Les baptistes ukrainiens étaient autrefois de fervents pacifistes.
Aujourd’hui pris dans une douloureuse lutte pour la survie face aux forces d’invasion russes, beaucoup montent au front. Des voix éminentes demandent à l’OTAN de mettre en place une zone d’exclusion aérienne. Les pasteurs prient pour les soldats ; les Églises leur offrent du pain.
Que s’est-il passé ?
Il ne s’agit pas d’une simple question d’autodéfense. La non-violence promue par la plupart des évangéliques de la région n’est en réalité pas clairement au cœur de leurs convictions. Forgée dans la fournaise de l’Union soviétique, ce qui était à l’époque la deuxième plus grande communauté baptiste du monde s’est développée selon des voies très différentes de celles de leurs confrères aux États-Unis.
Pour s’en rendre compte, il suffit d’interroger Roman Rakhuba, qui a été élevé dans ce contexte baptiste.
« Je ne me serais jamais qualifié de mennonite », déclare le responsable de l’Association of Mennonite Brethren Churches of Ukraine (AMBCU – « Association des Églises de frères mennonites d’Ukraine »). « C’est plus tard que j’ai découvert que je suivais leurs principes depuis le début ».
La foi évangélique ukrainienne a été largement influencée par la tradition anabaptiste. Roman Rakhuba a grandi à Zaporijjia, à 560 km au sud-est de Kiev, près du vieux chêne associé à la colonie mennonite de Chortitza, fondée en 1789.
Son grand-père a été conduit à la foi par un de ces prédicateurs mennonites.
En tant qu’enfant de baptistes, Roman Rakhuba a été élevé sans jouets guerriers et avec pour consigne de ne jamais rendre le mal pour le mal. Considérant comme impossible de participer à la guerre, ses proches refusèrent de combattre dans l’armée soviétique. Il se souvient des mennonites accueillis chez son grand-père, découvrant le décret de 1763 de Catherine la Grande invitant les colons allemands à venir développer l’arrière-pays russe.
Ils furent rejoints par des luthériens et des catholiques, des dissidents et des rebelles, à qui l’on offrit des terres, l’autonomie et, chose vitale pour les pacifistes, l’exemption du service militaire. Au cours du siècle suivant, les communautés mennonites prospérèrent en Ukraine, développant des infrastructures pour l’agriculture et l’industrie. Mais leur prospérité croissante remit en question leurs habitudes sociales et spirituelles, et l’ivresse et les danses devinrent courantes.
Puis vint le piétisme.
Au milieu du 19e siècle, des missionnaires allemands tels que le luthérien Eduard Wuest furent accueillis par les mennonites. L’accent que ces missionnaires mettaient sur une vie chrétienne régénérée par la conversion personnelle, la prière et l’étude de la Bible plaisait aux colons mécontents de l’Église traditionnelle. La communauté se divisa et, en 1860, une dénomination parallèle, les Frères mennonites, vit le jour. Elle envoya des missionnaires jusqu’en Sibérie et en Inde.
Ces croyants encore germanophones vivaient largement séparés de leurs voisins slaves, jusqu’à ce que deux événements interviennent pour déclencher un réveil évangélique. En 1858, l’empereur Alexandre II autorisa la traduction et l’impression de la Bible en russe. Trois ans plus tard, il abolit le servage.
« Pour la première fois, les paysans n’étaient plus liés à la terre », explique Mary Raber, professeur d’histoire de l’Église au séminaire théologique d’Odessa. « Où trouver un meilleur emploi que dans la ferme d’une colonie prospère ? »
Les Slaves, qui pouvaient désormais lire le Nouveau Testament, commencèrent à se joindre à leurs études bibliques.
Les mennonites n’étaient pas le seul mouvement de renouveau dans l’empire russe. Des baptistes allemands implantèrent des Églises dans les montagnes du Caucase. Un missionnaire anglais gagna des convertis parmi l’élite de Saint-Pétersbourg. Aucun de ces groupes n’adopta le pacifisme comme règle, et certains mennonites organisèrent même des unités d’autodéfense pour repousser les bandits dans le chaos de la Première Guerre mondiale.
