Books

Dieu savait ce qu’il faisait quand il a donné à Jésus deux arbres généalogiques

Que faire des nombreuses divergences entre les généalogies de Matthieu et de Luc.

Christianity Today October 2, 2020
WikiMedia Commons

Les difficultés dans les Écritures fonctionnent comme des ralentisseurs : elles peuvent être frustrantes et nuire aux imprudents, mais elles nous aident à ralentir et à être plus attentifs. Les tensions provoquent la réflexion. Des contradictions apparentes nous obligent à lutter plus en détail avec les textes. Quand Dieu a inspiré ces choses, il savait ce qu’il faisait.

En étudiant les Évangiles, nous sommes immédiatement confrontés au problème des différences majeures qui existent entre les généalogies de Jésus dans Matthieu et Luc. Le chapitre premier de Matthieu énumère 42 générations remontant à Abraham ; le chapitre 3 de Luc indique 77 générations qui remontent jusqu'à Adam. Parmi les dizaines de noms que l'on trouve entre la mention de David et celle de Jésus, seuls cinq figurent sur les deux listes. Pire encore, Jésus a deux grands-pères paternels différents : Jacob (Mt 1.16) et Héli (Lc 3.23).

Les efforts pour faire sens de ces différences se concentrent souvent du côté de Matthieu, en partie parce que sa généalogie semble plus théologiquement motivée : de nombreuses omissions, l’apparition de certaines femmes, trois groupes de 14, etc. Luc, suppose-t-on, nous donne « les simples faits », tandis que Matthieu les retravaille pour mettre certaines choses en évidence. Mais cette approche rabaisse à la fois l’historien en Matthieu et le théologien en Luc. Je suis convaincu que la généalogie de Luc a un contenu théologique tout aussi puissant que celui de Matthieu, voire plus.

Observez de quelle façon il énumère 77 générations depuis Adam jusqu'à Christ. Le nombre nous renvoie au sabbat. Il nous rappelle Lémek qui se voulait vengé 77 fois (Ge 4.24) et Jésus qui invite à pardonner 77 fois (Matthieu 18.22). Il évoque l’année du Jubilé (Lv 25.8-55), observé une fois toutes les sept séries de sept ans. Jésus proclamera l’accomplissement de la promesse du Jubilé en Luc 4.16-21, un développement comme annoncé deux chapitres plus tôt, lorsque l’appel à se rendre à son lieu d’origine pour un recensement rappelle le commandement du Jubilé de retourner dans sa « propriété familiale » (Lv 25.10).

Il faut également noter que Luc place sa généalogie non pas au début de la vie de Jésus mais au début de son ministère, alors qu’il a « environ trente ans » (3.23). Le chiffre trente est significatif. Les prêtres commençaient leur ministère à cet âge (Nb 4.3), l’âge qu'avait David lorsqu'il est devenu roi (2 S 5.4) et celui d’Ézéchiel au moment où il a reçu des visions prophétiques de la part de Dieu (Ez 1.1). En insérant sa généalogie à ce stade, Luc relie l’ascendance de Jésus à son ministère de prophète, de prêtre et de roi. En remontant à Adam, et pas seulement à Abraham, il dépeint Jésus comme un prophète pour les nations, un prêtre pour tous les peuples et un roi de la terre entière.

Ensuite, il y a la question du (des) grand-père(s) paternel(s) de Jésus. Dès les débuts du troisième siècle, certains ont émis l’hypothèse que Joseph avait deux pères, soit parce qu’il avait été légalement adopté, soit parce qu’il était l’enfant d’un mariage en lévirat. (Selon cette coutume juive, si un homme mourait sans enfants, son frère devait épouser la veuve pour préserver la lignée familiale.) Si c'était effectivement le cas, alors Joseph était bien le fils d’Héli et de Jacob. Dans un premier temps, l’idée m’est apparue comme une tentative apologétique désespérée. Mais j’ai par la suite pris conscience de toutes les autres références de Luc 3 au lévirat, au mariage et à l'adoption légale.

L’une concerne Hérode et son frère Philippe (Lc 3.1). Hérode avait épousé la femme de Philippe, mettant en colère les Juifs pratiquants, ce qui finalement conduisit à la décapitation de Jean-Baptiste (Mc 6.17). Ainsi, le récit de Luc à propos de la vie d'adulte de Jésus commence avec l'histoire d'un homme qui a contracté un « mariage de lévirat » adultère alors que son frère était encore vivant.

Un autre récit touche à Jésus lui-même puisqu'il est écrit qu'« il était, pensait-t-on, le fils de Joseph » (Lc 3.23). Légalement, Jésus était bien fils de Joseph, mais Joseph n’était pas son père biologique. Comme Gabriel l’avait expliqué à Marie, Jésus serait appelé « Fils du Très-Haut » et « Fils de Dieu » (1.32, 35).

On trouve même un dernier exemple dans la bouche de Jean-Baptiste qui, dans cette formule bien connue, se distingue de celui « dont [il n’est] pas digne de délier la courroie des sandales » (3.16). Délier la courroie de la sandale correspondait au moment clé de la halizah, le processus dans lequel un homme était libéré de l’obligation du lévirat (Dt 25.9 ; Rt 4.7). Peut-être, comme l’a soutenu Grégoire le Grand, Jean déclarait-il non seulement sa soumission à l'autorité du Christ, mais aussi son indignité pour le remplacer en tant que véritable époux d’Israël. Jean était le meilleur ami de l'époux, mais pas l’époux (Jn 3.29).

Dans ce contexte plus large, l’énigme d’Héli et de Jacob n’est pas une coïncidence mais s’intègre à un motif, motif que nous pourrions négliger si nous ne prenions pas la peine de ralentir, presque jusqu’à l’arrêt. Merci Seigneur pour les ralentisseurs.

Andrew Wilson est pasteur enseignant à la King’s Church de Londres et est l’auteur de Spirit and Sacrament « Esprit et sacrement ») (Zondervan). Suivez-le sur Twitter @AJWTheology.

Traduit par Jean-Paul Rempp Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Les racines de la voix prophétique noire

Pourquoi l’Exode doit rester centrale pour l’Église afro-américaine.

Christianity Today September 14, 2020
Illustration by Matt Chinworth

Cet article est le dernier d’une série d’essais en six parties rédigés par un panel représentatif d’éminents chercheurs revisitant la place du « Premier Testament » dans la foi chrétienne contemporaine.

J’avais 11 ans quand j’ai visionné le documentaire sur Martin Luther King Jr. et le mouvement des droits civiques intitulé Eyes on the Prize. Des images de femmes noires jetées au sol par des lances à incendie à Birmingham défilaient devant mes yeux. Les chiens policiers chargeaient les gens. Des visages de blancs en colère criaient des insultes raciales à des enfants noirs cherchant à entrer dans une école qui ne suivait pas la loi de la ségrégation..

En grandissant dans la Hatchie Street Church of Christ (l’Église de Christ de la rue Hatchie), une petite Église noire au Sud-ouest du Tennessee, j’ai entendu des sermons et et des leçons d’école du dimanche sur l’esclavage israélite en Égypte. Après avoir regardé Eyes on the Prize, il m’est apparu clairement que le sort des Noirs en Amérique était le même que celui des Israélites en Égypte. Cette prise de conscience m’a inspiré le désir de poursuivre dans la tradition de Moïse, des prophètes de l’Ancien Testament et des juges (que nous pourrions considérer comme des « combattants de la liberté »), ainsi que dans l’héritage de Martin Luther King Jr. L’Ancien Testament dénonce la souffrance et l’oppression que vivent les Noirs en Amérique aujourd’hui, et l’Église noire – de plus en plus tentée par un évangile de prospérité et de confort caractéristique de la classe moyenne ­– se doit de rester enracinée dans cet héritage.

La puissance de l’Exode

L’histoire de l’Exode a eu un impact durable au sein de l’Église afro-américaine parce que le récit parle de façon très juste des problèmes rencontrés par ceux qui en font partie. Les Afro-Américains de toutes les générations ont trouvé dans l’Exode un Dieu qui s’occupe des opprimés qui crient vers lui :

J’ai bien vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri à cause de ses oppresseurs/conducteurs d’esclaves, et je suis préoccupé par ses souffrances. Je suis donc descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et pour le faire monter de ce pays dans un bon et vaste pays, dans un pays où coulent le lait et le miel. (Exode 3.7–8)

Les Afro-Américains ont lu dans l'Exode l'histoire d'un Dieu qui s’oppose aux puissants qui déshumanisent les enfants de Dieu. Ils en sont venus à croire que Dieu entendait leurs prières tout comme il entendait les prières des Israélites : « J’ai vraiment vu la misère de mon peuple en Égypte ». Il y a là le langage de l’élection qui indique que les opprimés sont la propriété de Dieu. Il y a là le Dieu, maître de l’histoire, qui non seulement sait où se trouve ses élus, mais connaît aussi la qualité de leur existence et considère leur esclavage comme divinement illégal.

Les congrégations afro-américaines prennent en compte le fait que Dieu ne voit pas seulement la misère de ses élus, mais aussi qu'il entend le cri du peuple : « J’ai entendu son cri à cause de ses chefs d'ouvrage ». Voir et entendre conduit Dieu à agir : « Je suis descendu pour les délivrer ». Le livre de l’Exode nous rappelle que l’action libératrice est la réponse naturelle de Dieu lorsque les opprimés souffrent. Parce que Dieu connaît la douleur des esclaves israélites, Dieu descend pour juger les oppresseurs et délivrer les opprimés. L’importance de l’Ancien Testament – et en particulier du livre de l’Exode – pour l’Église afro-américaine correspond à son affirmation que notre Dieu est un Dieu qui voit, entend et agit en faveur des affligés.

Bien sûr, les propriétaires d’esclaves avant la guerre de sécession avaient compris que les esclaves qui découvriraient l’histoire de l’Exode trouveraient en elle une ressource théologique puissante pour imaginer une légitimité divine à leur propre émancipation. Par conséquent, en plus d’empêcher de nombreux esclaves de recevoir une instruction, certains maîtres chrétiens qui s’intéressaient à la conversion de leurs esclaves utilisaient la soi-disant « Bible des esclaves » intitulée Parts of the Holy Bible, selected for the use of the Negro Slaves, in the British West-India Islands (« Extraits de la Sainte Bible, sélectionnés pour l’usage des esclaves nègres dans les Îles britanniques d’Inde occidentale »). Cette Bible excluait près de 50% du Nouveau Testament et 90% de l’Ancien Testament. Sans surprise, presque tout le livre de l’Exode en avait été supprimé. Il ne fallait pas beaucoup d’imagination pour donner le rôle de Pharaon aux propriétaires de plantations, tandis que les esclaves afro-américains pouvaient facilement s’identifier aux Juifs réduits en esclavage en Égypte. Les maîtres d’esclaves blancs avaient compris la puissance que pouvait avoir ce livre – et il l’a eue – parmi les communautés afro-américaines.

Un héritage de libération

King, que de nombreux Afro-Américains ont considéré comme le Moïse noir, connaissait bien la souffrance et la misère des Noirs. Il n’a jamais laissé son éducation exceptionnelle dans un système éducatif suprémaciste blanc l’aveugler sur la misère noire. Comme Moïse, la rencontre authentique de King avec le Dieu de la libération l’a poussé à agir pour délivrer son peuple mis à genoux devant le trône intimidant de la brutalité blanche dans le Sud.

Dans Never to Leave Us Alone: The Prayer Life of Martin Luther King Jr., (« Ne nous laisse jamais seuls : La vie de prière de Martin Luther King Jr. ») Lewis Baldwin note l’influence de l’Ancien Testament sur King, qui croyait que les psalmistes et les prophètes incarnaient l’idéal biblique d’une action audacieuse soutenue par une prière persistante. Baldwin écrit : « Le leader des droits civiques avait manifestement une conception de la prière marquée par les Écritures, et il a trouvé, dans ces sources et dans d’autres sources de la Bible hébraïque, des références sur l’essence de la prière et le fondement de sa vision de la prière considérée comme une conversation et une marche quotidiennes avec Dieu ». Comme le dit plus loin Baldwin, « Pour King, l’impératif de prier ne venait pas seulement d’un sentiment de finitude personnelle devant Dieu, mais aussi d’une conscience profonde ancrée dans l’expérience religieuse afro-américaine, et en particulier dans les traditions de l’Église noire ».

Le profond enracinement de King dans la tradition prophétique de l’Ancien Testament l'a notamment conduit à prêter attention aux masses d’Afro-Américains pauvres que l'on laissait se noyer au milieu de l’océan de richesse des Blancs. Au lieu que son éducation de classe moyenne dans des institutions blanches l’insensibilise au sort de ceux qui étaient pris au piège de la misère et de la pauvreté, King utilisa sa formation pour libérer le pouvoir de sa pensée, et l’esprit des prophètes pour libérer sa langue en vue de défendre les exploités.

Cette même sensibilité à la souffrance des déshérités était profondément présente chez le mentor et confident de King, Howard Thurman. Dans Jesus and the Disinherited (« Jésus et les déshérités »), Thurman raconte une histoire survenue la nuit où sa mère l’a réveillé pour voir la comète de Halley, alors qu'il n'était qu'un petit garçon. De leur jardin ils regardèrent, silencieux, ce grand faisceau de lumière se répandre dans le ciel. Quand Howard exprima la crainte que la comète ne frappe la terre, sa mère rompit son silence et dit : « Rien ne nous arrivera, Howard ; Dieu prendra soin de nous ». Il poursuit en écrivant : « J’ai vu beaucoup de choses depuis cette nuit. À d’innombrables reprises, j’ai appris que la vie est dure, aussi dure que le métal du creuset ; mais au fil des années, le pouvoir majestueux des mots lumineux de ma mère m'est revenu encore et encore en mémoire, battant son chant rythmique dans mon propre esprit. Voici la foi et la conscience qui surmontent la peur et la transforment en puissance pour lutter, pour réussir… et ne pas céder. »

Cette conviction profonde que Thurman a héritée de sa mère et de sa grand-mère était une profondément enracinée dans l’Exode et la tradition prophétique. Les opprimés n’avaient pas d’autre recours auquel faire appel au milieu de leurs souffrances. Lever les yeux au ciel représente l’attente implicite que le Dieu de la libération descendra pour faire face à la misère des déshérités.

Des Égyptiens aux Chrétiens blancs

Bien sûr, l’histoire de l’Exode n’aide pas seulement les chrétiens afro-américains à interpréter leur histoire et leur expérience de l’oppression. Cela les aide également à interpréter leurs oppresseurs blancs, dont beaucoup se présentent comme des chrétiens. Souvent, les Afro-Américains disent des chrétiens blancs qu’ils ne peuvent pas comprendre l’expérience des Noirs. Les chrétiens blancs ne pourraient pas comprendre la souffrance des Noirs parce qu’ils n’ont pas connu la servitude et l’exploitation perpétuelles. Si les chrétiens blancs veulent comprendre l’expérience de l’oppression noire, cela nécessite un désir intentionnel.

