Méditations de l’Avent 2022 proposées par Christianity Today

Toutes nos méditations de l’Avent rassemblées au même endroit.

Méditation de l’Avent 2022.

Méditation de l’Avent 2022.

Christianity Today November 22, 2022
Stephen Crotts

Produit par les éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Il nous a été promis est un recueil de méditations de 4 semaines qui propose de vous accompagner individuellement, en petit groupe ou en famille durant l'Avent 2022.

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Emmanuel

Épiphanie

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Books

Votre maison serait-elle un paradis pour débutants ?

Comment les difficultés des américains en quête d’une maison peuvent nous réorienter vers l’éternité…

Christianity Today November 19, 2022
Jon Krause

Je rafraîchis mes e-mails de manière compulsive, volant quelques instants entre les collations des enfants et les applications de crème solaire, ouvrant un soda pendant que je fais défiler ma boîte de réception. Quand le nom de mon agent immobilier apparaît, mon cœur fait un bond. Chaque courriel de sa part, ou plutôt de la part de la recherche automatique d’annonces de maisons qu’elle a mise en place pour nous sous son nom, suscite un florilège d’interrogations : est-ce de la brique ? De la pierre ? Y aura-t-il une buanderie, ou un vestiaire pour ranger les bottes, les manteaux, les laisses des chiens et les sacs à dos de la famille ?

Plus le temps passe, semble-t-il, et plus ma future « maison pour toujours » imaginaire est élaborée. Un grand arbre pour y suspendre un pneu comme balançoire ! Un potager ! Une baignoire !

Mais à chaque fois, la maison qui arrive dans ma boîte de réception me déçoit. Trop chère, laide ou nécessitant plus de réparations qu’il n’est envisageable financièrement — ou le plus souvent, les trois. Lorsque quelque chose correspondant aux limites de notre budget (qui s’élargit à contrecœur) attire enfin notre attention, nous appelons immédiatement notre agent, pour découvrir que la propriété est déjà sous contrat. En toute discrétion. Tout en liquide.

Le monde de l’immobilier appelle cela un marché favorable aux vendeurs. J’appelle ça la mort lente de mes rêves d’une « maison pour toujours ».

Nous avons vendu notre première maison, nichée dans un quartier pittoresque et agréable juste à l’extérieur de Washington, DC, à l’été 2020. L’offre que nous avons acceptée pour le petit pavillon où étaient nés nos deux bébés était bien supérieure au prix demandé (toutes conditions levées). Nous touchions les nuages.

Armés de la confiance que procure un bon investissement et d’un bon paquet de cash pour effectuer notre prochain premier versement, nous avons troqué un café accessible à pied et d’innombrables possibilités de plats à emporter contre une maison de location à la campagne, avec de grands espaces verts et un marché de producteurs au bout de la rue. Nous voulions y rester juste assez longtemps pour trouver une belle parcelle de terrain et construire une petite maison pour notre famille. C’était simple comme bonjour.

Mais nous n’étions pas les seuls à nous lancer dans l’exode urbain. Les villes américaines perdaient constamment des habitants avant même la pandémie, et, selon les données du service postal, 15,9 millions d’Américains ont déposé une demande de changement d’adresse entre février et juillet 2020. Beaucoup d’entre eux ont été poussés — ou libérés — par les fermetures liées au COVID-19, cherchant à avoir plus d’espace pour respirer alors que les maisons se transformaient en lieux où se mêlaient sous un même toit le travail, l’école, les repas et le repos.

Le logement est un sujet dominant des conversations de table depuis des années. Aux États-Unis, près d’un Américain sur cinq a changé de domicile ou connaît quelqu’un qui l’a fait au cours des premiers mois de la pandémie, selon le Pew Research Center. Sept personnes sur dix ont travaillé à domicile à un moment ou à un autre de la pandémie, ce qui a accru la pression sur un marché du logement qui s’était déjà tendu depuis des années.

Si les prix médians des logements américains ont crû de manière relativement régulière au cours de la dernière décennie, ils sont montés en flèche pendant la pandémie, augmentant de 30 % entre début 2020 et début 2022. Cela rappelle un peu les récits de la crise de la tulipe dans les années 1630, avec des offres et des surenchères folles sur des maisons situées dans des endroits recherchés, ou n’importe quel endroit d’ailleurs, dans une frénésie d’achat immobilier.

Il semble que nous ayons collectivement pris conscience du fait que, oui, nos maisons ont vraiment de l’importance, surtout lorsque nous sommes obligés d’y vivre.