Mais aucun d’entre eux n’était préparé à la montée des bolchéviques, les révolutionnaires communistes qui prirent le pouvoir en 1923.
Sans compter les convertis, il y avait en 1911 plus de 100 000 mennonites germanophones en Ukraine. Mais leur population avait déjà été ébranlée dans les années 1870, lorsque l’exemption militaire fut révoquée et remplacée tardivement par un service de substitution. Un tiers d’entre eux partirent pour les plaines du centre de l’Amérique du Nord.
Après la Première Guerre mondiale, la guerre civile et la famine dévastèrent la communauté et le Comité central mennonite, créé en 1920 pour aider les frères d’Ukraine, apporta son aide. Cependant, bien que 25 000 repas quotidiens aient sauvé de nombreuses vies — on les estime à 9 000 — un nouvel exode conduisit 20 000 personnes à rejoindre de précédents émigrés au Canada.
Une décennie plus tard, la collectivisation de l’agriculture soviétique fut à l’origine de l’Holodomor, une famine artificielle qui tua des millions d’Ukrainiens. Et comme d’autres chrétiens, les mennonites furent arrêtés, exécutés ou exilés en Sibérie. La Seconde Guerre mondiale entraîna la déportation de milliers de personnes en Asie centrale. Les effectifs continuèrent à diminuer, et la plupart de ceux qui restaient partirent vers l’ouest avec l’armée allemande qui battait en retraite.
Lorsque Joseph Staline concéda aux alliés occidentaux la création de l’Union des chrétiens évangéliques-baptistes en 1944 (à laquelle s’ajoutèrent plus tard les pentecôtistes), la plupart des mennonites s’y intégrèrent.
La persécution des chrétiens dans l’Union soviétique est une histoire bien connue. Officiellement tolérés en vitrine internationale, ils étaient marginalisés dans la société et leurs Églises étaient infiltrées par des agents du KGB. Évangélisant discrètement malgré les risques, leur pratique biblique mettait l’accent sur la soumission aux autorités — même autocratiques — dans les affaires politiques.
Mais comme leurs prédécesseurs mennonites, ils refusèrent le service militaire.
« Il ne s’agissait pas exactement de pacifisme, mais de non-participation », affirme Michael Cherenkov, aujourd’hui pasteur de l’Église baptiste Revival à Vancouver, dans l’État de Washington aux États-Unis. « C’était peut-être sage, mais ce n’était pas théologique — c’était le chemin éprouvé de la survie ».
Michael Cherenkov a grandi dans les Églises clandestines de l’Ukraine soviétique. Dans les années 1960, son père d’origine russe a été emprisonné pour son pacifisme. Sa famille a grandi en priant non seulement pour un renouveau spirituel, mais aussi pour l’effondrement de l’URSS. Il s’agissait d’une « théologie de la libération », dit-il, et d’une certaine manière, elle représentait un germe du soutien actuel de la résistance armée à la Russie. (Dans un hôpital proche des lignes de front orientales de la guerre, sa mère ne demandait récemment la prière que pour l’armée ukrainienne.)
Les prières politiques de la famille furent exaucées en 1991 avec l’indépendance de l’Ukraine, et les croyants se retrouvèrent soudain dans une réalité totalement nouvelle. Le christianisme est devenu une partie intégrante de la nouvelle république, dit Michael Cherenkov, et les croyants ont eu la liberté de façonner la vie publique et de partager l’Évangile.
Mais face à la corruption, à la foi nominale et aux mentalités soviétiques persistantes, ils avaient besoin de nouvelles compétences apologétiques.
« Nous nous sommes sentis responsables de la transformation de la société », déclare-t-il. « Avec le temps, nous avons appris à défendre [ce qui compte] ».