L'Exode enseigne à l’Église noire que leurs sœurs et frères chrétiens blancs sont comme Moïse alors qu’il vivait dans la maison de Pharaon en tant qu’héritier privilégié. Le récit de l’Exode donne peu d’indications laissant penser que Moïse se serait intéressé à la libération de ses compatriotes israélites avant sa mystérieuse rencontre avec Dieu. Certes, l’éducation d’un prince égyptien n’incluait pas le souci des esclaves qui avaient construit les palais et les pyramides égyptiens. Tout comme Moïse était conditionné à ignorer les souffrances de son propre peuple, de nombreux chrétiens blancs ont été conditionnés à ignorer l’histoire de l’oppression des Afro-Américains. Même l’éducation des Blancs à son meilleur niveau ne produit souvent que des personnes se prétendant indifférentes à la couleur de peau (« colorblind »), ce qui revient à être historiquement indifférents à la longue histoire de l’oppression des Noirs.

Ce que les Afro-Américains apprennent de l’Exode (et des prophètes, des œuvres exiliques et de la littérature post-exilique), c’est que Dieu n’est pas indifférent. Dieu entend les cris des opprimés, il voit l’oppression et il agit. Quand Moïse en vient à reconnaître les souffrances de son peuple, il agit de manière décisive pour leur salut. La vraie compassion conduit les gens à agir en faveur des opprimés, même jusqu’à mettre leur propre vie en danger. Peut-être les chrétiens blancs ont-ils volontairement ignoré la souffrance de leurs sœurs et frères noirs parce qu’ils ne veulent pas mettre leur propre vie en danger, ni même risquer de perdre la sympathie, l’acceptation ou l’amour des autres Blancs.

Revenir aux racines de l’Exode

La dissociation des chrétiens blancs de la souffrance noire leur a rendu difficile la compréhension de l’Église noire imprégnée de ce récit de l’Ancien Testament, et qui lutte pour la liberté dans l'ensemble du mouvement des droits civiques. L’Exode a été l’histoire la plus influente pour aiguiser l’appétit de liberté des Noirs subissant l’oppression. Cependant, lorsque le mouvement des droits civiques a perdu en King son chef spirituel, la génération suivante a commencé à chercher une entrée politique à l’intérieur même des systèmes d’oppression encore sous le contrôle de la domination blanche. King opérait comme un prophète en marge du système oppressif. Mais après sa mort, l’Église noire a perdu quelque chose de cette voix prophétique.

Au lieu de continuer à conduire l’Église noire vers la terre promise, de nombreux disciples de King ont ramené l’Église noire à l’intérieur même du palais de la politique sécurisée de Pharaon, même si c’était avec un statut amélioré. La recherche du simple pouvoir politique et de la richesse matérielle a compromis l’intégrité du lien de l’Église noire avec le pouvoir spirituel divin qui a inspiré King et les prophètes de l’Ancien Testament à risquer leur vie en résistant aux systèmes politiques d’oppression. Les prédicateurs noirs ont alors trouvé plus attrayant de fonctionner comme des politiciens que comme des prophètes osant exprimer une vérité audacieuse face aux systèmes de contrôle politique dominants.

Ces prophètes devenus politiciens n’ont pas réalisé que le pouvoir blanc n’avait ni la compassion ni le souci d’alléger la souffrance des Noirs. De nombreux dirigeants de l’Église noire ont, certes, découvert qu’opérer en tant que politiciens plutôt qu’en tant que prophètes leur avait valu l’aide de bons Blancs. Des voix prophétiques noires potentielles ont, effectivement, été acceptées dans les séminaires blancs grâce à des bourses d’études à trente deniers pour personnes issues d’une minorité. Celles-ci ont finalement dompté l’esprit prophétique qui avait donné naissance au mouvement des droits civiques. La tradition de prédication prophétique qui fournissait autrefois un leadership courageux à l’Église noire a été blanchie à la chaux.

De nombreux Noirs ont connu une ascension dans des Églises de la classe moyenne noire dirigées par des pasteurs formés dans des institutions académiques de la classe moyenne blanche. Certaines Églises noires de la classe moyenne ont commencé à sélectionner des prédicateurs qui s’abstiendraient d’offenser les sentiments de la classe moyenne noire. Pendant tout ce temps, l’Église de la classe moyenne noire s’est faite moins en lien avec la classe inférieure noire. Peu à peu, l’Église de la classe moyenne noire a connu moins de critiques prophétiques de la structure du pouvoir blanc et est devenue plus associée à l’agenda de la suprématie blanche sous son déguisement religieux.

Néanmoins, d’autres chrétiens noirs de la classe moyenne ont utilisé leurs positions d’influence pour la libération des masses noires appauvries. Sans surprise, les sermons dans ces Églises se sont enracinés dans la vaste étendue des récits de l’Ancien Testament relatifs à la délivrance par Dieu des opprimés de l’esclavage. Les petites filles et petits garçons noirs ont entendu des sermons sur Moïse, Esther, Josué, Samson, Déborah, Daniel, Néhémie, David, Vashti, Gédéon, Ruth, Esaïe, Jérémie, Amos et Michée : des figures héroïques luttant contre des systèmes oppressifs asservissant leur peuple.

L’Église noire, autrefois enracinée dans une riche tradition de prédication et de prière en lien avec l’Ancien Testament, montre des signes de tiraillement entre la classe moyenne noire et les Noirs les plus défavorisés. Comme l’émission spéciale de la chaîne PBS, « Les deux nations de l’Amérique noire », l’a clairement montré il y a plus de deux décennies, nous avons à la fois la plus grande classe moyenne noire de l’histoire et la plus grande sous-classe noire de l’histoire. Les Afro-Américains doivent maintenant prêter attention à l’autre face du racisme blanc que l’on voit apparaître dans la division des noirs en classes.

Marvin McMickle, dans son livre Preaching to the Black Middle Class (« Prêcher à la classe moyenne noire »), considère cette division entre la classe moyenne noire et la classe inférieure noire comme peut-être le plus grand défi pour le prédicateur dans l’Église noire actuelle. Certaines Églises de la classe moyenne noire sont davantage engagées dans le système de richesse blanc qu’avec la classe inférieure noire. « Malheur à ceux qui sont à l’aise dans Sion », écrit McMickle, citant Amos 6.1. Pour que l’Église de la classe moyenne noire ait de la crédibilité dans les rues, la chaire noire doit à nouveau répondre aux besoins des masses noires.

King n’avait assurément pas peur d’utiliser toute chaire qui se présentait à lui et de s’inspirer des images des livres de l'Exode, d’Esaïe et d’Amos. Avec une histoire de prédicateurs tels que King et ses ancêtres, la question aujourd’hui est la suivante : l’Église de la classe moyenne noire se consacrera-t-elle à nouveau à prendre en compte la misère de la sous-classe noire opprimée ? La classe moyenne entendra-t-elle les cris des opprimés et développera-t-elle des stratégies pour délivrer leurs sœurs et frères qui souffrent ?

L’Ancien Testament nous oblige à être, aujourd’hui encore, émus d'une compassion divine lorsque nous observons les masses souffrantes de Noirs dans cette nation. L’Église de la classe moyenne noire doit retrouver sa voix prophétique et retourner dans des lieux de servitude pour proclamer la liberté aux captifs. Dieu est un Dieu de liberté, et il entre toujours dans des systèmes oppressifs pour en faire sortir les victimes, qu’il appelle son peuple. En avançant, puissions-nous laisser des esprits libérés exprimer à travers notre bouche libérée les mots qui ébranleront les fondements de la tyrannie et transformeront les systèmes construits sur le dos de la souffrance humaine. L’Église noire doit perpétuer son héritage de l’Ancien Testament, comme une force libératrice au sein d’un projet divin, si elle veut retrouver un rôle d’institution libératrice au sein de systèmes humains injustes qui cherchent encore à asservir.

Jerry Taylor est professeur agrégé de Bible, de missions et de ministère et est le directeur fondateur du Carl Spain Center on Race Studies and Spiritual Action à la Abilene Christian University .

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Notre nostalgie est spirituellement dangereuse

Nous ne devrions pas adorer le veau d’or des jours « pré-COVID »

Christianity Today August 21, 2020
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Dragana991 / Getty / Elizeu Dias / Bundo Kim / Unsplash / Agung Pandit / Pexels

Vous souvenez-vous du réveillon du Nouvel An 2020, et de vos attentes d’alors ? Les réseaux sociaux s’animaient encore de discussions à ce propos lorsque, quelques mois plus tard, le monde s’est arrêté. À présent, notre désir de retrouver le passé imprègne les aspects les plus banals de la vie : s’arrêter quelques instants au café, vérifier les résultats sportifs avant de se coucher, voir les étagères remplies de papier toilette au supermarché… Même certains tracas quotidiens nous manquent. Se bousculer pour monter dans le métro aux heures de pointe, se retrouver coincé en plein embouteillage ou supporter la musique forte de la fête d’à-côté…

Bien que nous ne puissions souvent rien y changer, impossible de manquer les ravages causés par notre nouvelle normalité : des personnes isolées doivent supporter de longues périodes sans aucun contact humain, ceux qui perdent des êtres chers se retrouvent dans l'impossibilité de pouvoir organiser des funérailles convenables. Sans la chaleur du contact direct avec d'autres personnes, nous nous sentons incapables de prendre véritablement part aux succès ou aux luttes de nos proches. Peut-être est-ce pour cela que nous sommes vraiment nostalgiques : nous n'avons plus la capacité de nous réjouir avec ceux qui se réjouissent et de pleurer avec ceux qui pleurent d’une manière pleinement présente et incarnée.

Des teintes chaudes de nos filtres Instagram aux modes qui réapparaissent dans les vitrines, en passant par des slogans politiques exploitant les grandeurs du passé, la nostalgie touche à toute la gamme de l’expérience humaine. Dans ses formes ordinaires, cette nostalgie peut fournir une sorte de cadre agréable aux choses. Pensez aux diaporamas lors d’une remise de diplômes ou d’un mariage. Mais ce même sentiment peut nous ramener à des pertes auxquelles nous ne pouvons pas nous résoudre et nous inciter à recréer une version stérilisée et déformée du passé. La nostalgie d’une époque plus simple surgit facilement dans un présent dysfonctionnel tel que nous le vivons. Mais si rien n’est fait, cette nostalgie peut gravement nous égarer.

Après avoir été miraculeusement délivré de l’esclavage en Égypte, Israël avait juré solennellement devant Dieu de respecter les dix commandements, interdisant d’adorer d’autres dieux ou des images gravées. Quelques semaines plus tard, le peuple mettait Aaron, le grand-prêtre, au pied du mur et exigeait qu’il fabrique de nouveaux dieux pour les vénérer (Ex 32.1). Comment ont-ils si vite succombé à l’idolâtrie ?

Avaient-ils cessé de croire en Yahvé ? Cela semble peu probable. Les Israélites avaient été les témoins d’un signe miraculeux après l’autre : les dix plaies, la mer Rouge se séparant devant eux, des colonnes de nuages et de feu les guidant sur leur chemin. Ils avaient vu la puissance de Dieu. Ont-ils agi par peur ? Cela faisait 40 jours que Moïse était monté sur le mont Sinaï. Personne ne savait quand – ni si – il reviendrait. Peut-être la perspective de faire face à au désert sans leur chef les avait-elle poussés à la faute. Mais lorsque Moïse leur avait présenté les dix commandements pour la première fois, les Israélites avaient ressenti une telle terreur devant la présence de Dieu qu’ils en craignaient pour leur vie (Ex 20.20). Ils avaient toutes les raisons de craindre Dieu plus que le désert.

On peut trouver une explication plus prosaïque à cette trahison par ailleurs déconcertante : le peuple d’Israël était consumé intérieurement par la nostalgie. Alors que l’euphorie de la traversée de la mer Rouge s’apaisait et que la réalité de la vie sauvage s’installait, le peuple soupirait après le pain et les marmites de viande de l’Égypte. C’est alors que Dieu leur a donné la manne (Ex 16.3). Mais au fur et à mesure qu’ils mangeaient la manne, jour après jour, leur envie devenait plus forte et plus spécifique. Ils auraient bien voulu manger des poissons, des concombres, des poireaux, des oignons et de l'ail (Nb 11.4-5). Alors Dieu leur a donné des cailles (Ex 16.12-13 ; Nb 11.31-32). Mais leur appétit culinaire avait réveillé quelque chose de plus profond. Ils languissaient après les rythmes stables et prévisibles de la vie qu’ils connaissaient depuis 400 ans. Ce désir les consumait au point qu’ils perdaient de vue ce dont ils avaient avant tout besoin d’être délivrés.

Puis Moïse a disparu sur le mont Sinaï. Son absence était l’occasion de recréer au mieux cette ancienne vie comportant la fête, la célébration et les coutumes religieuses. Aaron, le grand prêtre, a recueilli auprès des bibelots en or associés à l’Égypte et les a façonnés sous forme d'idole. Le jour suivant, le peuple poussa de telles clameurs devant le veau d’or que le compagnon de Moïse, Josué, prit ce bruit pour le bruit d'une guerre (Ex 32.17).

La débâcle du veau d’or était, en réalité, le produit d’une mauvaise mémoire. La maison d’Israël était très naturellement en manque de ce dont elle était familière, de la routine et des bons aspects de la vie que ses membres avaient construite en Égypte. Leur ancien monde avait disparu et leur nouveau monde était un désert d’incertitude. Mais la nostalgie les a tellement consumés intérieurement qu’ils en ont complètement oublié de se remémorer aussi les 400 ans d’esclavage. Ils ont ainsi brisé les premier et deuxième commandements afin de remettre en vigueur un passé à la fois idéalisé et déformé. Ils ont tellement perdu leurs repères moraux que Dieu a envisagé de les anéantir, avant que Moïse n’intervienne (Ex 32.11-14).

Et tout a commencé par le désir d’un bon repas.

Comment quelque chose d’aussi inoffensif que la nostalgie peut-il se révéler spirituellement dangereux ? CS Lewis observe dans Tactique du diable que l’œuvre de l’Esprit se déroule dans le présent. Répondre à l’Esprit exige « d’obéir à la voix présente de la conscience, de porter notre croix présente, de recevoir la grâce présente et de rendre grâce pour le plaisir présent ». Par conséquent, l’une des caractéristiques déterminantes du péché est qu’il rompt notre lien avec la réalité présente. Lewis souligne que la plupart des vices, tels que la peur, l’ambition ou la luxure, nous incitent à nous laisser obséder par l’avenir. La nostalgie, en revanche, est tournée vers le passé. Puisqu’elle nous pousse dans la direction opposée de la plupart des autres vices, nous pourrions par comparaison avoir tendance à la considérer comme inoffensive. Mais, spirituellement parlant, le fait que nous perdions le contact avec le présent a plus d'incidence que la manière dont nous le perdons. Plus un vice nous empêche d’affronter les défis et d’apprécier les bénédictions de notre présent, plus il devient spirituellement corrosif. C'est précisément parce qu’elle passe pour agréable et inoffensive que la nostalgie peut être extrêmement efficace pour nous désynchroniser du travail de l’Esprit pendant de longues périodes de temps.

À petites doses, la nostalgie peut nous ressourcer : qui ne s’est pas senti rafraîchi après avoir évoqué des souvenirs avec de vieux amis ? Mais la nostalgie débridée nous pousse à nous accrocher à un veau d’or nous rappelant le passé plutôt que de reconnaître les colonnes de nuages et de feu qui nous guident à travers notre présent incertain. C'est à juste titre que le psalmiste nous rappelle à propos des idoles : « Elles ont une bouche, mais ne peuvent pas parler, des yeux, mais ne peuvent pas voir. Elles ont des oreilles, mais n’entendent pas, et il n’y a pas de souffle dans leur bouche ». Ce passage se termine par un avertissement : « Ceux qui les fabriquent leur ressemblent, ainsi que tous ceux qui se confient en elles » (Ps 135.15-18). La femme de Lot a été transformée en une colonne de sel parce qu’elle avait regardé en arrière en direction de Sodome (Ge 19.26). Elle est devenue aussi inerte et figée dans le temps que le passé fantasmé auquel elle aspirait. Spirituellement parlant, nous risquons le même sort lorsque nous idolâtrons un passé mal remémoré.