Sauf qu’il est plus difficile que jamais de trouver une maison.

Internet offre peu de réconfort, avec des formules comme « Le pire moment pour acheter une maison, » « Le pire moment pour contracter un prêt hypothécaire » ou encore « Pourquoi la route devient encore plus cahoteuse pour les primo-accédants à la propriété. »

Oui, la hausse des taux d’intérêt et une petite hausse des disponibilités ont un peu apaisé le marché de l’immobilier au printemps dernier. Mais les prix continuent de grimper et l’acheteur américain moyen est toujours confronté à un scénario cauchemardesque, car les prêts deviennent plus chers et le nombre de logements disponibles reste extrêmement limité.

Comment en est-on arrivé là ?

L’économie du logement est complexe, et nos visions pandémiques de nos espaces de vie n’ont certainement pas été le seul facteur de rupture du marché immobilier américain. Les prix du carburant et les ralentissements dans les scieries, les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la construction et l’inégalité croissante des revenus ont tous joué un rôle.

Mais il se pourrait qu’un facteur sous-jacent plus important, bien antérieur à la pandémie, contribue à nos difficultés dans le domaine de l’immobilier. Née de décennies d’expansion des banlieues et renforcée aujourd’hui par les émissions de décoration, Pinterest et les publicités pour le mobilier, la problématique est extrêmement difficile à admettre : se pourrait-il que le problème, ce soit en réalité nous ?

Les attentes de beaucoup de gens quant à la nature, à l’apparence et au coût d’une maison sont enracinées dans des décennies de croissance apparemment illimitée de l’appétit de l’acheteur moyen : plus de surface et de pelouse pour les banlieusards, plus d’équipements culturels et de cachet pour les citadins.

La préférence pour des maisons plus belles, plus grandes et mieux situées a alimenté un type particulier de croissance insoutenable sur le marché immobilier américain qui, ironiquement, nous a laissés sur notre faim — ou pire, en rade.

La crise immobilière actuelle aux États-Unis n’est, en un sens, qu’une preuve supplémentaire du type de surconsommation que les chercheurs John de Graaf, David Wann et Thomas H. Naylor décrivaient il y a 20 ans dans une critique devenue classique : Affluenza: The All-Consuming Epidemic. Cette affluenza, expliquent-ils, est causée par « l’idée que chaque génération sera matériellement plus riche que la précédente et que, d’une manière ou d’une autre, chacun d’entre nous peut poursuivre cette finalité unique sans porter atteinte aux innombrables autres choses qui nous sont chères ».

Mais pour les chrétiens, l’effondrement du marché du logement n’est pas seulement une occasion de pratiquer la vertu du contentement — bien que ce soit certainement le cas. La maison de rêve étant hors de portée de tant de personnes, il est peut-être temps pour nous, disciples de l’homme qui n’avait pas d’endroit où poser sa tête (Mt 8.20) et armés de toutes les promesses de l’éternité, de réimaginer ce à quoi sert vraiment une maison.

Les Américains ont, selon de nombreuses mesures, les plus grandes maisons du monde. Et bien que nous aimions nous en prendre à ces énormes bâtisses que nous avons renommées « McMansions », presque toutes les nouvelles maisons sont plus grandes qu’avant.

Les données du Bureau du recensement montrent qu’entre 1978 et 2018, la taille médiane d’une nouvelle maison aux États-Unis a augmenté de plus de 72 mètres carrés, soit 47 %. Il suffit de traverser presque tous les quartiers construits peu après la Seconde Guerre mondiale, puis de se rendre dans la plupart des banlieues résidentielles construites au 21e siècle, pour se rendre compte de la différence.

Compte tenu des progrès technologiques réalisés dans le domaine des matériaux de construction et de la mondialisation des chaînes d’approvisionnement, on pourrait supposer que les maisons sont moins chères à construire qu’il y a un demi-siècle, et que nous en construisons donc de plus grandes. En réalité, en ajustant en fonction de l’inflation, le prix au mètre carré d’une nouvelle maison unifamiliale aux États-Unis est resté relativement stable entre 1978 et 2020, selon diverses analyses du recensement et d’autres données du gouvernement.

Oui, il existe des exceptions régionales, des marchés immobiliers surchauffés dans le nord-est ou sur la côte ouest, où les logements sont bel et bien devenus moins abordables. Mais dans l’ensemble, ce n’est pas tant le prix de l’immobilier qui a changé au cours des dernières décennies que ce que nous essayons de nous offrir.