Un deuxième apport au processus a été le développement, après l’indépendance, de séminaires évangéliques, largement financés et dotés en personnel par l’Occident. Sergey Rakhuba, un oncle non mennonite de Roman et directeur de la mission panévangélique Eurasia, raconte qu’ils ont été surpris de constater le pacifisme généralisé chez les croyants ukrainiens. Les enseignants ne s’y sont pas attardés, dit-il, mais de nouveaux débats ont proliféré sur tous les sujets de controverse théologique. Aux côtés d’échanges sur le calvinisme et l’arminianisme ou la seigneurie du Christ, des discussions ont émergé sur la légitimité du service militaire.
Mais les doutes sur la non-violence étaient déjà présents.
Valentin Siniy, président de l’institut chrétien interconfessionnel Tavriski, minimise le rôle des séminaires dans l’éloignement du pacifisme. Il pense également que le célèbre romancier Léon Tolstoï a été plus influent que les anabaptistes dans la promotion de celui-ci.
Mais sa propre histoire illustre le changement au sein du mouvement évangélique.
Il a vécu une enfance similaire à celle des enfants Rakhuba et Cherenkov. Le grand-père baptiste de Valentin Siniy perdit son emploi sous la persécution soviétique ; ses parents furent privés de leur maison. Valentin reçut des enseignements sur l’humilité et la non-résistance au mal, mais son jeune esprit peinait à comprendre.
Dieu est du côté des puissants, conclut-il avec résignation.
L’apparente impuissance du pacifisme se manifesta à lui à l’âge de 14 ans, lorsqu’en rentrant de l’Église, il vit un homme ivre tenter de violer une jeune femme. Il se sentit paralysé, mais l’agitation alerta les voisins d’en face et l’agresseur prit la fuite.
Cinq ans plus tard, il prit part à la défense d’une autre victime potentielle. Aujourd’hui théologien au milieu d’une guerre dévastatrice, il a découvert la force des anathèmes bibliques : « Maudissez Méroz, dit l’ange de l’Éternel, maudissez, maudissez ses habitants, car ils ne sont pas venus au secours de l’Éternel, au secours de l’Éternel, parmi les hommes vaillants. » (Juges 5.23).
Selon Valentin Siniy, les Américains ont joué un rôle essentiel en donnant une base solide aux efforts ukrainiens naissants en matière de formation théologique évangélique. Mais la crise financière de 2007-2008 a fait disparaître une grande partie du soutien financier, et le personnel local a assumé des postes de direction. Dans les années qui ont suivi, des professeurs étrangers, beaucoup moins nombreux, ont été accueillis en tant que partenaires.
La pensée mennonite subsiste chez les Ukrainiens plus âgés, dit Valentin Siniy, tout comme le conditionnement soviétique persistant qui les éloigne de la participation politique. Mais alors que les jeunes étudiants remettaient en question ces notions théologiques, les tensions avec la Russie ont ébranlé une certaine déférence envers le « grand frère » dans les relations évangéliques. Des séminaires des deux pays ont élaboré des programmes conjoints pour maintenir la paix entre eux, stimulés par des responsables mennonites et anabaptistes de l’ancienne génération.
Ces développements étaient accompagnés d’un nouvel engagement dans le domaine social.
« Notre rôle en tant que chrétiens n’est pas seulement d’accomplir la mission de Dieu par le salut des âmes », déclare Valentin Siniy, « mais aussi de nous efforcer de ramener activement ce monde au plan divin, dans la mesure où nous le pouvons. »
Selon lui, cela inclut la participation à la défense armée de la nation.
Mais appliquant différemment une conviction similaire, les mennonites cherchèrent aussi à servir la société, car le soutien étranger contribuait au renouvellement de leur héritage théologique en Ukraine.