Comment empêcher la nostalgie de nous paralyser spirituellement ? Commençons par être honnêtes avec nous-mêmes. Quoique nous puissions prétendre, la « vie normale » d'avant 2020 n’existe plus. Elle a pris fin lorsque l’épidémie est devenue une pandémie, ou lorsque Ahmaud Arbery, Breonna Taylor ou George Floyd ont été tués. Aucun miracle économique, aucune mesure gouvernementale ne pourra ramener les vies perdues ou nous rendre véritablement notre sentiment de sécurité tel que nous le connaissions, ou nos rythmes habituels et nos routines.

Faire face à une telle réalité peut certes attiser notre tristesse. Il doit assurément y avoir une place pour traiter ce qui correspond à une perte collective. Mais l’Esprit peut transformer cela en « tristesse selon Dieu », qui apporte la repentance et le salut. Il nous faut donc être ouverts à l’œuvre de l’Esprit, de peur que nous ne succombions à la « tristesse du monde » qui produit la mort (2 Co 7.10).

Comme le souligne Lewis, cette ouverture à l’Esprit ne peut être qu'un processus actif. Comment pourrions-nous sinon mettre en pratique la nécessité « d’obéir à la voix présente de la conscience, de porter notre croix présente, de recevoir la grâce présente et de rendre grâce pour le plaisir présent » ?

Dans notre environnement actuel, les croix sont évidentes. Les véritables plaisirs peuvent être plus difficiles à discerner mais, spirituellement parlant, il est vital de savoir les reconnaître et les apprécier. J’ai constaté qu’ils se manifestaient pour moi par exemple par de vieilles amitiés ravivées via des écrans d’ordinateurs portables. Ils surgissent dans les promenades quotidiennes que ma femme et moi faisons désormais dans notre petite ville du New Jersey pour contrer les méfaits de l’enfermement chez soi. En nous promenant dans les rues avoisinantes, nous nous arrêtons et discutons avec les voisins, beaucoup plus souvent qu’auparavant. Je vois les travailleurs engagés dans différents secteurs de service sous un nouveau jour – les commis d’épicerie, les facteurs, les chauffeurs de camion, les ramasseurs de déchets – et j’apprécie la façon dont ils rendent la vie moderne possible. J’apprends à apprécier les tâches quotidiennes comme la cuisine et le jardinage. Ces « plaisirs présents » varieront d’une personne à l’autre. Mais ils pourraient très bien faire partie de la manne qui nous nourrit.

Dans des moments comme ceux-ci, les communautés de foi peuvent offrir quelque chose de bien plus édifiant que la nostalgie : l’espérance. L’espérance, dans son sens biblique complet, naît de l’épreuve : « la détresse produit la persévérance, la persévérance conduit à une fidélité éprouvée, et la fidélité éprouvée nourrit l’espérance » (Rm 5.3-4). Cette espérance perdure précisément parce qu’elle est l’œuvre de l’Esprit : « notre espérance ne risque pas de tourner à notre confusion, car Dieu a versé son amour dans notre cœur par l’Esprit Saint qu’il nous a donné » (Rm 5.5). L’espérance prend racine lorsque le peuple de Dieu suit l’incitation de l’Esprit à affronter l’épreuve présente. La nostalgie, en revanche, représente la tentation de nous laisser tromper par les fantômes d’un passé idyllique plutôt que d’affronter les difficultés actuelles. Céder aux fantasmes du passé déroute le peuple de Dieu en l'empêchant de saisir l'occasion de cultiver l’espérance qui surmonte le désespoir.

Certaines de nos vies confortables et sédentaires ont cédé la place à une saison désert. Ces espaces sauvages nous déstabilisent profondément en nous confrontant à la contingence de nos vies. La manne que Dieu fournit dans de tels espaces n’a pas le même goût que ce à quoi nous sommes habitués. Mais cette manne nous nourrit d’une manière bien plus riche que le riche train de notre vie sédentaire passée ne le pouvait. Au fur et à mesure que les crises se prolongent ou se succèdent, nous serons toujours profondément tentés de recréer un passé idéalisé et remémoré de façon sélective plutôt que de répondre aux besoins et aux préoccupations du présent. Mais le peuple de Dieu doit se discipliner pour se concentrer sur l’ici et le maintenant. Car c’est là que se déroule l’œuvre de l’Esprit qui fait toutes choses nouvelles.

Jeremy Sabella est maître de conférences en religion au Dartmouth College. Il est l’auteur de An American Conscience: The Reinhold Niebuhr Story (Eerdmans, 2017).

Traduit par Jean-Paul Remp

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, suivez-nous par Facebook ou Twitter.

N.T. Wright : La pandémie devrait nous rendre humbles, et résolument pratiques

Impossible de dire avec certitude pourquoi cette pandémie s’est produite et comment y mettre fin. Mais les Écritures nous appellent à nous laisser toucher par l’Esprit de Dieu et à travailler au service des autres.

Christianity Today August 10, 2020
Illustration by Rick Szuecs / Source images: RealPeopleGroup / Getty / Andre Ouellet / Unsplash / Cynoclub / Envato

Entre les reportages, les entretiens avec des spécialistes en santé publique et des experts disséquant les avantages et inconvénients de différentes stratégies de lutte contre la maladie, nous ne sommes pas à court d’informations et de réflexions sur le COVID-19. Pourtant, il reste encore de nombreuses questions auxquelles nous avons du mal à répondre en toute confiance : pourquoi cela s’est-il produit ? Que devons-nous faire en réponse ? Et où est Dieu dans tout cela ? Dans son ouvrage God and the Pandemic: A Christian Reflection on the Coronavirus and Its Aftermath (« Dieu et la pandémie: une réflexion chrétienne sur le coronavirus et ses conséquences »), le théologien et auteur NT Wright montre comment les Écritures répondent à notre confusion et notre incertitude. Andy Bannister, directeur du Solas Center for Public Christianity en Écosse, s’est entretenu avec Wright à propos de son livre.

De nombreux chrétiens ont déjà écrit des livres sur la pandémie : John Lennox, John Piper, et même des auteurs portant d’autres noms que John. Qu’est-ce qui vous a poussé à apporter votre propre contribution ?

En mars, le magazine Time m’a demandé si je ferais un article sur la pandémie. Celui-ci a reçu un titre plutôt provocateur: « Le christianisme n’offre aucune réponse à propos du coronavirus. Il n’est pas censé le faire ». Je voulais affirmer que cette situation nous met dans la position décrite en Romains 8, où l’Esprit gémit en nous par des soupirs inexprimables (v. 26). C’est une chose extraordinaire que décrit Paul ici. Et ce que cela me dit, c’est que nous sommes censés être humbles face à un tel événement, et ne surtout pas penser que nous devrions connaître toutes les réponses.

Après la parution de l’article, j’ai commencé à recevoir des commentaires. Des gens m’ont envoyé des courriels en me demandant : « Comment pouvez-vous dire cela ? » Et j’ai, par ailleurs, été informé de ce que les gens disaient sur Twitter (je ne regarde jamais Twitter moi-même). Pendant tout ce temps, je continuais à entendre des gens utiliser les Écritures d’une manière qui me semblait loin d’être adéquate. Ce livre représente donc une tentative d’explorer comment l’Écriture, dans tout son récit et l'ensemble de son mouvement, peut nous parler dans les circonstances que nous vivons aujourd’hui.

Lorsque le COVID-19 a frappé, il semble que beaucoup d’entre nous aient été pris par surprise. Pensez-vous que l’Église occidentale vit dans le confort et la sécurité depuis si longtemps que nous aurions oublié comment gérer les ténèbres, la souffrance et la crise ?

Absolument ! J’en parlais à un responsable d’Église il y a quelques semaines, et il m'a fait la remarque suivante : « Tu sais, Tom, nous ne savons pas bien nous lamenter. Nous n’y sommes pas habitués. Mais nous ne savons pas non plus bien nous réjouir. Ce que nous semblons faire le mieux, c’est la complaisance ». Et je pense qu’il avait raison. J’entends souvent des chrétiens se demander : « Cela pourrait-il être la fin du monde ? ». Je veux leur rappeler que des choses comme celles-ci se sont produites encore et encore par le passé. Par exemple, en 1917-1918, s’est produite la grande pandémie de grippe espagnole, au cours de laquelle les églises de certaines parties du monde ont été fermées pendant plus d'une année. Nous oublions que nous avons déjà connu ce genre de situation.

De plus, pour ma génération de baby-boomers, qui a grandi après la Seconde Guerre mondiale, nous n’avons pas connu de guerre sur notre territoire. Nous n’avons pas eu de pandémie. Bien sûr, nous avons eu quelques crises économiques, mais nous avons plus ou moins réussi à les surmonter. Donc nous avons juste continué à nous débrouiller et à agir avec l'idée que rien de grave ne se passerait. Nous avons oublié l’histoire.

J’ai été fasciné quand j’ai récemment relu les lettres de Martin Luther. Je cite l'une d'entre elles dans mon livre. Luther a dû faire face à ce genre de choses régulièrement au cours des années, soit pour lui-même, soit pour les habitants des villes voisines qui appelaient au secours : « Nous faisons face à une grande épidémie. Les gens meurent. Que faire ? ». Luther leur parle alors d’obéir aux règles concernant la prise de médicaments, d’aider concrètement là où ils le peuvent, et de ne pas créer de problèmes en transmettant la maladie à d’autres s'ils sont contagieux. Il était très pragmatique, disant en quelque sorte : c’est ainsi que nous faisons face. Ne faisons pas une grande histoire théologique à ce sujet.

Votre livre s’inspire de nombreux thèmes de l’Ancien Testament, en particulier dans les Psaumes et le livre de Job. En ce qui concerne ce dernier, vous soutenez qu'« une partie de la pointe du message du livre de Job est précisément qu'il comporte un aspect de non résolution ». Pensez-vous que les chrétiens d’aujourd’hui semblent avoir du mal avec l’ambiguïté précisément parce qu’ils n’ont pas de fondement suffisamment solide dans l’Ancien Testament ?

Je pense que le message du Nouveau Testament accorde aussi une place à l’ambiguïté. Il y a de nombreux passages dans le Nouveau Testament qui se terminent comme par un point d’interrogation, ou des points de suspension. C’est précisément ce que l’on appelle vivre par la foi.

Dans l’ensemble, je pense qu’une partie de notre problème est le rationalisme qui a sévi ces deux ou trois cents dernières années dans le monde occidental. L'Église s'en est imprégnée lorsque, en réponse aux critiques rationalistes du christianisme qui affirmaient des choses comme « Regardez, la science moderne nous montre que le christianisme est faux ! » , les chrétiens rationalistes se sont dit : « Non, montrons comment tout cela est complètement rationnel ! ». Cette pensée peut nous amener à vouloir avoir la réponse à tout, et à prétendre des choses comme : « Puisque Dieu est souverain, il doit avoir fait cela délibérément ou du moins le permettre délibérément ». Nous pensons que nous devrions être en mesure de comprendre tous ses desseins. Mais je ne pense vraiment pas que ce genre de possibilité nous soit accordée.

Un de mes versets préférés dans le Nouveau Testament se trouve dans la lettre de Paul à Philémon, à propos de l’esclave Onésime. L’apôtre écrit : « Qui sait, peut-être Onésime a-t-il été séparé de toi pour un temps afin que tu le retrouves pour toujours » (v. 15). En d’autres termes, Paul pense pouvoir peut-être entrevoir ce que Dieu est en train de faire dans cette situation. Mais il ne l’affirme pas comme une certitude.

Il y a ici une humilité dont nous avons besoin. Ceci dit, une telle attitude pourrait, de façon exagérée, se transformer en une attitude de type : « Nous ne savons rien, alors qui s’en soucie ? » Ce ne serait pas sage non plus, car des directives nous sont données. Mais connaître tous les détails n’est pas de notre ressort. C’est l'œuvre de Dieu. Notre travail à nous, lorsque Dieu nous fait savoir ce que nous devons faire dans cette situation particulière, c'est de continuer à le faire.

Lorsque vous parlez des Évangiles, vous mettez l’accent sur l’exemple de Jésus debout devant la tombe de Lazare, pleurant. Que pourriez-vous dire à quelqu’un qui n’est pas chrétien, qui est aux prises avec le problème de la souffrance, et qui demande : « À quoi sert un Dieu qui pleure ? Je peux pleurer. Tout le monde peut pleurer. Ce dont nous avons besoin, c’est d’action ; nous avons besoin que quelque chose soit fait ! Comment les pleurs de Jésus peuvent-ils nous aider ? »

Il y a beaucoup d’action dans ce récit et cette action naît des larmes. Comme c’est souvent le cas, en fait, les larmes dans les Évangiles sont parfois l’élément crucial. Ce qu’elles montrent, c’est que le Dieu qui a créé le monde, qui s’est fait être humain en la personne de Jésus de Nazareth, n’est pas assis quelque part à l’étage, regardant en bas et nous disant : « D’accord, je vais régler votre désordre ». Au contraire, c’est le Dieu qui vient à notre rencontre et se salit les mains, et se laisse transpercer les mains pour être là où nous sommes et nous sauver de cette situation. Il est profondément réconfortant de savoir que lorsque je suis en deuil, comme Paul le dit en Romains 8, Jésus est en deuil avec moi, et le Saint-Esprit est en deuil en moi. Et c’est l’une des choses qui distingue la foi chrétienne de pratiquement toute autre vision du monde que je connais.

Qu’est-ce que le reste du Nouveau Testament – et en particulier le rôle du Saint-Esprit – doit nous apprendre sur notre réponse à la pandémie ?

Romains 8, que je viens de mentionner, est l’un des plus beaux passages de toute la Bible. Quand je travaillais comme évêque, lorsque j’interrogeais des gens en vue d’emplois paroissiaux, je demandais parfois : « Quel serait votre texte biblique préféré si vous vous trouviez sur une île déserte ? » Et pour rendre les choses plus difficiles, j’ajoutais : « Vous avez déjà Jean 20 et Romains 8, alors ne les mentionnez pas. De telles citations sont trop évidentes ».

Romains 8 est plein de gloire. Plein de salut. Plein de l’œuvre de l’Esprit. Cependant, il est facile de se laisser emporter et d’imaginer qu’une fois que nous avons traversé les parties difficiles de Romains 7, nous pourrions désormais simplement naviguer sur les hauteurs, jusqu’à l’affirmation de Paul que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu (8.38-39). En réalité, vous devez encore passer par le tunnel sombre de Romains 8.18-30, et en particulier par les versets 26 et 27, qui parlent de l’Esprit intercédant pour nous dans notre faiblesse.

Quand le monde est en désordre, comme il l’est en général, mais particulièrement à des moments tels que la pandémie, il serait très facile d’imaginer que l’Église puisse se tenir en retrait et dire : « Quel dommage que le monde soit dans un tel désordre. Mais, nous au moins, connaissons les réponses ». Non, Paul dit que lorsque le monde gémit dans les douleurs de l'enfantement, alors même nous-mêmes – qui avons les prémices de l’Esprit, les frémissements de la nouvelle création de Dieu en nous – gémissons en attendant notre adoption en tant que fils et filles, la rédemption de nos corps (Rm 8.23).