Explorant le « pourquoi » de la taille des foyers américains, Joe Pinsker, journaliste pour The Atlantic en résume les causes : « Au cours du 20e siècle, les politiques gouvernementales, l’invention de matériaux de construction moins chers et produits en série, le marketing des constructeurs de maisons et un changement dans la façon dont les gens considéraient leur maison — non seulement comme un foyer, mais aussi comme un patrimoine financier — ont encouragé des maisons toujours plus grandes. »

Il n’y a rien de mal en soi à posséder une grande maison. Mais les grandes maisons se sont développées au détriment des maisons abordables. Malgré le fait que les salaires n’ont pas suivi les coûts du logement, les constructeurs ont répondu au désir de maisons plus grandes, rendant encore plus difficile l’accès à une première maison plus petite et à prix raisonnable. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux personnes à faible revenu et autres groupes marginalisés qui, en plus de lutter contre les pratiques de prêts prédateurs et leur exclusion historique de l’accès aux prêts hypothécaires, doivent maintenant faire face à la hausse des loyers et à un marché peu tolérant à l’égard des petits acomptes ou des historiques de crédit moins que parfaits.

« Ce que [les constructeurs] construisent est une réponse au marché », explique Matt Bowe, propriétaire d’Alair Homes Hunt Country. Alair est une entreprise de conception et construction située dans le comté de Loudoun, dans l’État de Virginie, une banlieue de Washington et l’un des comtés les plus en expansion du pays.

« S’ils sentaient que, en masse, le marché valorise la qualité et la durabilité plutôt que la taille et le tape-à-l’œil, alors c’est ce qu’ils construiraient. »

Selon Bowe, de nombreux constructeurs privilégient ainsi les installations et les matériaux de construction bon marché qui ne sont pas tant faits pour durer que pour impressionner à un coût minimal. « Culturellement, nous sommes conditionnés à penser que nous méritons plus. »

Bowe ne pourrait pas être plus proche de la vérité.

Clément Bellet, économiste à l’Université Érasme de Rotterdam, aux Pays-Bas, constatait dans une étude de 2019 que la satisfaction des propriétaires de banlieues américaines chutait lorsque ceux-ci comparaient leur maison à des maisons plus grandes et plus récentes situées à proximité. Il écrit : « Les propriétaires exposés à la construction de grandes maisons dans leur banlieue évaluent leur maison à un prix inférieur, sont plus susceptibles de chercher à acquérir une plus grande maison et de s’endetter davantage. »

Mais ce n’est pas seulement un problème de banlieues aisées. Le rêve américain de grandes maisons dans des régions à faible densité est très répandu et profondément ancré. À l’Université de Californie, à Merced, une étude a constaté que, lorsqu’on leur demandait de choisir entre un lotissement de maisons unifamiliales et un lotissement à plus forte densité de population, la plupart des participants préféraient l’option à faible densité, indépendamment de leur origine ethnique, de leur niveau d’éducation ou de leurs opinions politiques.

Cette préférence se manifeste lors des réunions des conseils municipaux dans tout le pays. Même lorsque les villes mettent en place des plans pour le développement de zones à densité légèrement plus élevée, les habitants réagissent souvent et font annuler ces plans (pour diverses raisons, parfois bien intentionnées).

En somme, à une époque où la pénurie de logements n’est plus seulement le problème des grandes villes, nos aspirations en matière de logement ne sont pas du tout en phase avec les réalités des communautés dans lesquelles nous vivons.

Supposons que nous puissions nous libérer de cette mentalité d’accumulation et nous contenter de moins de mètres carrés. Cela ne résoudrait certainement pas la crise du logement, mais pourrait nous aider à nous épanouir dans les logements dont nous devons nous contenter si nous ne parvenons jamais à acquérir la maison de nos rêves.

Mais les idoles peuvent trouver place dans n’importe quel type de maison. Considérez le boom pandémique qui a remodelé l’industrie américaine de la piscine avec une explosion de la demande. Privés d’un luxe tel que les voyages, nous avons investi nos économies dans des habitations luxueuses ; les marchands de piscines sont encore en train de rattraper les retards sur les commandes des dernières années.

Je me suis souvent demandé (tout en m’arrachant les cheveux en cliquant sur 87 photos d’une maison que je n’arrive pas à croire que j’envisage d’acheter) si, lorsque nous attachons tant d’importance à notre foyer terrestre, nous ne passons pas à côté de l’essentiel.