Mettant l’accent sur la consolidation de la paix et le développement, le Comité central mennonite ouvrit un bureau en Russie en 1992, puis, en coopération avec l’Union baptiste d’Ukraine, s’installa sur le site historique de Zaporijjia quelques années plus tard. Pendant ce temps, Multiply, l’agence missionnaire des Frères mennonites, consacrait des efforts à retourner sur les terres d’où leurs prédécesseurs avaient fui la famine.
John Wiens, pasteur au Canada pendant 35 ans, est arrivé en Ukraine en 2008. S’appuyant sur le travail des mennonites depuis le début des années 1990, il a implanté de nouvelles Églises et des centres sociaux pour fédérer cette famille dénominationnelle. Servant particulièrement les marges de la société, son ministère holistique a attiré de nouveaux convertis et d’autres évangéliques, tandis que le souvenir de la tradition anabaptiste légitimait le mouvement auprès des habitants.
« On nous a appris à répondre aux personnes en souffrance », explique Roman Rakhuba, élu modérateur de conférence de l’AMBCU en 2014. « L’Église doit être utile dans la société ».
Presque tous les membres de leur vingtaine d’Églises sont âgés de moins de 40 ans, ou les ont rejoints en provenance d’autres dénominations évangéliques. Mais l’année 2014 a marqué un tournant pour les Frères mennonites — comme en fait pour toute l’Ukraine.
John Wiens succomba à un cancer en janvier de cette année charnière. En février, la « Révolution de la dignité », pro-européenne, destituait un président prorusse. En retour, la Russie occupait la Crimée. En mars, la Russie annexait la péninsule tandis que des séparatistes soutenus par Moscou prenaient le contrôle de la région orientale du Donbass.
L’Ukraine était en feu, en proie à une guerre hybride mais bien réelle.
Le Comité central mennonite qui, au début des années 2000, avait réorienté ses activités de consolidation de la paix vers les Balkans, s’est empressé de les renouveler en Ukraine.
L’agence humanitaire a organisé des conférences pour des experts croates, bosniaques et serbes afin qu’ils partagent leurs idées sur la paix, la justice et la réconciliation. Elle s’est associée au projet Quaker Alternatives to Violence pour susciter des réflexions de groupe et des transformations personnelles. Enfin, l’organisation a soutenu un réseau d’Églises séparées par la ligne de démarcation dans le Donbass, dont les dirigeants ont exprimé leur pacifisme et leur engagement à maintenir l’unité.
L’AMBCU ne savait pas quoi faire.
« Lorsque nous évangélisons, la conviction de la non-violence n’est pas notre priorité », explique Johann Matthies, chef d’équipe régional de Multiply pour l’Europe et l’Asie centrale. « Nous invitons les gens à suivre Jésus, pas Menno Simons, et l’idée d’un discipulat qui coûte vient plus tard. »
Mais bien qu’ils aient conservé le qualificatif d’anabaptistes, certains estimaient que les mennonites étaient maintenant pratiquement impossibles à distinguer des baptistes en matière de défense armée. John Wiens était mort, deux membres de l’AMBCU avaient été appelés sous les drapeaux, et Johann Matthies avait pris la relève.
Pour leur conférence annuelle de direction à Dnipro, près de Zaporijjia, il fut suggéré de revenir au Sermon sur la Montagne plutôt que de recruter un orateur éloquent. Les participants lisaient à haute voix les paroles de Jésus, chacun partageant ce que le Saint-Esprit lui inspirait.
« Pour la première fois, ce n’était pas une question académique », souligne Johann Matthies. « L’ennemi était à la porte ».
Lors d’une conférence similaire à Kiev, les baptistes étaient prêts à se battre. Une trentaine de pasteurs étaient réunis dans la capitale pour discuter des événements. Un ancien s’est levé et a déclaré : « Nous sommes pacifistes », estimant que l’Ukraine ne pouvait pas tenir tête à une superpuissance aussi maléfique.
Cette déclaration ne fut pas bien accueillie.
« Là où l’ancienne génération était encore traumatisée, les jeunes leaders voulaient répondre de manière proactive à cette agression », explique Michael Cherenkov, qui s’était alors exprimé en faveur d’une résistance armée. « En quelques mois, le sentiment a entièrement changé ».