Vous pourriez dire alors, d’accord, l’Église prend sa part dans le désordre dans lequel se trouve le monde, mais Dieu sait sûrement ce qu’il fait. Bien sûr, dans un sens, oui, Dieu sait ce que Dieu fait. Mais ici nous touchons au mystère du Dieu trinitaire, car Paul dit qu’en ce moment même, l’Esprit gémit en nous avec des soupirs inexprimables. De plus, faisant allusion au Psaume 44, l’un des grands psaumes de lamentation, Paul dit que le Dieu qui sonde les cœurs connaît l'intention de l’Esprit, parce que l’Esprit intercède pour le peuple de Dieu selon la volonté de Dieu (Rm 8.27). En d’autres termes, Dieu le Père connaît la pensée de l’Esprit. Mais la pensée actuelle de l’Esprit est une pensée qui n’a pas de mots pour exprimer la gravité des choses que nous vivons en ce moment.

C’est une affaire très étrange. Mais ce que je pense voir là, c’est ceci : pour sauver le monde, Dieu vient dans la personne de son Fils prendre le poids du péché sur lui-même. Et Dieu vient en la personne de l’Esprit pour être celui qui gémit dans l’Église, là-même où le monde souffre. C’est ainsi que Dieu avance, à travers ces douleurs de l'enfantement, de l’état actuel d’horreur et de honte du monde au salut : la plénitude de la nouvelle création, qui est ce qui nous a été promis.

L’idée du deuil et des gémissements de l’Esprit me ramène à quelque chose que vous avez abordé plus tôt, la lamentation. Tout au long du livre, vous dîtes que nous devons « accueillir la lamentation ». Est-ce quelque chose que nous avons un peu oublié dans l’Église moderne ? Si oui, comment le redécouvrir ?

Oui, je pense vraiment que certains d’entre nous ont oublié l'importance de la lamentation. Ceux qui appartiennent à une tradition dans laquelle les Psaumes sont constamment relus sont aidés par le fait d'être fréquemment confronté à de telles plaintes. Quand je prie les Psaumes, jour après jour, je m’arrête souvent à l’un des psaumes de lamentation. C’est souvent ce dont j’ai besoin, car les tristes choses qui y sont décrites ont aussi lieu dans ma vie.

À d’autres moments, je peux tomber sur des psaumes de lamentation alors même que je me sens personnellement assez joyeux. J’essaye alors, à titre d’exercice spirituel, de réfléchir à la situation des personnes que je connais à travers le monde : soit des amis à moi, soit des personnes que j’ai vues à la télévision ou aux informations, qui sont présentement dans une situation terrible – des gens dans un camp de réfugiés horrible et sordide, ou quoi que ce soit d'autre. Et je prie les psaumes de lamentation en essayant de les étreindre dans l’amour de Dieu.

Nous devons nous rappeler que la lamentation n’est pas seulement d'actualité pour le Carême. Elle est également intégrée à l’Avent, alors que nous nous préparons pour Noël. Ce sont des saisons que nous pouvons utiliser pour développer des liturgies de lamentation qui amènent la douleur du monde en présence de Dieu, en utilisant des psaumes de lamentation – comme les Psaumes 22, 42 et 88 … qui préfigurent ce que Jésus a prié sur la croix : « Mon Dieu , mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27.46). Parfois, ces prières débouchent sur la lumière. Et parfois, comme le Psaume 88, elles ne montrent tout simplement pas cet autre côté. Elles restent dans le noir. Mais elles portent ce sentiment que Dieu est avec nous dans ces ténèbres.

Vers la fin du livre, vous parlez de l’Église et de sa réponse à diverses consignes de confinement. Vous soutenez que notre consentement à suspendre les réunions en présentiel et à animer des cultes en ligne pourrait avoir accidentellement renforcé le préjugé séculier selon lequel la foi est une activité privée. Comment gérer la tension entre l’appel au culte collectif et l’importance de la préservation de la santé publique ?

Je commence en utilisant l’argument de Luther selon lequel nous ne devons pas propager les infections. C’est irresponsable. C’est jouer avec la vie des autres. Malheur à nous si nous aimons nos bâtiments d'église plus que nous n'aimons nos voisins. Dans notre contexte au Royaume-Uni, le fait est que la plupart des églises sont de vieux bâtiments, ce qui rend très difficile leur nettoyage en profondeur. Je prends cela très au sérieux.

Mais d’un autre côté, je crains que l’Église en ligne puisse facilement nous inciter à dire : « Nous n’avons pas besoin de nous rencontrer en personne, ce sont des questions spirituelles ».

Pouvez-vous adorer Dieu dans votre chambre, en pyjama, aussi bien qu’ailleurs ? En un sens, vous le pouvez. Mais le christianisme est un sport d’équipe. Nous le faisons ensemble. Pensez aux fruits de l’Esprit : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi (Ga 5.22-23). Toutes ces choses, nous les faisons ensemble. Vous ne pouvez pas les pratiquer si vous êtes séparés les uns des autres. Au plus tôt nous pourrons nous réunir avec sagesse, au mieux donc ce sera.

Quant à partager le repas du Seigneur, oui, nous pouvons le faire à l’écran, mais il y a en même temps quelque chose d’un jeûne, d’une privation, d’un exil, parce que le corps du Christ – la grande famille du peuple de Dieu – n’est pas physiquement présente avec nous.

J’ai longtemps pensé que la réponse la plus importante à apporter au mal et à la souffrance n’était pas tant les mots que l’action, et particulièrement une action qui représente un réel prix à payer pour nous. Jésus nous a donné un tel exemple. Alors, à la lumière des souffrances causées par la pandémie, que devraient faire les chrétiens aujourd’hui ? Comment donc devrions-nous vivre ?

Il y a un passage fascinant dans Actes 11, où les disciples d’Antioche apprennent d’un prophète qu’il va y avoir une famine (v. 28). Ils ne répondent pas: « Qu’est-ce que cela peut signifier ? Dieu est-il en colère contre nous ? Cela signifie-t-il que le Seigneur revient ? » Non, ils sont très pratiques. Ils se demandent : « Quelles seront les personnes les plus à risque ? Que pouvons-nous faire pour les aider ? Et qui devrions-nous envoyer ? » Le résultat est que Paul et Barnabas sont envoyés à Jérusalem avec de l’argent pour l’Église appauvrie qui s'y trouve (v. 29-30).

On trouve quelque chose de similaire au début de Jean 9, avec l’histoire de l’homme aveugle de naissance. Jésus est résolument pratique et décourage même ses disciples de demander qui était en faute ou si un péché était à blâmer (v. 3). Ce n’était la faute de personne. La question importante est de savoir ce que Dieu veut que nous fassions en réponse à une telle situation.

En ce qui nous concerne, nous devrions donc commencer par nos voisins, nos amis et notre famille, en nous demandant qui nous pourrions aider en apportant par exemple de la nourriture, des outils ou des fournitures médicales. Peut-être que notre Église pourrait même s’impliquer dans quelque chose comme la gestion d’une banque alimentaire. En somme, nous devons nous demander : que pouvons-nous faire ?

Dans son merveilleux livre Les chrétiens – Comment ils ont changé le monde, l’historien Tom Holland souligne que beaucoup de choses que l’Église, et seule l’Église, faisait, sont maintenant assumées par la société laïque au sens large. Ainsi, de nombreux médecins et infirmières qui ne se qualifieraient pas de chrétiens ont repris à leur compte ce vigoureux impératif de s’occuper des autres, même au prix de leur propre vie. Il y a là une noble chose.

Mais dans le monde antique, seuls les chrétiens faisaient cela. En un sens, une partie de cet idéal chrétien s’est répandu dans le monde. Et nous devrions remercier Dieu pour cela.

Dans l’Église, nous pratiquons des choses comme la médecine, le soin apporté aux pauvres et l’éducation depuis les premiers jour de notre existence. Toutes cela est profondément enraciné dans l’ADN de l’Église. Les chrétiens devraient revendiquer cet héritage et s’y accrocher – et pas seulement en temps de pandémie.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

JI Packer, auteur de « Connaître Dieu », décède à 93 ans

L’influent théologien évangélique laisse une dernière leçon à l’Église: Glorifier le Christ en toutes choses.

J. I. Packer

J. I. Packer

Christianity Today July 18, 2020
Courtesy of Crossway

[Read in: English | Spanish | Portuguese | Chinese: Simplified or Traditional | Korean | Indonesian ]

James Innell Packer, mieux connu de beaucoup comme JI Packer, était l’un des leaders évangéliques les plus célèbres et les plus influents de notre époque. Il est décédé ce vendredi 17 juillet à l’âge de 93 ans.

JI Packer est né dans un village à la périphérie de Gloucester, en Angleterre, le 2 juillet 1926.

Il était issu d’un milieu modeste, étant né dans une famille qu’il qualifiait de classe moyenne inférieure. Le climat religieux à la maison et à l’église était celui de l’anglicanisme de nom plutôt que celui de la foi évangélique en Christ attesté comme Sauveur (quelque chose que Packer n’a pas appris dans son Église d’origine). L’expérience d’enfance qui a changé la vie de Packer est survenue à l’âge de sept ans lorsqu’il a été chassé de la cour d’école par un tyran sur la route très fréquentée de Londres à Gloucester, où il a été heurté par une fourgonnette et a subi une grave blessure à la tête. De ce fait, il a porté une bosse visible sur le côté de la tête pour le restant de sa vie. Néanmoins, Packer ne se plaignait pas et acceptait ce que la Providence avait amené dans sa vie depuis cette séquence d’enfance.

La conversion de Packer au Christ, qui s’est produite dans les deux semaines suivant son inscription en tant qu’étudiant de premier cycle à l’Université d’Oxford, a été bien plus importante que son accident. Packer a consacré sa vie au Christ le 22 octobre 1944, alors qu’il assistait à une rencontre d’évangélisation parrainé par la section InterVarsity (équivalent des Groupes Bibliques Universitaires) du campus. Bien que Packer ait été un étudiant sérieux poursuivant des études classiques, l'élan de coeur qui le portait, lors de sa vie à Oxford, était d'ordre spirituel. C’est à Oxford que Packer a assisté pour la première fois à des conférences de CS Lewis, et bien qu’ils n’aient jamais fait mutuellement connaissance, Lewis exercera une puissante influence sur la vie et le travail de Packer. Lorsque Packer a quitté Oxford en 1952, avec son doctorat sur Richard Baxter en poche, il n’a pas immédiatement commencé une carrière universitaire mais a exercé durant un mandat de trois ans en tant que pasteur de paroisse dans la banlieue de Birmingham.

Packer a eu une vie professionnelle variée. Il a passé la première moitié de sa carrière en Angleterre avant de déménager au Canada pour la seconde moitié. En Angleterre, Packer a occupé divers postes d’enseignement dans des facultés de théologie à Bristol, période au cours de laquelle il a passé un intermède de dix ans en tant que directeur de Latimer House à Oxford, un centre d’échange ayant en vue les intérêts évangéliques de l’Église d’Angleterre. C'est à ce titre que Packer a été l’un des trois leaders évangéliques les plus influents en Angleterre (avec John Stott et Martyn Lloyd-Jones). Le déménagement de Packer au Regent College de Vancouver en 1979 a choqué le monde évangélique, mais a élargi son influence pour le restant de sa vie.

Bien que Packer était un homme humble qui a répudié l’éthique du succès, sa vie se lit néanmoins comme une belle réussite. Son premier livre, Fundamentalism and the Word of God (publié en 1958) s’est vendu à 20 000 exemplaires au cours de sa première année et n’a cessé d’être imprimé depuis. En 2005, le magazine Time a désigné Packer comme l’un des 25 évangéliques les plus influents. Lorsque Christianity Today a mené une enquête pour déterminer les 50 meilleurs livres qui ont façonné l'identité évangélique, le livre de Packer Connaître Dieu est arrivé en cinquième place. Sa renommée et son influence ne constituaient pas un objectif qu’il avait l’intention d’atteindre. Par la suite, il a, d'ailleurs, fermement continué de refuser de cultiver ce genre d'état d'esprit. Au lieu de cela, il a établi sa notoriété en tapant sur sa machine à écrire (qu’il a utilisée pour composer ses articles et ses livres tout au long de sa vie).

JI Packer a rempli tellement de rôles que nous pouvons penser, à juste titre, qu’il a eu plusieurs carrières. Il gagnait sa vie en enseignant et était connu de ses étudiants comme un professeur. Mais le monde entier connaît Packer en tant qu’auteur et conférencier.

La renommée de Packer en tant que conférencier rivalisait avec sa stature d’auteur. Dans les deux domaines, sa générosité était inégalée. Aucun public ou lieu n’était trop petit pour que Packer accepte d'y prodiguer ses meilleurs efforts. Sa carrière d’édition a été une véritable étude de cas, puisqu'il a pratiquement accepté toutes les demandes qui lui ont été adressées. Son livre qui lui a, en quelque sorte, servi de signature, Connaître Dieu, (qui s’est vendu à un million et demi d’exemplaires) a commencé par une série d’articles bimensuels demandés par l’éditeur d’un petit magazine évangélique. Son premier livre, Fundamentalism and the Word of God, a commencé par une conférence à un groupe d’étudiants (l’éditeur a demandé une brochure mais Packer a écrit un livre). Peut-être que personne dans l’histoire n’a écrit plus de recommandations et de préfaces aux livres des autres que Packer.

Dans ses publications comme dans ses conférences, Packer avait la réputation d'un érudit puritain. Mais il était également un homme d’Église dévoué dont l’enseignement — il l'a dit — visait principalement l’éducation des futurs ministres du culte, et il a passé d’innombrables heures à siéger dans des comités d’Église. Pendant un quart de siècle, l’implication de Packer dans Christianity Today lui a donné une plate-forme d’essayiste qui s’est fréquemment focalisée sur des sujets de critique culturelle. Packer a eu une carrière de controversiste (par nécessité plutôt que par choix, m’a-t-il confié). Malgré cette classification, Packer s’est toujours identifié comme théologien; nous pouvons donc considérer ce statut comme sa vocation première.

Lorsque nous parlons de l’héritage laissé par une personne décédée, nous pensons, de manière trompeuse, en termes d’héritage posthume spéculatif, impossible à prévoir. L’héritage principal de JI Packer est l’influence qu’il a exercée sur certains événements de la chrétienté et sur la vie des gens au cours de sa vie. Incontestablement, c'est cela son héritage; et je voudrais à présent souligner ce que qui m'apparait être les façons les plus importantes dont Packer a atteint en les influençant les responsables de direction du christianisme au cours de sa vie.

Le premier livre de Packer constituait une défense de l’autorité de la Bible. Cette défense est devenue à la fois une véritable passion tout au long de sa vie et l’une des contributions les plus importantes que Packer a apportée au monde évangélique (l'évangélisme). Packer était extrêmement attaché à l’idée que les paroles de la Bible sont les paroles mêmes de Dieu. C'est pourquoi il a défendu la doctrine de l’inerrance de l’Écriture, qui n'était pas précisément dans l'air du temps. Il a, aussi, publié des livres sur la fiabilité de la Bible. Il a été rédacteur en chef général de la version Standard anglaise de la Bible, qualifiant ce projet de plus grande réussite de sa vie. JI Packer a donné aux évangéliques une place où se tenir en ce qui concerne l’autorité de la Bible. A titre personnel, aucun héritage de Packer n’a été plus important pour moi que celui-ci, à partir du moment où j’ai sorti une copie de poche de Fundamentalism and the Word of God d’une bibliothèque dans une librairie chrétienne de ma ville natale alors que j'étais étudiant.

