaux , majoritairement avec des mères célibataires qui ne vont pas à l’église. Même les communautés religieuses bien intentionnées, selon les experts, peinent souvent à les atteindre.

« Beaucoup de ces femmes ont vécu des traumatismes importants », explique Michelle Donnelly, fondatrice d’Uncommon Valor, un ministère dédié à la guérison relationnelle après un traumatisme. « Elles peuvent hésiter à demander ou à recevoir de l’aide, et cela signifie que même avec les meilleurs programmes, elles risquent de ne pas vouloir y participer. »

En effet, cette approche programmatique, proposer un événement ou un cours spécifique, puis supposer que les participantes s’intégreront aux ministères existants, donne souvent aux femmes le sentiment d’être invisibles.

« On observe une augmentation des événements ponctuels destinés aux mères célibataires », explique Jennifer Maggio, fondatrice de l’association The Life of a Single Mom, qui collabore avec plus de 2 000 églises à travers le pays. « Mais les églises partent du principe que ces mères s’engagent ensuite dans d’autres activités : la plupart ne le font pas. »

Maggio le sait bien. Ancienne mère célibataire de deux enfants à 19 ans et bénéficiant de l’aide alimentaire, elle a lancé son ministère en 2011 pour combler un manque qu’elle avait elle-même ressenti.

« Au début, j’ai dû rassurer les pasteurs : nous n’étions pas en train de promouvoir la création de familles dirigées par une mère seule », dit-elle. « C’était l’état d’esprit de l’époque. »

Même si elle se réjouit de l’intérêt croissant, Maggio affirme que le vrai défi est la constance.

« Les églises qui mettent en place des initiatives à long terme, comme une étude biblique hebdomadaire ou un programme de mentorat, sont celles où l’on voit les femmes formées et intégrées », déclare Maggio.

La catégorie des mères célibataires n’est pas homogène : elle inclut des femmes divorcées, des veuves, des mères adolescentes, des grands-parents élevant leurs petits-enfants, ainsi que des parents adoptifs ou d’accueil seuls comme Van Holstyn.

YEt pourtant, pour beaucoup d’Églises, le “ministère de la famille” signifie encore le ministère de la famille nucléaire. Les sermons portent souvent sur les dynamiques du mariage et de l’éducation en couple. Les groupes sont organisés par étapes de vie, jeunes familles, nids vides, célibataires, laissant les mères célibataires sans véritable place.

« Regrouper les gens en fonction de leur situation de vie peut les isoler et les déresponsabiliser », explique Donnelly.

Esther Vazquez, une mère de quatre enfants d’Ocala, en Floride, l’exprime clairement : « Mes enfants aiment aller à l’église, et j’y vais pour Dieu, pas pour les gens, mais il est difficile de trouver une communauté en tant que mère célibataire. »

Les églises organisent souvent des événements annuels de solidarité, comme des collectes de vêtements, des conférences ou des brunchs pour la fête des mères destinés aux parents célibataires, mais ces gestes mènent rarement à un véritable sentiment d’appartenance.

« Les meilleurs groupes auxquels j’ai participé étaient multigénérationnels », a déclaré Donnelly. « Des personnes d’âges, d’étapes et d’expériences de vie différents réunies : c’est là que la guérison se produit. »

Les données Barna expliquent pourquoi de tels environnements restent rares : seulement 19 % des chrétiens affirment que leur Église propose des “opportunités d’interaction intergénérationnelle”. Les autres demeurent séparés par âge, statut matrimonial ou étape de vie.

Sans structures intentionnelles pour inclure les foyers non traditionnels, les mères célibataires peuvent se sentir subtilement mises à l’écart. Et lorsque le divorce ou la séparation explique leur situation, la stigmatisation peut renforcer leur isolement.

Christine Moriarty Field, auteure chrétienne divorcée, affirme que beaucoup de femmes divorcées se sentent comme des « membres de seconde zone » en raison d’un « jugement tacite » et aujourd’hui remariée, a ressenti à la fois la douleur et la grâce.

« Une constante, m’a-t-elle confié, c’est le besoin de préciser que je n’ai pas détruit mon précédent mariage. Les gens veulent savoir : “Est-ce que c’est vous la briseuse de foyer ?” »

“Même les ragots les plus anodins peuvent blesser profondément”, ajoute-t-elle. « Les gens se sentent en droit de connaître votre histoire. »

Toutes les histoires ne se terminent pas par un sentiment d’exclusion. Quand Kaeley Triller Harms est devenue mère célibataire à 19 ans, son Église l’a “littéralement sauvée », dit-elle.

« Ils aimaient mes enfants, m’ont entourée de prières, et deux femmes m’ont adoptée, me rencontrant chaque semaine pour prier pour moi », se souvient-elle. « Les hommes de mon groupe de soutien se sont portés volontaires pour m’accompagner lors des échanges de garde avec mon ex-conjoint violent. Honnêtement, je ne me suis jamais sentie aussi aimée et soutenue de toute ma vie. »

Ces exemples, bien que moins fréquents, montrent ce qui est possible lorsque les Églises considèrent les mères célibataires non comme une catégorie à gérer mais comme des relations à cultiver.

Donnelly note que beaucoup de mères célibataires craignent le jugement, mais elle souligne que souvent « il y a des personnes formidables tout près, qui se soucient réellement d’elles, mais  ne savent simplement pas toujours quoi faire ».

Van Holstyn a ressenti ce soutien.

« Quand j’ai cessé de supposer que les mères mariées et les couples ne voulaient pas de moi, j’ai trouvé une belle communauté », dit-elle. « J’ai commencé à me faire des amies et à dépasser mes appréhensions. Ça devient plus facile avec le temps.”

Elle a compris que l’Église, dans ce qu’elle a de meilleur, n’est pas seulement le fait de s’asseoir parmi des gens vivant la même étape de vie, mais de vivre une communion dans la diversité : être considérée comme une sœur en Christ, non comme un projet.

Les familles monoparentales dirigées par une mère resteront une composante importante et croissante de la société américaine. Pour les Églises, cette réalité n’est pas un obstacle à la mission évangélique, mais une invitation à la vivre pleinement.

Comme le résume Donnelly,« Aider les femmes à trouver des espaces sûrs pour donner et recevoir dans le cadre d’une communauté est profondément guérissant et restaurateur. »

Le commandement biblique de prendre soin de la veuve et de l’orphelin n’a jamais été théorique. Il est pratique, relationnel, et parfois contraignant. Pour les Églises, cet amour se traduit par la garde d’enfants, le partage de repas ou simplement la présence régulière d’une femme qui se sent seule.

Les églises qui considèrent les mères célibataires non pas comme un problème à résoudre mais comme des personnes à servir incarneront ce que Jacques appelait la « religion pure ». En faisant cela, elles ne se contenteront pas de ramener les mères célibataires à l’Église : elles révéleront le cœur du Christ à toute la communauté.

Traduit par Mélanie Boukorras pour Infochrétienne

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