Sans un contexte d’oppression, dit Sergey Rakhuba, il n’y avait pas grand-chose pour renforcer un message de non-violence porté par la chaire au sein de l’église. Il fait remonter cette évolution à la révolution orange de 2004, lorsque les Ukrainiens ont manifesté par milliers pour protester contre une élection frauduleuse. Et bien que cette action ait divisé les évangéliques — soumettons-nous aux autorités, disaient beaucoup — l’appel à agir en tant que citoyens fidèles a résonné parmi les jeunes.
Mais c’est le Donbass qui a fait la différence.
« En 2014, les gens se sont dit : “Si nous ne défendons pas notre pays, qui le fera ?” », relate Sergey Rakhuba. « C’est à ce moment-là que le pacifisme a commencé à s’effriter ».
Huit ans plus tard, le président russe Vladimir Poutine reconnaît l’indépendance des deux « républiques » séparatistes du sud-est. Trois jours après, il déclenche une guerre.
Oleg Magdych, un pasteur non confessionnel de 44 ans, dirige la prière du matin pour une équipe de défense territoriale composée de 80 civils, dont 10 seulement ont participé à des combats actifs. Alors que les soldats russes approchaient de Kiev, les volontaires ukrainiens ont passé leurs journées à construire des barricades de sable et de blocs de ciment et à fixer des explosifs sur les ponts de la ville. Ils se préparent maintenant à se redéployer vers le sud.
Oleg Mironenko, l’un des deux conscrits issus des Frères mennonites en 2014, a finalement choisi une autre voie. Il s’était d’abord engagé dans la défense du Donbass. L’autre conscrit avait demandé un service alternatif. L’Église les a soutenus tous les deux.
Dieu lui a épargné le combat direct, puisqu’il a été affecté comme chauffeur d’une unité d’artillerie. Bien que traumatisé par la guerre, il a pu constater que les soldats se tournaient vers Jésus et avaient besoin d’un soutien spirituel.
Il s’est réengagé, mais en tant qu’aumônier. Un autre frère mennonite l’a rejoint depuis, et la dénomination compte de nombreux anciens combattants parmi ses membres.
« La plupart des gens dans nos Églises ne prendraient pas une arme, mais nous ne condamnerons pas un soldat », affirme Maxym Oliferovski, un pasteur de l’AMBCU et directeur du New Hope Center à Zaporijjia. « J’ai lu des choses sur le pacifisme, mais ce n’est probablement pas ma conviction ».
Depuis le premier jour de la guerre, comme les baptistes et beaucoup d’autres, Maxym Oliferovski a été actif pour loger les personnes déplacées, fournir des secours et faciliter les évacuations. Cependant, établi près des lignes de front du conflit dans le Donbass, son centre a également une expérience en matière de santé mentale — et de convictions mennonites.
« Notre société va bientôt être pleine de personnes en colère et traumatisées », déclare-t-il. « En tant que sel et lumière dans la communauté, nous devons les aider à pardonner à leurs ennemis ».
Ce n’est pas une tâche facile ; mais s’il y a quelque chose à faire, les évangéliques seront bien placés. Les Églises du pays ont été saluées pour être restées sur place et avoir aidé les personnes vulnérables, y compris les soldats. Et Sergey Rakhuba affirme que les protestants ont probablement plus d’aumôniers dans l’armée ukrainienne que tous les orthodoxes réunis.
D’une certaine manière, il s’agit d’un vestige de l’héritage anabaptiste. Depuis l’indépendance, et malgré une diminution depuis 2014, des sources estiment que plus de 4 évangéliques ukrainiens sur 5 sollicitent un service alternatif ou d’autres exemptions au moment de la formation militaire obligatoire. De cette manière, ils contribuent à leur nation sans avoir recours aux armes, même si cela leur coûte une année supplémentaire.