La façon dont Packer est devenu un porte-parole des évangéliques conservateurs face à la libéralisation des tendances et des attaques, est une autre contribution importante que Packer a apportée de son vivant. Lorsque Packer a regardé en arrière avec satisfaction sa décennie de responsable dirigeant au sein du Conseil international sur l’inerrance biblique, il a pu dire qu'il « avait tenu la ligne » pour l’inerrance. Cette métaphore s’applique à de multiples causes auxquelles Packer a consacré ses meilleurs efforts. Packer a aidé à maintenir la ligne évangélique conservatrice sur de nombreuses questions théologiques telles que la nature de l’Écriture et son interprétation, le rôle des femmes dans l'Église et la position de l’Église concernant l’homosexualité. C’était un traditionaliste qui se tournait vers le passé pour trouver la vérité. Dans Connaître Dieu, il a cité Jérémie 6:16, avec son image des « antiques sentiers … où est le bon chemin », affirmant que son livre était un appel à suivre ces anciens chemins.

Un autre thème unificateur dans la vie de Packer était sa reconnaissance de la dignité de la personne ordinaire; cela aussi fait partie de son héritage. Packer n’a jamais perdu le contact avec l'homme du peuple dont il a absorbé la spécificité dans son éducation. C'est, par ailleurs, ce même esprit qui a été nourri par son identité de Puritain des derniers jours. Bien que Packer puisse écrire de façon spécialisée avec les meilleurs, sa vocation était d’écrire d'une écriture de niveau intermédiaire pour être compréhensible pour le profane. Il était totalement dépourvu de carriérisme. Le titre d’un Festschrift publié en son honneur s'est révélé parfaitement exact : « Faire de la théologie pour le peuple de Dieu ». Quand Alister McGrath a étiqueté Packer comme un théologiseur plutôt que comme un théologien, Packer l’a vécu comme « toute une découverte » qui l’a amené à conclure qu’il était « un catéchiste adulte », dédié à l’enseignement systématique de la doctrine pour le chrétien ordinaire. Packer n’était pas aussi peiné que certains savants l’ont été en n’ayant jamais achevé ou publié sa théologie systématique parce qu’il considérait que sa vocation était d'écrire des textes théologiques informels pour le profane.

Une autre partie de l’héritage qui se dégage de la vie de Packer, a été son caractère chrétien exemplaire qui a servi de modèle et d’inspiration à ceux qui le connaissaient. Sa piété se manifestait à chaque instant et sa présence était une bénédiction pour les gens qui passaient du temps avec lui. Ses paroles étaient des paroles de sagesse. Il était travailleur, mais en même temps généreux avec son temps. Comme les Puritains qu’il aimait, Packer croyait que la foi chrétienne était basée sur une pensée claire, mais qui engage aussi le cœur. JI Packer parlait avec la précision de la meilleure langue britannique, mais il dégageait en même temps une vraie chaleur spirituelle. Pour ceux qui ont eu la chance de l’avoir rencontré, nous avons immédiatement expérimenté Packer comme quelqu'un qui avait un esprit de parenté dans la foi et qui était un compagnon de route. La note spirituelle authentique était apparente.

Les écrits de Packer montrent ce qui comptait le plus pour lui, et ce qu’il pensait que l’Église aurait aussi dû valoriser le plus. Une partie de l’héritage de Packer consistait donc aussi à aider les chrétiens à établir le bon programme et à se préoccuper des bonnes choses. La liste des priorités de Packer incluait notamment la Bible, l’Église, une théologie correcte, la réalité de la sainteté de vie et la vocation. La raison pour laquelle Packer a écrit sur un si large éventail de sujets est non seulement qu’il avait un esprit actif et généreux, mais aussi qu’il avait à coeur que les chrétiens puissent penser correctement sur tous les sujets liés à la vie. JI Packer avait une passion pour la vérité dans tous les domaines.

JI Packer était aussi un homme de paradoxes. Il a été un anglican dévoué tout au long de sa vie, mais il a évolué avec la même facilité parmi l’aile non conformiste de l’évangélisme et a peut-être même été le plus influent dans les cercles réformés. Il était typiquement britannique, mais a vécu la moitié de sa vie d’adulte au Canada, et grâce à une autre pirouette, il apparait que la sphère de sa plus grande influence furent les États-Unis. Packer est devenu l’un des évangéliques les plus célèbres de son époque, mais il n’a jamais occupé un poste prestigieux dans une grande université et n’a jamais occuppé une chaire à haute visibilité de manière permanente. C’était un homme doux de nature plutôt pacifique, mais il se retrouvait constamment au centre de la controverse et était souvent décrié.

Lorsque nous nous demandons comment une personne aussi tranquille qui se bornait à s'occupper de ses propres affaires est devenue si célèbre et si influente, la réponse est que les publications de Packer étaient le véhicule par lequel ses idées étaient diffusées. Sa vie est donc un hommage au pouvoir de la parole écrite et publiée. Fort de ses écrits, Packer est également devenu un conférencier très connu. À la fois par écrit et en paroles, le contenu de ses interventions était toujours réfléchi, logiquement « emballé », clair et substantiel; aussi surestimait-il régulièrement le temps dont il disposait pour présenter la grande quantité de matériel qu’il avait préparé.

Packer lui-même a attribué la renommée et le succès qu’il a obtenus à la Providence divine, et il est évident que c’est bien le cas. Il n’a pas voulu être célèbre. Il a simplement accompli la tâche qui lui avait été confiée, pour finalement laisser le résultat à Dieu. S’adresser à des adolescents dans un salon était tout aussi approprié pour lui que de s’adresser à un auditorium bondé. JI Packer était avant tout au service du Royaume et de son Roi.

Lorsqu’on lui a demandé, tard dans la vie, quelles pourraient être ses dernières paroles à l’Église, Packer a répondu: « Je pense que je peux le résumer en quatre mots: Glorifier le Christ en toutes choses. » Cela peut servir d’épitaphe pour ce que Packer a fait de son vivant et ce qu’il fait maintenant.

Leland Ryken est professeur émérite d’anglais au Wheaton College, où il a enseigné pendant un demi-siècle. Il a écrit une biographie de JI Packer, intitulée JI Packer: An Evangelical Life.

Traduit par Jean-Paul Rempp

CT Français: WhatsApp
__

What do you think of this translation? Want to see CT do more? Interested in helping us improve the quality and quantity? Share your feedback here.

You can now follow our best articles in English on WhatsApp and Telegram.

Books

Notre manière de nous engager devrait refléter la beauté de Dieu

Lorsque nous essayons de faire ce qui nous paraît juste et bon, il est facile d’oublier de le faire de la bonne manière.

Christianity Today July 8, 2020
Illustration by Rick Szuecs / Source image: Mike Von / Unsplash

Devant le bureau d’un membre du Congrès américain, des chrétiens tenant des pancartes de protestation préparées par leurs soins et des membres du clergé vêtus de leur robe et de leur col participent à une marche pour contester la division des familles de demandeurs d’asile à la frontière américano-mexicaine. Ils unissent leurs voix en des slogans passionnés tels que « Gardez les enfants, déportez les racistes! » ou « Enfermez-les ! », se référant aux gardes-frontières américains. En protestant contre la séparation abjecte et déshumanisante des enfants et de leurs parents, ils déshumanisent les autres en retour, demandant que leurs droits leur soient retirés et leurs libertés restreintes.

Dans les bureaux d’une organisation chrétienne à but non lucratif qui fournit une assistance juridique aux immigrants, des bénévoles d’une Église locale aident les jeunes immigrants dans leurs demandes d’asile. Ces jeunes hommes et femmes sont venus aux États-Unis avec leur famille alors qu’ils étaient encore enfants et se retrouvent à présent sans papiers, dans l’impossibilité de vivre, de travailler ou d’aller à l’université aux États-Unis sans être menacés d’expulsion. Autour de beignets et de café, les bénévoles discutent avec les immigrants préoccupés tout en naviguant dans la paperasse complexe qui leur permettra de rester légalement dans leurs communautés.

Dans ces deux situations, alors que les chrétiens en question semblent croire des choses très similaires à propos de l’immigration, ils choisissent cependant de vivre leurs convictions de manière radicalement différente. Mais comment exprimer ce qui les distingue à nos yeux ? Il me semble que, dans le deuxième cas, les chrétiens reflètent la beauté de Dieu dans la façon dont ils vivent leurs croyances sur l’immigration. Je crois que, si Dieu attend que le contenu de nos croyances soit juste, il veut aussi que la forme que revêt notre foi soit belle. J’utilise ici l’immigration comme un exemple concernant la façon dont nous pouvons évaluer de manière critique nos croyances et nous demander si elles manifestent la beauté de Dieu dans le monde. Cependant le cadre que je propose pourrait s’appliquer à bien d'autres questions, y compris à des croyances sur lesquelles nous pourrions ne pas être d'accord entre chrétiens.

La beauté du Seigneur

Avant de nous demander si nos croyances reflètent la beauté de Dieu, nous devons comprendre ce qu’elle est, et pourquoi nous chrétiens devons avoir pour objectif de la refléter dans notre façon d'exprimer nos convictions. Jonathan King, professeur de théologie et auteur de The Beauty of the Lord: Theology as Aesthetics (« La beauté du Seigneur : la théologie en tant qu’esthétique ») explique que « la beauté est inhérente à Dieu et se reflète dans tout ce qu’il fait ». Les psalmistes écrivent des chants de louange qui magnifient la beauté de Dieu. L'unique demande de David au verset 4 du Psaume 27 est de « contempler la beauté/la magnificence du Seigneur ». Pour Ésaïe, la récompense des justes sera de voir Dieu dans sa beauté (33.17). Le pasteur et auteur John Piper comprend la beauté de Dieu comme « la proportionnalité, l’interrelation et l’harmonie particulières de tous les attributs de Dieu ». En d’autres termes, la beauté de Dieu recouvre la manière parfaite dont ses attributs œuvrent ensemble, même lorsqu’ils semblent paradoxaux. Des attributs comme la justice et la miséricorde de Dieu, sa bonté et sa vérité, sa sainteté et sa compassion, revêtent une symétrie et une perfection qui le distinguent de nous.

Bibliquement et historiquement, la beauté de Dieu a également été étroitement liée à la gloire de Dieu. Des centaines de fois dans les Écritures, les auteurs bibliques utilisent le mot « gloire » pour se référer à la dignité et à la beauté écrasante de Dieu et pour exprimer le fait que Dieu est différent de tout autre être dans l’univers. Le but de Dieu, de la Genèse à l’Apocalypse, est de faire connaître sa gloire et sa beauté uniques dans le monde entier. Le verset 3 du Psaume 96 exhorte ceux qui suivent Dieu à « proclamer sa gloire parmi les nations », et l'évangéliste Jean fait cette affirmation, fondamentale pour le christianisme, qu’en Jésus Dieu « s’est fait chair » et nous a révélé sa gloire (Jn 1.14). King dépeint la beauté de Dieu comme « l’expression extérieure de sa gloire », qui est « exprimée et perceptible comme une qualité esthétique de sa gloire dans son œuvre de création, de rédemption et d’accomplissement ». L’action salvifique de Dieu dans le monde n’est pas seulement fructueuse : elle est aussi belle.

Jonathan Edwards, fameux prédicateur américain du 18e siècle, a beaucoup écrit sur la beauté de Dieu. Il croyait que lorsque les chrétiens sont sauvés, Dieu ouvre leurs yeux pour voir sa beauté d’une manière telle qu'ils en auraient été incapables auparavant et amène leurs cœurs « à savourer la beauté et la douceur de l’excellence suprême de la nature divine ». King s’appuie sur cette idée en suggérant que refléter la beauté de Dieu dans le monde est une part essentielle de ce que signifie, pour les chrétiens, imiter Jésus et suivre son exemple. Lorsque nous considérons tout cela, il apparaît que la beauté de Dieu peut être définie comme la relation unique qui existe entre ses attributs, et par laquelle il accomplit son œuvre dans le monde et révèle sa gloire. Mais pourquoi importe-t-il que nos croyances et les actions qu’elles inspirent reflètent la beauté de Dieu ?

Des convictions marquées par la beauté

En jaugeant nos croyances et nos convictions à la mesure de la beauté de Dieu, nous pourrons ainsi nous assurer que nos actions reflètent le véritable caractère de Dieu et non pas seulement un seul aspect de celui-ci. Pendant que les chrétiens qui scandent « Gardez les enfants, déportez les racistes ! » cherchent à communiquer le chagrin et la colère de Dieu face à la division des familles d’immigrants, ils ne reflètent pas son amour pour tous. Même s’ils réussissent à mettre en lumière l'horreur qu’il y a à retirer les enfants d’immigrants à leurs parents, ils le font d’une manière qui obscurcit les attributs de la grâce, de la miséricorde et de la compassion de Dieu aux yeux du monde.

En revanche, les membres d’Église qui servent les jeunes immigrants par le moyen de l’assistance juridique sont en mesure de refléter la symétrie et la perfection du caractère de Dieu, car ils démontrent l’amour de Dieu pour les immigrants tout en incarnant le respect des lois du gouvernement. Lorsqu’ils se donnent pour objectif de vivre leurs convictions sur l’immigration à la lumière de la beauté du Christ, le Saint-Esprit leur permet d’exprimer leur amour à partir du lieu de tension qui existe entre la sainteté absolue et la grâce infinie de Dieu.

Précisons cependant que le problème de la protestation contre la politique anti-migratoire évoquée n’est pas qu’elle est impersonnelle alors que le deuxième exemple est individuel et personnalisé. Il y a beaucoup de belles choses impersonnelles. La nature autour de nous ne peut pas nous parler de manière audible et personnalisée, et pourtant nous la reconnaissons comme une déclaration de la gloire de Dieu et un reflet de sa beauté.

La distinction entre nos deux exemples ne relève pas non plus du pragmatisme. Bien que le deuxième exemple puisse sembler accomplir davantage de bien que le premier, chercher à refléter la beauté de Dieu dans notre manière de vivre nos croyances n’a pas premièrement une visée utilitaire. Nous sommes tous créés à l’image belle et glorieuse de Dieu. Ainsi, les gens seront attirés par ceux qui reflètent la beauté de leur Créateur dans le monde. Cependant, nous ne devons pas rechercher à ce que nos convictions soient belles pour des raisons pragmatiques. Ce qui rend les croyances marquées par la beauté si précieuses, c’est le fait qu’elles reflètent le caractère parfait de Dieu et son opposition à tout ce qui n’est pas beau, et ce qu’elles soient ou non efficaces pour attirer d’autres à le suivre. Chercher à manifester la beauté de Dieu dans nos convictions est une question de fidélité, même si cela ne s'avère pas toujours le plus fructueux à première vue.

Jésus, notre exemple

En Jésus, nous trouvons un modèle parfait de quelqu'un capable de vivre ses convictions à partir de l’éclat de la beauté de Dieu. Juste après son entrée triomphale à Jérusalem, Jésus prédit à nouveau sa mort imminente à ses disciples. Il explique qu’un grain de blé doit être enfoui dans le sol et mourir pour qu’il puisse se reproduire. Puis il lance soudain cet appel pressant : « Père, glorifie ton nom ! » (Jn 12.28). Le pasteur et auteur Eugene Peterson, dans son examen de la prière de Jésus, discerne que « les racines de la gloire sont dans la mort et l’ensevelissement ».