Carly Thornock est coach de maison dans l’Utah. Elle aide les personnes — principalement les mères — à apprendre à percevoir leur maison de manière à favoriser des relations familiales positives.

Elle a étudié le mariage et la famille à l’Université Brigham Young, et a effectué l’essentiel de ses recherches sur les maisons. Dans une étude de 2019 publiée dans le Journal of Environmental Psychology, Thornock et ses coauteurs explorent la corrélation entre la superficie en mètres carrés et la qualité des interactions entre les membres de la famille — des paramètres comme la gentillesse, la chaleur et la prise de décision efficace.

« Je [ne croyais pas] que si vous avez une plus grande maison, vous serez une famille plus heureuse », dit-elle. « J’ai vu suffisamment de gens dans le monde entier pour savoir qu’il y a beaucoup de familles très heureuses et fonctionnelles qui logent dans des espaces modestes et limités. Alors [quel était] le critère important ? »

En fin de compte, l’étude a révélé que la taille d’une maison n’était qu’un facteur parmi d’autres du bon fonctionnement d’une famille. Il est tout aussi important de voir ce que les gens pensent ou ressentent à propos de leur logement. Les chose s’expliquaient « entièrement par la façon dont les gens filtrent leur maison à travers leur cerveau et leur expérience émotionnelle », dit Thornock.

Il y a donc des choses que nous pouvons faire pour changer la perception de notre maison, quelle que soit sa taille. Par exemple, selon Thornock, il est intéressant de considérer les histoires qu’une maison raconte sur les personnes qui y vivent et ce qu’elles sont. Ces histoires peuvent être façonnées par quelque chose d’aussi simple qu’une collection de photographies, sans qu’une piscine ou une superficie supplémentaire soit nécessaire.

« Avec les photos de famille, beaucoup de gens réagissent avec une histoire d’appartenance. “C’est moi. Voici ma mère, mon père et mes frères et sœurs. Et nous faisons partie d’un groupe” ». « Ce que nous introduisons dans notre espace et renforçons dans notre psyché fait partie de ce que nous créons pour nous-mêmes. »

Bien que nous sachions, en tant que chrétiens, que nous ne serons jamais vraiment chez nous ici-bas, le désir de créer un espace durable, beau et propice à la vie dans lequel passer nos journées ne doit en aucun cas être sacrifié sous le couvert d’une piété ascétique. Construire des maisons ici-bas est pieux et bon, une occupation spécifiquement bénie dans le livre de Jérémie lorsque Dieu ordonne à son peuple de « construire des maisons et de s’établir » et de « rechercher la paix et la prospérité de la ville dans laquelle je vous ai transportés » (29.5-7).

Comme l’argent, les maisons sont moralement neutres en elles-mêmes — c’est ce que nous en faisons qui compte. De nombreux théologiens et penseurs chrétiens ont médité sur cette aspiration inhérente à l’être humain de relier l’éternité au présent par le biais des lieux que nous habitons.

Wendell Berry écrit dans Hannah Coulter : « C’est par l’endroit qui est le nôtre, l’amour que nous lui portons et la façon dont nous le gardons, que ce monde est relié au ciel. » De même, le pasteur presbytérien Charles Henry Parkhurst, de la fin du 19e siècle déclare : « Le foyer interprète le ciel. Le foyer est un paradis pour débutants. »

À cette idée, cependant, C. S. Lewis ajoute un rappel opportun dans Le problème de la souffrance : « Notre Père nous restaure pendant le voyage au moyen de quelques agréables auberges, mais ne nous encourage pas à les confondre avec la maison. »

Alors, comment le croyant est-il appelé à façonner ces « agréables auberges » ? Comment concilier notre désir légitime de rentrer chez nous avec les réalités des difficultés financières, des problèmes immobiliers et des appétits domestiques excessifs que nous connaissons ici-bas ?

Une fois de plus, nous pourrions avoir à nous recentrer sur ce à quoi sert vraiment la maison.

Les meilleures maisons dans lesquelles j’ai mis les pieds — celles qui ressemblent le plus à un foyer — ne sont presque jamais les plus grandes, les plus belles, les plus propres ou les mieux organisées. Ce sont celles qui semblent vous envelopper dès que vous en franchissez le seuil, avec des signes de vie réelle : de la vaisselle dans l’évier et des jouets éparpillés sur le sol, une pile de livres intéressants à lire sur une table d’appoint, des meubles disposés de manière à favoriser la conversation, du thé sur la cuisinière, des tasses avec une histoire, et un genre de « laissez-moi regarder ce que nous avons dans le réfrigérateur » sans chichis ni austérité. Elles sont imprégnées d’un véritable état d’esprit du type de Galates 6.10, faire du bien à tous, et cela se voit.