Le pourcentage de ceux qui s’opposent totalement à la résistance nationale est minuscule. Mais comme tous les hommes adultes âgés de 18 à 60 ans ne peuvent légalement être évacués à l’étranger, les sources estiment que la grande majorité des évangéliques contribuent par le biais de l’aide humanitaire plutôt que du combat armé.
Pourtant, certaines sources disent qu’ils y seraient prêts, si nécessaire.
Au début de la guerre, le métropolite Epiphanius a donné toute liberté aux orthodoxes.
« Défendre et tuer l’ennemi n’est pas un péché », a déclaré le dirigeant de l’Église orthodoxe d’Ukraine. « Celui qui est venu chez nous avec une épée mourra aussi par cette épée ».
Les protestants n’ont pas d’autorité centrale pour faire ce genre de déclarations, mais les sources évangéliques n’ont pas contesté cette prise de position. Cependant, les mennonites de la communauté internationale — qui ont exprimé leur indignation face à la guerre — s’en tiennent à leurs convictions anabaptistes.
« Lorsque Pierre sort son épée, Jésus lui ordonne de la ranger », écrit le président de la Conférence mennonite mondiale dans une lettre ouverte au patriarche orthodoxe russe Kirill.
Pour lui, « les chrétiens des deux côtés de ce conflit sont à leur tour éprouvés ». « Allons-nous prêter allégeance au Royaume de Dieu ou nous incliner devant les idoles de la nation, de l’empire et de la guerre ? »
Le Comité central mennonite a été plus spécifique dans son propos et plus large dans son interpellation
« Nous sommes tous complices de systèmes de violence et d’oppression », écrivent les directeurs exécutifs pour les États-Unis et le Canada. Il existe « des approches non violentes pour prévenir la guerre et travailler à la paix même pendant la guerre. »
Johann Matthies acquiesce, mais souligne que si les disciples de Jésus ne doivent pas utiliser d’armes, cela ne s’applique pas aux gouvernements. L’Église doit prêcher la non-violence avant la guerre, et la réconciliation en tout temps. Mais une fois la guerre commencée, dit-il, il serait naïf d’appeler au désarmement face à un génocide. Les conflits armés représentent un échec de l’Église mondiale. Ils appellent tous les croyants à se repentir pour leur part dans l’échec à les prévenir.
Sa dénomination, quant à elle, est encore en train d’apprendre la voie anabaptiste, tout en ayant de nombreux membres en contact avec d’autres Églises.
« Les membres actuels de la branche ukrainienne des Frères mennonites ne sont peut-être pas les garants de notre trésor historique », dit-il. « Mais dans la mesure où ils servent courageusement et se dressent contre le mal, nous apprenons avec eux ».
Andrew Geddert, représentant du Comité central mennonite Ukraine de 2017 à 2020, est également fier.
« Ils sont peut-être théologiquement moins matures dans certains domaines, mais davantage dans d’autres, parce qu’ils y travaillent dans le feu de l’épreuve », affirme Andrew Geddert, qui a commencé un travail de reconstruction de la paix en 2015. « C’est très différent de le faire dans des institutions académiques ».
Et les mennonites, comme les baptistes, soutiennent fermement la cause nationale.
Les centres médicaux gérés par l’État ont demandé leur aide pour fournir de la nourriture aux patients. Les fonds sont utilisés pour acheter des chaussures, des gants et des équipements de protection pour les soldats. Et dans les temps à venir, les besoins en matière de réhabilitation psychologique seront énormes.
Leur nombre est peut-être faible. Les évangéliques se sont peut-être éloignés de l’esprit anabaptiste de leurs débuts. Mais en ravivant leur héritage anabaptiste, les mennonites pensent qu’ils contribuent aussi au renouveau de l’Ukraine.
« Nous devrions faire ce que nous faisions au début », dit Roman Rakhuba. « Installer des fermes, guérir les âmes, et fortifier spirituellement le monde. »
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