Si nous voulons que nos croyances reflètent la beauté de Dieu et lui rendent gloire, la mort est nécessaire. Nous devons mourir à nos idées et hypothèses préconçues sur la façon dont nous devons vivre nos convictions dans le monde. Nous devons mourir à notre peur du jugement des autres chrétiens qui considéreront que nous sommes « trop mous ». Nous devons mourir à notre besoin d’avoir raison et de montrer que tout le monde a tort. Nous devons mourir à notre désir d’être reconnus pour ce que nous croyons (que nous voulions être reconnus comme différents du monde et « radicaux », ou comme à l’écoute des normes morales modernes). Pour que nos convictions révèlent la beauté et la gloire sans pareilles de Dieu, nous devons suivre l’exemple de Jésus qui, dans sa vie et dans sa mort, a offert le parfait modèle de ce qu'est une conviction marquée par la beauté de Dieu.

Mois après mois, les bénévoles de l’Église locale de notre exemple introductif offrent fidèlement leur temps pour accompagner les jeunes immigrants sans papiers à travers le labyrinthe de paperasse nécessaire pour obtenir des permis de travail et des permis de conduire légaux afin qu’ils puissent poursuivre leurs « rêves américains ». Dans une autre ville, un pasteur local est convaincu qu'il doit enseigner à sa congrégation ce que la Bible dit des immigrants en vue de les inciter à les aimer d’une bonne manière. Lorsque le gouverneur de leur État annonce que les autorités refusent de réinstaller des réfugiés syriens dans leur État, des dizaines de membres de l’Église participent à une manifestation avec des versets bibliques sur l’amour et l’accueil des immigrants écrits à la main sur leurs panneaux. Les membres de la congrégation appellent également le bureau du gouverneur pour expliquer pourquoi ils croient que leur foi les oblige à accueillir l’étranger, et leur pasteur se joint à un groupe d’autres responsables religieux pour rencontrer le gouverneur en personne. Au lieu de céder à la tentation de déshumaniser ceux qui s’opposent à l’accueil des réfugiés, ils développent des pratiques de protestation et de mobilisation qui reflètent la beauté de Dieu.

Les chrétiens de ces deux communautés se joignent à Dieu dans sa douleur face à la marginalisation des immigrants dans leur pays et aux lois et politiques injustes qui répondent à leur peur au lieu d’encourager leur foi. Les chrétiens des deux villes se réjouissent lorsque leur engagement et leur service peuvent aider les immigrants vulnérables à trouver leur identité et leur sens de l'appartenance, ainsi que leur sécurité dans leurs communautés. Leurs actions échouent parfois à produire l’effet espéré, pour lequel ils avaient prié, mais parce qu’ils se sont engagés à refléter fidèlement la beauté de Dieu en vivant leurs convictions, ils savent que, quels que soient les résultats individuels, leurs actions continueront à être vécues comme un culte.

Dieu se soucie à la fois de ce que nous croyons et de la façon dont nous vivons nos croyances dans le monde. Je crois qu’il veut que nos convictions soient façonnées par la créativité et que nos croyances les plus profondes soient d’une beauté stupéfiante. Un bon moyen pour nous de commencer à réfléchir à la manière de refléter la beauté de Dieu dans nos croyances est d’examiner nos convictions, en particulier celles qui concerne des questions controversées, et de nous demander si la façon dont nous en parlons et agissons en conséquence met principalement l’accent sur un seul aspect du caractère de Dieu. Notre passion pour la vérité de Dieu nous a-t-elle aveuglés sur sa bonté ? Notre zèle pour la justice de Dieu nous a-t-il fait perdre de vue sa grâce et sa miséricorde ? Lorsque nous nous sommes concentrés sur la compassion de Dieu, cela nous a-t-il conduits à minimiser sa sainteté ? Lorsque nous identifions une lacune, quelle qu'elle soit, nous pouvons œuvrer à réintroduire les caractéristiques manquantes du caractère de Dieu dans notre discours et nos actions. C’est ainsi que nous pourrons véritablement cultiver une foi pleine de beauté.

Nous avons tous des convictions différentes, mon but n'est donc pas de vous dire ce que vous devez croire. Ma prière est simplement que, quelles que soient nos opinions morales, politiques ou théologiques, nous nous engagions de tout notre cœur et avec l'aide du Christ à refléter la beauté de Dieu dans la manière dont nous les vivons. Certaines de vos convictions devraient-elles passer par le feu purificateur de la beauté éblouissante du caractère de Dieu ? Je ne peux pas vous promettre que cela se fera sans douleur, mais je peux vous assurer que cela en vaut la peine. Devenir plus semblable à Jésus est ce qu’il y a de meilleur.

Tabitha McDuffee est une écrivaine et étudiante vivant dans le sud de la Californie. Elle blogue sur TabithaMcDuffee.com et termine sa maîtrise en protection des réfugiés et études sur les migrations forcées de l’Université de Londres.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Les enseignements bibliques « incarnés » chez un responsable évangélique français, suite à son expérience face au coronavirus

Le Président du CNEF a survécu au COVID-19 et explique pourquoi il a plus que jamais à cœur de défendre sa foi et les Églises évangéliques françaises. Il explique aussi pourquoi sa mère l’appelle désormais « Lazare ».

Christianity Today June 30, 2020
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Courtesy of CNEF

Après avoir passé trois semaines dans un service de soins intensifs, Christian Blanc, le Président du Conseil National des Évangéliques de France (CNEF), a témoigné de sa guérison du COVID-19 dans le magazine français La Vie.

Christianity Today a interviewé Christian Blanc pour comprendre comment cette expérience a, en quelque sorte, « incarné » les enseignements bibliques dans sa vie et quels conseils il souhaiterait donner aux Églises pour les aider à mieux servir les malades.

Pourriez-vous résumer votre « voyage » médical, et, en particulier, nous expliquer pourquoi votre mère vous a renommé « Lazare » ?

Au cours des mois de février et de mars 2020, j’ai eu l’occasion de faire plusieurs voyages à Paris dans le cadre de mes activités en tant que Président du CNEF. Il m’a fallu notamment prendre le train et l’avion. Puis, dans la capitale, j’ai utilisé les divers transports en commun. C’est lors d’un de ces voyages que j’ai contracté le virus COVID-19. Lorsque les premiers symptômes sont apparus (toux sèche et fièvre), je suis resté à la maison pensant que mon état allait s’améliorer rapidement. Mais la situation s’est aggravée au point de me trouver en détresse respiratoire qui a nécessité une hospitalisation. Puis on m’a conduit au service réanimation où tout s’est compliqué, les jours suivants, au point que le personnel médical était plutôt pessimiste pour mon avenir. Un médecin a téléphoné à mon épouse pour lui dire que j’allais probablement mourir dans la nuit.

Mais le lendemain, il a appelé pour dire que tout se mettait à fonctionner à nouveau, il y avait donc un espoir. À partir de ce moment-là, mon rétablissement a commencé et s’est poursuivi dans les semaines qui ont suivi.

Lorsque je suis sorti du service réanimation, j’ai téléphoné à ma maman (également chrétienne évangélique), à 500 kms, qui pensait ne plus jamais me revoir. Lorsqu’elle a entendu ma voix, elle a pensé qu’on lui faisait une mauvaise farce. J’ai dû insister pour lui dire que j’étais bien son fils Christian dont l’état de santé s’améliorait. Elle me répondit : « je ne t’appellerai plus Christian mais Lazare, car, pour moi, c’est comme si tu étais ressuscité ! ». Elle a pleuré tout l’après-midi de reconnaissance et de joie.

Qu’est-ce qui vous a soutenu durant votre séjour à l’hôpital ?

Les textes bibliques que j’avais lus si souvent, médités et prêchés aux autres, ont été pour moi un rocher sur lequel j’ai pu construire ma confiance en Dieu et mon espérance dans sa bonté et sa fidélité. Je repassais dans mon esprit ce verset d’Ésaïe 30.15 : « Vous serez sauvés seulement en vous tournant vers moi et en restant calmes. Votre seule force c’est de rester tranquille et de mettre votre confiance en moi » (Version Parole de Vie).

J’ai aussi beaucoup pensé au prophète Jérémie qui a connu une situation très difficile lors de la chute et de la destruction de Jérusalem par les armées chaldéennes. Il retrouve l’espoir en pensant à la bonté de Dieu, neuve chaque matin, à sa fidélité infaillible et à sa bienveillance généreuse. Lamentations de Jérémie chapitre 3. D’autres promesses de la Bible nourrissaient une conviction profonde : Dieu était là avec moi comme il avait été avec Joseph en prison.

Pensez-vous que votre exemple de patience et de fidélité dans la souffrance a pu interpeller les médecins et le personnel par rapport à votre foi ?

Je ne saurais pas le dire. Toutefois j’ai eu l’occasion de parler avec une infirmière de religion musulmane qui m’a demandé quel était mon métier. Ce fut l’occasion d’échanger un peu avec elle. Ce qui a été remarqué par le personnel hospitalier, c’est mon rétablissement rapide, et plusieurs ont souhaité me revoir plus tard, mais dans d’autres circonstances. « Ce qu’un homme aura semé, il le moissonnera aussi », a écrit l’apôtre Paul.

Cette expérience a-t-elle transformé votre foi ?

En réalité, ma foi n’a pas été transformée, ni ma théologie, mais elles ont plutôt été affermies. Les textes bibliques se sont « incarnés » dans une expérience. Ils ne restent plus des points de doctrine ou seulement des vérités spirituelles, ces mots sacrés sont devenus une réalité vivante en moi. Cela me permet d’en parler avec plus de conviction. C’est comme l’écrit l’apôtre Jean dans son Évangile : « la parole est devenue chair ». C’est une vérité incarnée dans ma propre histoire.

En quoi cette expérience a-t-elle changé votre façon de présider le CNEF ? Quels conseils souhaiteriez-vous donner aux Églises françaises ?

Ma façon de présider le CNEF restera la même en interne, mais ce qui a changé touche plutôt le témoignage auprès du public. Un grand nombre d’occasions me sont offertes pour témoigner de la bienveillance divine dans plusieurs médias. Cela a permis aux évangéliques de se retrouver sur le devant de la scène, après avoir été malmenés suite au rassemblement évangélique organisé à Mulhouse, en février 2020 [voir la note de l’éditeur ci-dessous]. Cela a permis de donner un visage au CNEF.

Si j’avais un conseil à donner pour un témoignage crédible, c’est le suivant : les prédicateurs évangéliques doivent avoir le souci d’une prédication biblique qui permet de construire la foi d’une manière équilibrée et solide. Les prédicateurs ne sont pas des animateurs, des techniciens de la communication, mais des hérauts de la vérité. Une foi humble, saine et solide contribue naturellement à un bon témoignage et parle plus qu’un discours lorsqu’elle est mise en pratique.

Pourriez-vous résumer le récent sondage du CNEF qui a établi qu’un tiers des Églises évangéliques françaises avaient été atteintes par le COVID-19 ?

Nous avons interrogé 2 500 Églises évangéliques et leurs responsables pour savoir si beaucoup d’entre elles avaient souffert de la pandémie. Nous avons reçu 580 réponses : une sur trois a vu des membres être malades, voire parfois mourir. Si certaines n’ont eu que quelques cas, d’autres ont constaté qu’un tiers de leur auditoire était malade et une petite minorité a eu plus des deux tiers atteints du COVID-19. Nous avons déploré au moins 72 décès.

[Note de l’éditeur : La grande Église évangélique « La Porte Ouverte Chrétienne » de Mulhouse, suite à sa convention annuelle de prière rassemblant des gens de toute la France, a été, bien malgré elle – et sans commettre d’imprudence ni transgresser les directives de l’État alors en vigueur – l’un des clusters importants dans la propagation du coronavirus. Elle s’est alors retrouvée au centre d’un tourbillon médiatique très critique au point que 31% des évangéliques français considèrent que l’un des défis prioritaires est de « restaurer dans les médias la mauvaise image des évangéliques, tant au niveau local que national ».]

Comment le CNEF a-t-il pris la défense de « La Porte Ouverte » de Mulhouse et comment s’est-il efforcé de restaurer l’image des évangéliques en France ?

L’Église « La Porte Ouverte » étant membre d’une fédération évangélique, elle-même membre du CNEF, il était de la responsabilité du CNEF d’apporter une aide et des conseils aux responsables dans la gestion de la crise. C’est ce qui a été fait par le Directeur général et le Directeur de communication. De son côté, le délégué départemental du Haut-Rhin a redoublé d’efforts auprès de la Préfecture et lors d’interviews pour défendre cette Église évangélique. Le CNEF a pris aussi la défense de cette Église sur les réseaux sociaux, et chaque fois que le Président du CNEF a été interviewé par les journalistes.

Le CNEF a publié plusieurs communiqués pendant la pandémie pour montrer le sérieux des évangéliques dans le respect des consignes sanitaires. Il a aussi largement diffusé auprès de ses membres, mais aussi des médias et de l’administration française, un guide de bonnes pratiques pour aider les responsables d’Églises à reprendre les cultes dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire. Ce guide a été remarqué, et sa qualité a souvent été appréciée et soulignée dans la presse.

Quelles leçons les Églises, qu’elles se trouvent en France ou ailleurs, peuvent-elles tirer de la pandémie du coronavirus ?

Les Églises ont plusieurs champs d’actions à travailler et un message de solidarité à faire entendre. Elles peuvent manifester leur proximité et leur compassion en proposant de l’aide au moyen d’œuvres caritatives et de bienfaisance ou en proposant des services appropriés là où ils font défaut.

Envers les malades, l’Église peut s’investir dans un service d’aumônerie, de visiteurs de malades, car la présence humaine adoucit l’épreuve et elle doit prévoir un programme de prière pour invoquer le Seigneur afin qu’il use de bonté et de compassion à leurs égards.

Cette crise a mis en avant les nouvelles technologies, or il existe encore un certain nombre de nos contemporains qui n’ont pas accès au numérique ou qui en ont peur. L’Église doit être présente auprès de ces personnes isolées et les aider.

Les valeurs chrétiennes que nous défendons ne peuvent rester au niveau des paroles et des discours, mais elles doivent se traduire par des projets et des actes concrets incarnant ainsi la vérité qui résume toute la loi divine en laquelle nous croyons : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

To be notified of new articles in English, you can now follow CT via WhatsApp and Telegram in addition to email, Facebook, Twitter, and Instagram.

Ideas

La justice a trop attendu

President & CEO

Il est temps que l’Église répare le péché racial.

Christianity Today June 16, 2020
Jeremy Cowart

« Le sang de ton frère crie du sol jusqu’à moi. » – Genèse 4.10

Chez Christianity Today, nous aimons profondément l’Église. Servir l’épouse du Christ, cultiver son amour pour Dieu et raconter l’histoire de son action rédemptrice et transformatrice dans le monde est au cœur de ce que nous faisons. Nous ne nous délectons pas de l’histoire de son péché. Mais nous ne pouvons pas réellement aimer nos frères et sœurs si nous ne pouvons pas raconter leur véritable histoire. Et nous ne pouvons pas raconter leur véritable histoire si nous ne pouvons pas reconnaître la part que nous y avons prise. La Bible est honnête sur les défauts des personnes les plus remarquables. Nous devons suivre son exemple.