« Les maisons sont là pour notre croissance et nos relations », dit Thornock. « Elles contribuent à notre lien avec Dieu, avec nous-mêmes, avec nos conjoints, avec nos amis, et avec notre voisinage et notre famille élargie. »

Ces derniers temps, des évangéliques américains ont mené campagne pour réaffirmer et se réapproprier les valeurs traditionnelles d’hospitalité. De nombreuses publications récentes ont été consacrées à l’utilisation de nos maisons dans le ministère, de The Gospel Comes with a House Key, l’hymne de Rosaria Butterfield à « l’hospitalité radicalement ordinaire », sans napperons crochetés, aux théories de la table turquoise, pour vivre l’hospitalité même sans maison.

Tous s’accordent sur l’importance de pouvoir se sentir à l’aise avec le désordre et d’embrasser le caractère sacré de la vie domestique ordinaire. « L’amour se manifeste dans les repas que nous préparons, les chambres que nous aménageons, les espaces dans lesquels nous vivons, respirons et menons notre existence », écrit Sarah Clarkson dans The Lifegiving Home.

Rien de tout cela ne nécessite des meubles onéreux ou une superficie importante. Une atmosphère d’hospitalité peut être créée n’importe où, d’une humble cuisine malmenée par le désordre des tout-petits à un studio dans une tour urbaine.

L’idée de la maison comme outil de rassemblement a influencé Bowe, le constructeur de Virginie. Son désir de créer un sentiment d’appartenance l’a conduit à collaborer avec Habitat for Humanity ainsi qu’avec Tree of Life, un ministère local qui fournit un logement et d’autres produits de première nécessité aux familles à faible revenu. Fils d’immigrants irlandais qui vivent dans la même petite ville du Cape Cod depuis 60 ans, Bowe explique que son point de vue sur la conception des maisons a été façonné par sa propre éducation.

« J’aime concevoir des maisons qui encouragent et invitent à l’interaction, à la coopération, à l’entente et aux interactions humaines, par opposition à ces grands espaces qui encouragent les gens à trouver chacun leur propre coin et à faire leurs propres trucs », explique-t-il. « Si je construis une maison personnalisée pour quelqu’un, je le fais bien sûr pour lui, mais je pense aussi à la façon dont cette maison devrait servir les familles [au-delà]. J’ai envie d’espérer que, dans 150 ans, cela vaudra la peine de la restaurer. »

Une bénédiction irlandaise dit : « Que votre maison soit toujours trop petite pour contenir tous vos amis. » Lorsque nos tendances perfectionnistes à la Pinterest se manifestent, nous ferions bien de nous en souvenir.

La plupart des discussions sur l’hospitalité ne tiennent cependant pas compte du fait qu’une maison est plus qu’un simple outil missionnaire. Les foyers chrétiens offrent également une protection à ceux qui y résident — physiquement, émotionnellement et spirituellement.

Cela vaut pour tous les types de plus en plus diversifiés de familles : grands-parents s’occupant de leurs petits-enfants, parents d’accueil ou adoptifs, plusieurs générations vivant sous le même toit, et couples dont le désir d’avoir un enfant n’est pas satisfait.

L’écrivain Andy Crouch estime qu’un foyer n’est pas nécessairement constitué d’une famille, mais peut simplement être une communauté de personnes sans lien de parenté « qui peuvent s’abriter sous un même toit, mais aussi, et plus fondamentalement, trouver un abri dans les soins et la sollicitude réciproques ».

Il est cependant impératif de reconnaître que, pour beaucoup, la maison est tragiquement bien en deçà de cet idéal — un lieu de négligence, d’abus et de solitude. Mais cela peut être reconnu tout en réaffirmant que le foyer, dans sa meilleure forme, est un havre de paix, qui revigore et équipe ses habitants pour qu’ils puissent servir les autres et répondre à leur vocation dans un monde marqué par l’agitation et la détresse.

Dans ses Lettres et notes de captivité (« Résistance et soumission »), Dietrich Bonhoeffer écrit : « [Un foyer] est un royaume à part entière au milieu du monde, une forteresse au milieu des tempêtes et des tensions de la vie, un refuge, un sanctuaire même ».

