En ces temps de division, nous devrions davantage parler de nos ennemis.

Cela peut sembler contre-intuitif, mais il y a des raisons bibliques et culturelles de le penser.

Christianity Today December 5, 2023
Illustration d’Abigail Erickson/Images sources : WikiMedia Commons

Nous parlons moins de nos ennemis qu’auparavant.

Ce n’est peut-être pas ce que vous ressentez. L’abondance de luttes internes, de médisances, d’injures et de méchanceté dans le discours public contemporain, y compris au sein de l’Église, est à la fois tragique et destructrice. Calomnie et remarques désobligeantes font partie du quotidien de nombreux cercles. La dernière chose dont nous aurions besoin en ces temps de division pourrait donc sembler être une pensée et un discours sur les « ennemis ».

Or, c’est tout le contraire, et ce pour deux raisons. La première est biblique : les Écritures parlent des ennemis avec une grande clarté et une fréquence remarquable, y compris d’une manière que nous sommes explicitement invités à imiter. La deuxième raison est d’ordre culturel : la confusion quant à l’identité des ennemis de Dieu et à la manière dont l’Église devrait réagir face à eux incite les chrétiens à s’attaquer mutuellement bien plus qu’elle ne limite les hostilités.

Prenons d’abord l’argument biblique. Il y a environ 400 références à un « ennemi » ou à des « ennemis » dans les Écritures. À titre de comparaison, c’est environ deux fois plus souvent que les mots relatifs à la « grâce ». Certes, beaucoup de ces exemples concernent des adversaires politiques ou militaires d’Israël aujourd’hui disparus. Mais d’autres désignent ceux qui aiment le monde, haïssent la Croix et l’Église (Jc 4.4; Ph 3.18 ; Ap 11.5, 12).

De nombreuses références concernent l’œuvre du Messie lui-même, qui « possédera les villes de ses ennemis » (Ge 22.17), et qui — dans le texte biblique le plus fréquemment cité par Jésus et par le Nouveau Testament — s’assiéra à la droite de Dieu jusqu’à ce que ses ennemis soient transformés en son « marchepied » (Ps 110.1). Apparemment, écraser la tête de ses ennemis est un élément central de ce que le Christ est venu faire. C’est le sujet de la première prophétie à son sujet, dès le jardin d’Eden (Ge 3.15), et l’image est préfigurée dans la Bible hébraïque par de nombreux récits de têtes abattues, de Sisera à Goliath, en passant par Abimelek et Dagon.

Les apôtres exhortent directement l’Église à prier et à chanter les psaumes (Ep 5.19), qui regorgent de supplications pour la délivrance et la destruction de nos ennemis. À moins que nous ne soyons prêts à découper ces passages aux ciseaux, à la manière de la Bible éditée par Thomas Jefferson, nous devrons trouver des manières pertinentes de les comprendre et de les prier. Après tout, même le Psaume 23, le psaume le plus paisible, le plus pastoral et le plus populaire qui soit, présente une table dressée « en face de mes adversaires » (v. 5).

Nous devons donc nous poser la question : comment implorer le salut du Dieu qui « brise les dents des méchants » tout en continuant à aimer nos ennemis (Ps 3.8 ; Mt 5.44) ? Demandons-nous à Dieu de renverser des groupes terroristes comme l’État islamique ou des tyrans comme Vladimir Poutine ? D’écraser le Diable et toutes ses œuvres ? De venger Jésus ? De détruire notre propre péché ? D’éliminer tout mal au jour du jugement ? Tout cela à la fois ? J’ai trouvé un ouvrage de Trevor Laurence, Cursing with God: The Imprecatory Psalms and the Ethics of Christian Prayer, extrêmement utile sur ces questions.

Notre contexte culturel actuel a également grand besoin d’une vision biblique de l’inimitié. Un curieux paradoxe est à l’œuvre. Alors que les Occidentaux modernes sont de moins en moins convaincus de l’existence du Diable, ils sont de plus en plus enclins à se considérer les uns les autres comme diaboliques. Comme l’ont fait remarquer des historiens tels que Tom Holland et Alec Ryrie, nous invoquons aujourd’hui Hitler, les nazis ou l’Holocauste au lieu de Satan, des démons ou de l’enfer, mais l’effet est à peu près le même.

Ces tendances sont liées. Nous savons au fond de nous que le mal radical existe. Si nous n’apprenons pas à discerner précisément qui sont nos ennemis, nous avons tendance à les voir partout. La plupart d’entre nous évitent les termes tels que « ennemis » ou « méchants », préférant diverses combinaisons d’insultes, de jurons, d’épithètes rancunières et de généralisations calomnieuses. Mais même lorsque le langage de l’inimitié disparaît, l’expérience de cette inimitié ne disparaît pas, comme le sait bien quiconque s’est déjà réjoui de la chute de quelqu’un (ou lamenté de la réussite de cette même personne).

L’un des antidotes aux débouchés les plus dangereux de l’inimitié consiste à déterminer plus clairement qui sont nos véritables ennemis. Le péché, la mort, le monde, la chair, le Diable : Tels sont les ennemis que le Christ est venu écraser. Ils sont à l’œuvre en nous, tout comme en ceux que nous peinons à aimer. Mais tout en détestant Mammon, nous pouvons aimer le jeune homme riche. Tout en détestant l’idolâtrie, nous pouvons aimer les Éphésiens, les Londoniens ou les Parisiens. En effet, nous luttons contre les forces spirituelles du mal, et non contre la chair et le sang (Ep 6.12).

« Chaque groupe a un démon », m’a dit un pasteur avisé il y a plusieurs années. « En l’occurrence, le nôtre devrait être le Diable. »

Andrew Wilson est pasteur enseignant à la King’s Church de Londres et auteur de Remaking the World.

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