Aux États-Unis, deux péchés originels tourmentent notre nation depuis sa création : la destruction de ses habitants indigènes et l’institution de l’esclavage. Les deux sont nés d’un échec à voir un égal dans celui qui ne nous ressemble pas. Comme l’a dit Mgr Claude Alexander, le racisme était dans le liquide amniotique dont est issue notre nation. Il y avait un virus dans l’environnement même qui a nourri le développement de notre pays, de notre culture et de notre peuple. Le virus du racisme a infecté notre Église, notre Constitution et nos lois, nos attitudes et nos idéologies. Nous ne l’avons jamais complètement vaincu.

Les premiers esclaves sont arrivés sur nos côtes avant les pèlerins, avant qu’il y ait un Massachusetts ou un Connecticut. L’esclavage était établi depuis 113 ans à la naissance de George Washington et depuis 157 ans lorsque la Déclaration d’indépendance a été rédigée. Neuf de nos premiers présidents étaient esclavagistes. L’esclavage signifiait que maris et femmes, parents et enfants étaient violemment séparés et ne se revoyaient jamais. Cela signifiait que des hommes blancs violèrent à plusieurs reprises des centaines de milliers de filles et de femmes noires. American Slavery As It Is (« L’esclavage américain tel qu’il est »), publié en 1839 par Theodore Weld et Angelina Grimké et appuyé sur de nombreuses sources, écrit que les esclaves :

sont fréquemment fouettés avec une terrible sévérité, leur chair lacérée est frottée avec du piment rouge, et de la saumure chaude, de l’essence de térébenthine, etc., sont versés sur les entailles pour augmenter la torture ; qu’ils se font souvent déshabiller, se font lacérer le dos et les membres avec des couteaux, sont meurtris et mutilés par des dizaines et des dizaines de coups de pagaie […] qu’ils sont souvent pourchassés avec des chiens de chasse et abattus comme des bêtes, ou déchiquetés par les chiens ; qu’ils sont souvent suspendus par les bras et fouettés et battus jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent, et lorsqu’ils sont ranimés par ceux chargés de les ranimer, ils sont battus à nouveau jusqu’à ce qu’ils s’évanouissent à nouveau, et ce parfois jusqu’à leur mort ; que leurs oreilles sont souvent coupées, leurs yeux arrachés, leurs os cassés, leur chair marquée aux fers rouges ; qu’ils sont estropiés, mutilés et brûlés petit feu jusqu’à ce qu’ils en meurent.

Voici l’institution qui a perduré sur le sol américain pendant près de 250 ans. Nous frémissons d’horreur quand nous pensons non seulement aux tourments physiques ainsi infligés, mais aussi à la souffrance sociale — le sentiment d’humiliation et d’abandon — et au fait que la société blanche autour des esclaves était souvent sourde à leurs cris et ne les considérait ni comme humains ou dignes d’amour. Nous ne pouvons que nous interroger sur la blessure profonde qu’une telle institution devait laisser dans la conscience collective d’un peuple. L’esclavage dans l’économie d’avant la guerre de sécession était l’un des moteurs de création de richesse les plus puissants de l’histoire de notre peuple. Ce moteur a généré du capital économique et culturel qui s’est déversé en aval dans les communautés aisées. Il a aussi apporté des possibilités d’emploi et d’investissement ainsi que des établissements d’enseignement qui ont soutenu la recherche, l’innovation et la qualité de vie. Mais tout cela a laissé les Afro-Américains complètement dévastés.

Seuls environ 42 % des chrétiens blancs croient que l’histoire de l’esclavage continue d’avoir un impact sur les Afro-Américains aujourd’hui. Pourtant, l’esclavage n’était qu’un symptôme du virus, pas le virus lui-même. Ainsi, même après l’abolition de l’esclavage, l’idéologie qui avait soutenu l’esclavage et s’était développé à partir de lui, a perduré. Le symptôme est passé. Le virus a persisté en mutant.

L’échec de la Reconstruction en matière d’intégration et la montée en puissance de Jim Crow ont imposé la ségrégation raciale et l’oppression dans le Sud jusqu’en 1965. Comme les propriétaires de plantations avaient toujours besoin de main-d’œuvre bon marché après la Guerre civile, ils ont exploité leurs métayers et fermiers et les ont souvent traités aussi brutalement qu’auparavant. Les lynchages ont terrorisé les familles noires et imposé un régime de domination et de contrôle, tandis que les législateurs du Sud ont trouvé des moyens toujours plus créatifs d’empêcher les Noirs de voter ou de se défendre eux-mêmes et leurs biens. Dans le Nord également, alors qu’un grand nombre de Noirs avaient fui l’oppression du Sud et cherché du travail dans des usines dans les villes du Nord, la discrimination systématique au niveau des marchés du logement et du travail a rendu pratiquement impossible pour les Afro-Américains de financer leur accession à la propriété et de créer une richesse générationnelle.

De nombreuses politiques progressistes n’ont fait qu’aggraver la fracture sociale et économique entre les Noirs et les Blancs. Les lois sur la sécurité sociale à l’ère du New Deal ont dans les faits exclu la grande majorité des Noirs de l’aide fédérale à la retraite, et le GI Bill a été totalement inefficace pour soutenir l’accession à la propriété et, de plus, n’a que très peu aidé à financer l’enseignement dans le cadre du collège pour les anciens combattants noirs revenant de la guerre. À la fois pour des raisons politiques et par préjugé, les Noirs ont été contraints de s’intégrer dans des quartiers dont la pauvreté ne cessait de s’aggraver, et ainsi très peu d’entre eux ont eu la possibilité de s’en sortir en grimpant l’échelle sociale. Les jeunes qui grandissent à proximité de délits violents, et qui sont entourés par le chômage, des familles en rupture, la toxicomanie et le désespoir, ne peuvent pas obtenir une éducation de qualité, un logement ou des chances égales sur le marché du travail. Tout cela sans parler du démantèlement du système de justice pénale américain dans la seconde moitié du 20e siècle, qui a conduit à une sur-incarcération et à des affrontements de plus en plus violents entre les forces de l’ordre et les communautés qu’elles sont censées servir.

D’autres ont raconté cette histoire plus en détail. Nous pensons qu’il est important de continuer à le dire dans les pages de Christianity Today. Le résultat de cette histoire est un écart de richesse dramatique : la valeur nette médiane des biens des familles noires aux États-Unis aujourd’hui représente un dixième de la valeur nette médiane des biens des familles blanches. Soixante-deux pour cent des enfants noirs nés entre 1955 et 1970 ont été élevés dans des quartiers pauvres, contre quatre pour cent des enfants blancs. Les résultats pour la génération née entre 1985 et 2000 étaient encore pires, avec 66 pour cent des enfants noirs élevés dans des quartiers pauvres contre 6 pour cent des enfants blancs.

La seule façon d’expliquer ces réalités est la persistance de préjugés raciaux et leur enchâssement dans l’appareil gouvernemental. Permettez-moi d’emprunter (mais d’utiliser d’une manière différente) une métaphore de l’érudit Wendy Doniger. Deux explorateurs entrent dans une grotte remplie de toiles d’araignées des plus élaborées. L’un d’eux, ne voyant pas d’araignée, refuse de croire qu’il y en a une. Vous voyez les toiles, répond l’autre. L’araignée est implicite. Les préjugés raciaux sont l’araignée implicite qui a tissé la toile des politiques et des pratiques, des inégalités et des abus qui se dressent sur la route des Noirs américains depuis quatre cents ans.

Quel rôle l’Église a-t-elle joué ?

Bien sûr, certains chrétiens blancs ont fait de grands efforts et couru de grands risques pour abolir l’esclavage, et beaucoup ont versé leur sang dans la guerre qui a émancipé les esclaves dans les États du Sud. Correctement interprétée, la Bible placée au centre de la vie l’Église a représenté une force énorme non seulement pour le rachat des pécheurs, mais aussi pour l’avancement de la justice et de la l’amour. Mais les exceptions ont été bien trop peu nombreuses. Une multitude de communautés chrétiennes, y compris des communautés évangéliques, sont restées silencieuses face à l’esclavage ou en ont même été complices.

En fait, « complicité » n’est pas un terme assez fort. Bien que cela nous attriste profondément, nous qui aimons l’Église, il se pourrait que le péché le plus monstrueux de l’Église blanche en Amérique ait été de façonner une théologie de la supériorité raciale afin de légitimer et même d’encourager l’institution de l’esclavage. L’esclavage était non seulement permis, mais de nombreux chrétiens blancs ont fait valoir que ce système était bénéfique, puisqu’il permettait d’apporter l’Évangile et la culture à un peuple plongé dans les ténèbres de l’ignorance. Même à la veille de la Guerre civile, des prédicateurs ont encouragé la cause sécessionniste en arguant qu’elle faisait partie de la « responsabilité providentielle » que Dieu accordait aux États du Sud « pour conserver et perpétuer l’institution de l’esclavage domestique telle qu’elle existe actuellement ». Si Dieu avait ordonné la hiérarchie raciale, qui étions-nous pour la renverser ?

Beaucoup des mêmes ministres du culte qui ont défendu l’esclavage dans le Sud de l’avant-guerre ont également défendu les systèmes racistes mis en place après la Guerre civile. De nombreuses dénominations protestantes se sont alors divisées parce que leurs branches sudistes continuaient à défendre l’esclavage et la suprématie blanche après la guerre comme avant elle. Des ministres du culte chrétiens et des responsables laïcs ont même participé à des lynchages, fait partie du Ku Klux Klan et participé à la défense de la ségrégation. Bien qu’un nombre croissant d’évangéliques soient venus soutenir le mouvement des droits civiques, de nombreux évangéliques, avec les fortes croyances en l’individualisme qui sont les leurs, étaient mal équipés pour reconnaître et démanteler les manières dont les inégalités raciales avaient été systématisées au sein du gouvernement et sur la place publique.

Même après le vacillement de l’institution de l’esclavage, la théologie a perduré. Elle a affirmé l’approbation divine sur les préjugés raciaux et a servi de justification à d’innombrables moyens de faire respecter ces préjugés contre les Afro-Américains. Bryan Stevenson le dit bien : « Le grand mal de l’esclavage américain n’était pas la servitude involontaire ; c’était la fiction que les Noirs ne sont pas aussi bons que les Blancs, ne sont pas les égaux des Blancs, et sont moins évolués, moins humains, moins capables, moins dignes, moins méritants que les Blancs. » Les Églises blanches étaient plus que complices dans l’écriture de cette fiction ; elles lui ont donné l’imprimatur de Dieu.

Le nom de Phalaris n’est pas très connu au 21e siècle, mais il était tristement célèbre dans l’antiquité classique. Phalaris, tyran d’Agrigentum, sur l’île de Sicile, est connu pour un horrible instrument de torture : un énorme taureau de bronze, creux à l’intérieur, et placé au-dessus d’un feu. Alors que les victimes forcées de pénétrer dans le taureau étaient rôties vivantes, les narines de la bête transformaient les cris des mourants en gémissements sonores qui remplissaient le palais de musique. Vous pouviez être invité à la fête sans savoir que votre divertissement provenait de l’agonie d’autres personnes.

Les générations d’aujourd’hui peuvent effectivement prétendre que nous n’avons pas inventé le taureau de l’injustice raciale. Mais nous en avons profité. La résilience, la créativité, la persévérance et la foi indomptable des Afro-Américains, malgré tout ce qu’ils ont souffert, sont tout simplement miraculeuses. Nous avons tous bénéficié non seulement de leur travail, mais aussi de leurs innovations et de leur esprit d’entreprise, de leur art et de leur musique, de leurs films, de leur poésie et de leurs livres, de leurs hymnes et de leurs prédications. La transformation de la souffrance noire en abondance économique pour l’Amérique, en art, en passion et en intelligence éclatante, a enrichi notre fête au palais. Peut-être pouvons-nous honnêtement dire que nous ne savions pas ce que souffraient nos frères et sœurs. Maintenant nous le savons. Il n’y a donc qu’une chose à faire : déposer nos fourchettes et sortir nos frères et sœurs du ventre du taureau.

Ce sont, certes, des réalités douloureuses dans un monde complexe. Les États-Unis ont à bien des égards représenté une force extraordinaire pour le bien, un puissant avocat de la démocratie, des Droits de l’homme et du développement économique. Les idéaux défendus par notre pays ont aidé des centaines de millions de personnes à sortir de la pauvreté et de l’oppression ; quant à ses technologies, ses innovations et ses productions artistiques, ils ont changé la vie de presque chaque personne sur la planète. De même, l’Église américaine a fait avancer la cause de l’Évangile de Jésus-Christ de nombreuses façons, qu’il s’agisse de l’envoi de missionnaires ou de traduction de la Bible, en passant par le soutien financier et humain de ministères qui apportent lumière et vie aux quatre coins du monde. Et pourtant, historiquement, beaucoup trop souvent, l’évangélisme américain est resté silencieux, complice, voire appui de l’inégalité raciale. Comme l’a écrit Alexandre Soljenitsyne, « la ligne qui sépare le bien du mal ne passe ni par les États, ni par les classes sociales, ni par les partis politiques — mais dans chaque cœur humain — et dans tous les cœurs humains. »

Comment devrions-nous donc réagir ?

Deux récits bibliques me viennent à l’esprit. Le premier, en Actes 10, est celui de l’apôtre Pierre qui estime qu’en tant que juif il ne devrait pas s’associer avec les peuples d’autres nations. Juifs et Gentils, pense-t-il, devraient rester divisés. Pourtant, Dieu lui montre dans une vision qu’il ne devrait pas appeler impur ce que Dieu a purifié. Il entre dans la maison d’un Gentil nommé Corneille, prêche l’Évangile et le Saint-Esprit est accordé à ses auditeurs. Ce moment où Pierre reconnut que ce qu’il pensait être juste était en fait injuste fut un moment décisif dans la propagation de l’Évangile aux non-Juifs.

De même, il est temps que les évangéliques blancs confessent qu’ils n’ont pas traité le péché du racisme avec le sérieux qu’il méritait. Le profond chagrin et la colère qui nous ont animé en 2020 suite à la mort de George Floyd ne portaient pas sur la seule brutalité policière. Cette colère portait sur une société et une culture qui ont permis les abus et l’oppression des Afro-Américains, encore et encore. Nous avons fait partie de cette société et de cette culture, et parfois même, nous avons été les derniers à rejoindre la lutte pour la justice raciale. Le bilan de Christianity Today à cet égard est lui-même mitigé. Les néo-évangéliques croyaient généralement qu’il suffisait de prêcher le message du salut et de l’espérance et que la justice suivrait comme une évidence. Mais cela n’a pas été le cas. Ce que nous pensions être juste était injuste. Nous nous repentons de notre péché.

Mais le repentir ne suffit pas. L’autre récit biblique qui me vient à l’esprit est l’histoire d’un percepteur d’impôts à Jéricho. Zachée était un collaborateur de l’autorité romaine occupante, et en rajoutant ses propres frais d’extorsion à l’impôt romain, il pillait la richesse de ses voisins et s’est enrichi. Jésus l’a rencontré et a choqué la foule en allant chez lui. Ce jour-là, le salut est entré dans la maison de Zachée. Il a proclamé : « Seigneur, je donne la moitié de mes biens aux pauvres et, si j’ai pris trop d’argent à quelqu’un, je lui rends quatre fois plus » (Lc 19.8).

Zachée n’avait pas personnellement conçu le système injuste de taxation romaine. Mais il ne l’avait pas dénoncé non plus ; il y avait participé et en avait profité. Mais Zachée ne s’est pas simplement repenti de ses voies ; il a fait la restitution nécessaire. Il a créé ce que nous pourrions appeler un « fonds Zachée » afin de restaurer ce qui appartenait à ses voisins. Sommes-nous prêts à faire de même ? Les vies noires comptent. Elles comptent tellement que Jésus a tout sacrifié pour elles. Sommes-nous aussi prêts au sacrifice ?

Peut-être notre pays n’est-il pas encore prêt à mettre en place les indispensables réparations. Mais l’histoire de l’injustice raciale exige une réponse personnelle et collective. Peut-être l’Église pourrait-elle ouvrir la voie à la restitution biblique. Je connais un « fonds Zachée » à Atlanta, où les chrétiens qui estiment que les Afro-Américains ont été soumis à quatre siècles d’injustice et de pillage commencent à faire leur humble part pour y remédier. Un comité majoritairement noir attribue les fonds pour soutenir la montée des dirigeants noirs dans l’Église et la vie publique. Ce ne sera pas suffisant, mais c’est au moins quelque chose. Et s’il y avait des « fonds Zachée » dans chaque ville et que les croyants étaient prêts à donner de façon sacrificielle, afin que nos frères et sœurs puissent être restaurés et que nos voisins puissent à nouveau voir l’amour chrétien qui a vaincu le monde ?

Nous avons de l’espoir. Nous croyons au Dieu qui apporte la guérison là où il y a la blessure et la vie où il y a la mort. Nous croyons que l’amour est plus fort que la mort. Nous avons servi dans des Églises de toutes les couleurs, et nous avons vu l’Esprit de Jésus à l’œuvre.

La mariée du Christ est belle. Elle peut surmonter ce fléau. Puissions-nous faire notre part.

Timothy Dalrymple est le président-directeur général de Christianity Today.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Pour être informé de nos nouvelles traductions en français, abonnez-vous à notre newsletter et suivez-nous par Facebook ou Twitter.

Books

Tim Keller demande que l’on prie pour lui alors qu’il est atteint d’un cancer du pancréas

Le pasteur et auteur de New York a annoncé son diagnostic dimanche dernier et commence la chimio, la semaine prochaine.

Christianity Today June 13, 2020
Tim Keller

Tim Keller a demandé à ceux qui suivent et soutiennent son ministère de prier pour lui alors qu’il vient de commencer un traitement de chimiothérapie pour lutter contre son cancer du pancréas.

L’auteur et pasteur chrétien populaire a annoncé la nouvelle de son diagnostic dans le cadre d'une mise à jour sur Instagram et Twitter, le dimanche matin [7 juin].

«Il y a moins de trois semaines, je ne savais pas que j’avais un cancer», a écrit Keller. «Aujourd’hui, je me dirige vers le National Cancer Institute qui fait partie du [National Institutes of Health] pour des tests supplémentaires avant de commencer une chimiothérapie pour lutter contre un cancer du pancréas, la semaine prochaine à New York.»

Keller, 69 ans, a déclaré qu’il avait ressenti la présence de Dieu et qu’il se sentait physiquement bien alors qu’il subissait les tests initiaux, les biopsies et la chirurgie. Il considère que c'est providentiellement que les médecins ont repéré son cancer comme ils l’ont fait.

«J’ai d’excellents médecins humains, mais le plus important est que le Grand Médecin s’occupe de moi», écrit-il.

Keller a démissionné de son poste de pasteur principal à la Redeemer Presbyterian Church à Manhattan en 2017 après 28 ans de ministère là-bas. Il a continué à écrire, à prêcher et à travailler en relation avec l’initiative d’implantation d’Églises City To City de Redeemer. Keller a demandé que l'on prie pour lui afin qu’il puisse continuer son travail, malgré les effets secondaires du traitement.

Ces dernières semaines, Keller a partagé sa série Gospel in Life sur l’Évangile et la question de la race et a promu Uncommon Ground, le livre sur le témoignage chrétien dans un contexte de divisions, qu’il a co-édité avec John Inazu.

Keller a été diagnostiqué d’un cancer de la thyroïde en 2002, dont il a parlé dans son livre Walking with God Through Pain and Suffering. Il est désormais une figure connu du NIH dont le réalisateur est Francis Collins. Le mois dernier, Keller s’est entretenu avec Collins, un collègue chrétien et un généticien primé, lors d’une conversation en ligne sur la foi au milieu de la pandémie du coronavirus. Collins a orienté le NIH vers une recherche historique centrée sur l’immunothérapie contre le cancer, incluant les développements pour le traitement du cancer du pancréas, de la prostate et du sein.

Le cancer du pancréas peut être une forme de cancer particulièrement difficile à diagnostiquer et agressive, représentant environ 3% des diagnostics de cancer aux États-Unis et 7% de tous les décès par cancer.

Au cours de la dernière décennie, d’autres dirigeants évangéliques, dont le théologien Dallas Willard et l’ancien président de l’InterVarsity Christian Fellowship, Steve Hayner, sont décédés après avoir combattu un cancer du pancréas.

Keller a conclu son annonce en faisant référence à Hébreux 12:1–2: «Courir avec joie la course qui m’est proposée, parce que Jésus a couru, avec joie, pour moi, une course infiniment plus difficile.»

Traduit par Jean-Paul Rempp

What do you think of this translation? Want to see CT do more? Interested in helping us improve the quality and quantity? Share your feedback here.

You can now follow our best articles on our new Telegram channel. Come join us!

George Floyd a laissé un héritage évangélique à Houston

En tant que personne de paix, «Big Floyd» a ouvert la porte à des opportunités de ministère dans les projets de logement de Third Ward.

Christianity Today June 2, 2020
Nijalon Dunn / Courtesy of Resurrection Houston

Le reste du pays connaît George Floyd à partir de plusieurs minutes de séquences de téléphone portable capturées pendant ses dernières heures. Mais, dans le Third Ward de Houston, ils connaissent Floyd pour la façon dont il a vécu pendant des décennies — un mentor pour une génération de jeunes hommes et une «personne de paix» suscitant des ministères dans la région.

Avant de déménager à Minneapolis suite à une proposition d'emploi grâce à un programme de travail chrétien, l'homme de 46 ans a passé presque toute sa vie dans le troisième quartier historiquement noir, où il était appelé «Big Floyd» et considéré comme un «OG», c'est-à-dire de facto comme un leader communautaire et parmi les plus anciens hommes d'État, disent ses partenaires du ministère.

Floyd a parlé de briser le cycle de violence qu'il a vu parmi les jeunes et a utilisé son influence pour amener des ministères extérieurs dans la région pour faire du discipulat et de la sensibilisation, en particulier dans le projet de logement de Cuney Homes, connu localement sous le nom de « Les Briques».

"George Floyd était une personne de paix envoyée par le Seigneur qui a contribué à la promotion et au développement de l'Évangile dans un endroit où je n'ai jamais vécu", a déclaré Patrick PT Ngwolo, pasteur de l'Église Resurrection Houston, qui tient des cultes à Cuney.

"La plate-forme qui a été établie pour nous permettre d'atteindre ce quartier et les centaines de personnes que nous avons atteintes tout au long de cette période et jusqu'à présent ont été construites sur le dos de gens comme Floyd", a-t-il déclaré à Christianity Today .

Ngwolo et ses collègues dirigeants ont rencontré Floyd en 2010. C'était un imposant invité de presque 2 mètres qui s'est présenté à nous lors d'un concert de soutien qu'ils avaient organisé pour Third Ward. Dès le début, Big Floyd a clairement défini ses priorités.

«Il a dit: 'J'aime ce que tu fais. Le quartier en a besoin, la communauté en a besoin, et si vous vous intéressez aux affaires de Dieu, c'est mon affaire ' », a déclaré Corey Paul Davis, un artiste hip-hop chrétien qui a participé aux réunions à Resurrection Houston. «Il a dit:« Tout ce dont vous avez besoin, où que vous alliez, dites-leur que Floyd a dit que tout va bien. Je suis derrière vous tous. »

L'Église a développé son engagement dans cette zone, notamment en organisant des études bibliques et en aidant à faire les courses à l'épicerie et les visites chez le médecin. Floyd n'a pas seulement permis l'accès à la zone et accordé sa protection; il a aussi prêté main forte alors que l'Église organisait des cultes, des tournois de basket-ball à trois contre trois, des barbecues et des baptêmes communautaires.

«Il a aidé à repousser la cuve du baptême, comprenant que les gens allaient prendre une décision de foi et se faire baptiser juste au milieu des projets en cours. Il pensait que c'était incroyable », a déclaré Ronnie Lillard, qui se produit sous le nom de Reconcile . «Les choses qu'il disait aux jeunes hommes faisaient toujours référence au fait que Dieu l'emporte sur la culture de la rue. Je pense qu'il voulait voir des jeunes hommes déposer les armes et avoir Jésus dans le coeur à la place d'une vie dans les rues. »

Plus de 50 personnes ont été tuées au cours des dernières années dans ce que les Autorités décrivent comme une guerre des gangs s'étendant de Third Ward jusqu'au Sud-Est de Houston.

Il peut être difficile pour les étrangers de gagner la confiance, voire d'assurer la sécurité, en venant de leur propre initiative. Le «sceau d'approbation» accordé par une figure comme Floyd est crucial pour le discipulat urbain, qui nécessite l'accès à la zone, la direction à suivre et la compréhension du contexte pour être efficace.

« Sa foi consistait à avoir un cœur pour Third Ward qui avait été radicalement changé par l'Évangile, et sa mission consistait à donner aux autres croyants la possibilité d'y pénétrer pour y répandre davantage encore l'Évangile », a déclaré Nijalon Dunn, qui a été baptisé à Cuney. «Il y a des choses que Floyd a faites pour nous que nous ne saurons jamais avant d'être de l'autre côté de l'éternité. Il y avait des moments où nous avions église aux Briques jusqu'à 15 h, et à 16 h 30, ils tiraient directement sur les terrains de basket-ball. »

Dunn a partagé des photos de Floyd lors de son baptême et lors de ses matchs de basket-ball. Le manche de Floyd incluait le nom «BigFloyd4God».

Les hommages et les prières de lamentation des autres chrétiens se sont répandus sur les réseaux sociaux alors que la nouvelle de la mort de Floyd se répandait cette semaine. Sur Twitter, Davis a décrit Floyd comme «la définition de « Soyez le changement que vous voulez voir » » et a partagé un hommage vidéo qui a été visionné 1,1 million de fois. L'artiste populaire hip-hop chrétien Propaganda a republié les réflexions de ses collègues artistes qui connaissaient Floyd en disant: « C'était un ami de mes amis.»

Floyd a déménagé au Minnesota vers 2018, a déclaré sa famille au Houston Chronicle . Il était là pour un programme de formation de disciples incluant un placement professionnel, selon le pasteur Ngwolo. "Un 'Bricks boy' ne quitte pas seulement Third Wall pour aller au Minnesota!" a-t-il dit. Floyd a dit à Dunn qu'il avait l'intention de revenir cet été.

Bien qu'il ne soit jamais rentré chez lui, il sera «immortalisé pour toujours dans la communauté de Third Ward», a déclaré Lillard. «Sa peinture murale sera sur les murs. Chaque jeune et chaque jeune homme qui grandira, connaîtra George Floyd. Les gens qui l'ont connu personnellement se souviendront de lui comme d'une lumière positive. Les gars de la rue lui disent: «Mec, s'il a pu changer sa vie, je peux changer la mienne.» »

Les responsables des différents ministères ont entendu des membres de la communauté de Third Ward appeler Floyd leur frère, leur oncle ou même leur père parce qu'ils n'avaient pas d'autres personnages masculins plus âgés en vue susceptibles d'exercer une influence positive sur eux.

Les personnes endeuillées se sont réunies mardi soir pour une veillée de prière à Emancipation Park, un site historique de Third Ward qui était autrefois le seul parc ouvert aux Afro-Américains à Houston pendant la période de ségrégation de Jim Crow. Ngwolo rencontre cette semaine des pasteurs de toute la région pour pleurer ensemble.

La vidéo virale de Floyd épinglée sur le trottoir par un officier de police du Minnesota rejoint un canon dévastateur d'images de téléphone portable montrant la police utilisant la force contre des hommes noirs. Ses amis dans le ministère ont déclaré que lorsqu'ils ont appris la nouvelle, ils n'étaient pas prêts à regarder un autre clip si peu de temps après l'enregistrement d'Ahmaud Arbery abattu alors qu'il faisait du jogging en Géorgie et la vidéo d'une femme appelant le 911 à l'encontre d'un homme noir regardant des oiseaux dans le Central Park de New York. Mais ensuite Lillard a envoyé un texto: C'était Big Floyd.

Il y a tellement d'incrédulité à pouvoir rassembler à partir de ce genre de meurtre. Ce sont des hommes noirs aussi. Malgré leur innocence, leur foi, leurs bonnes actions, ils ont chacun leurs propres histoires en ce qui concerne le fait d'être soupçonnés, humiliés et menacés par les Autorités, a déclaré Lillard à CT.

Et maintenant, ils sont placés dans la position de se souvenir à juste titre d'un homme qu'ils connaissaient comme un doux géant, une inspiration pour son quartier et une force positive de changement. Mais ils disent aussi que cela ne devrait pas avoir d'importance. Il était un porteur d'image, et cela aurait dû suffire à le garder du traitement agressif qu'ils ont vu dans le clip viral. La famille et les partisans de Floyd disent que les officiers impliqués — qui ont été depuis licenciés de la section — devraient être accusés de meurtre.

Le pasteur Ngwolo essaie de continuer à traiter les informations, mais un thème sur lequel il revient sans cesse est celui de l'effusion du sang innocent. Après que la supériorité et l'animosité de Caïn l'ont poussé à tuer Abel, les Écritures nous disent: «Le Seigneur a dit: 'Qu'as-tu fait? Ecoutez! Le sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi »» (Gen. 4:10).

«Si vous avancez de 2 000 ans, il y a une autre victime innocente dont le sang parlait encore mieux que celui d'Abel. … Le sang de Jésus dit qu'il peut nous racheter à travers ces temps sombres et périlleux », a déclaré Ngwolo. «J'ai espoir parce que, tout comme Abel est une figure du Christ, je vois aussi mon frère [Floyd] comme une figure du Christ, nous montrant une réalité plus grande. Dieu nous entend. Il entend son cri même depuis la terre maintenant. La vengeance aura lieu sur la croix ou aura lieu le jour du jugement. »

Traduit par Jean-Paul Rempp

What do you think of this translation? Want to see CT do more? Interested in helping us improve the quality and quantity? Share your feedback here.

You can now follow our best articles on our new Telegram channel. Come join us!

Apple PodcastsDown ArrowDown ArrowDown Arrowarrow_left_altLeft ArrowLeft ArrowRight ArrowRight ArrowRight Arrowarrow_up_altUp ArrowUp ArrowAvailable at Amazoncaret-downCloseCloseEmailEmailExpandExpandExternalExternalFacebookfacebook-squareGiftGiftGooglegoogleGoogle KeephamburgerInstagraminstagram-squareLinkLinklinkedin-squareListenListenListenChristianity TodayCT Creative Studio Logologo_orgMegaphoneMenuMenupausePinterestPlayPlayPocketPodcastRSSRSSSaveSaveSaveSearchSearchsearchSpotifyStitcherTelegramTable of ContentsTable of Contentstwitter-squareWhatsAppXYouTubeYouTube