Bowe, qui a fait sa raison d’être de la construction de sanctuaires pour d’autres individus et familles, est d’accord. « Je pense toujours à [la maison] comme à ces quatre murs qui peuvent protéger une famille. Si vous considérez le foyer comme le vecteur de toutes les choses qui ont un impact réel — et il peut évidemment s’agir de choses éternelles pour les familles croyantes — c’est un endroit très important. Aussi difficile que puisse être ma journée la plus dure, je sais que lorsque je rentre chez moi, je peux faire abstraction de tout ça. »

Ésaïe 32.18 nous rappelle l’aspiration de Dieu à ce que nous trouvions notre demeure éternelle avec lui : « mon peuple vivra dans des demeures paisibles, dans des maisons sûres, dans des lieux de repos sans trouble ».

L’idéal biblique du foyer en tant que sanctuaire devrait motiver les chrétiens à œuvrer, dans la mesure de leurs possibilités, pour l’accès de chacun à un lieu d’habitation. Cela pourrait prendre la forme de soutien à la construction de maisons pour d’autres ou, comme dans le cas de Bowe, d’un partenariat avec des ministères qui luttent contre l’insécurité du logement. Pour certains, il peut même s’agir de plaider pour des options de logement abordable dans nos villes ou de se porter volontaire pour servir et rechercher des solutions pour la population croissante de sans-abri.

En attendant le ciel, nous devons — bien qu’imparfaitement — façonner nos lieux de vie et nos maisons terrestres pour qu’elles fonctionnent autant que possible comme ce qui nous attend. Dans son livre sur l’éternité, Surpris par l’espérance, N. T. Wright affirme que « les personnes qui croient en la résurrection, en un Dieu qui crée un monde nouveau dans lequel tout sera enfin restauré, sont continuellement motivées pour travailler à ce monde nouveau dans le présent ».

Pour les disciples du Christ, au cœur de cette nouvelle création se trouve notre propre recréation. Et c’est peut-être là l’utilité primordiale de nos maisons : elles constituent le treillis sur lequel nous grandissons en sainteté, le cadre de notre sanctification. En tant que lieu principal où se déroule la vie d’un croyant, où les liens se créent, où un sentiment d’appartenance et une identité se développent, et où nous pouvons, dans des conditions propices, grandir pour devenir ce que nous avons été créés pour être, nos foyers offrent une occasion idéale d’organiser notre vie quotidienne autour de vérités éternelles.

La maison n’existe pas seulement en vue de quelque chose ; elle existe fondamentalement en vue de Dieu. Par conséquent, la façon dont nous construisons et aménageons notre maison a une grande importance. Une maison bien conçue, qu’elle soit grande ou modeste, est un lieu de culte à part entière.

Dans The Hidden Art of Homemaking, Edith Schaeffer écrit : « Pour le chrétien qui est consciemment en communication avec le Créateur, il est certain que sa maison devrait refléter quelque chose de l’art, de la beauté et de l’ordre de Celui qu’il représente, et à l’image duquel il a été créé ! »

Pourtant, dans mon contexte américain, le foyer typique d’un chrétien ne semble pas très différent de n’importe quel autre foyer. Aucune tendance en matière de construction ou de conception de maison ne semble différencier de manière significative la maison d’un adepte du Christ de la maison voisine dans le quartier, à l’exception peut-être d’un panneau en bois affichant un verset.

Devrait-il y avoir une différence ? Comme le souligne Schaeffer, la matérialité de nos maisons, de nos lieux d’habitation, ne devrait-elle pas offrir un reflet de celui autour duquel elles sont censées être centrées ?

L’un des meilleurs exemples de ce qui peut arriver lorsque les chrétiens réfléchissent en profondeur à la manière dont le but et la structure du foyer peuvent nous attirer vers Dieu nous vient peut-être de la fin du 18e siècle.

En 1774, une femme connue par ses adeptes sous le nom de Mère Ann Lee conduisit huit membres d’une petite secte quaker à fuir les persécutions dont ils étaient victimes dans leur Manchester natal, en Angleterre, pour se rendre en Amérique en passant par le port de New York. Ils s’installèrent près d’Albany et entreprirent de construire une communauté utopique, un véritable paradis sur terre, où les membres mettaient en commun leurs ressources et vivaient dans des maisons communes. Ils se désignaient comme la Société unie des croyants en la seconde apparition du Christ. Nous les connaissons sous le nom de shakers.

Leur culte était excentrique — dansant pour combattre la frustration de leur péché — et leur théologie était peu orthodoxe, notamment dans leur conviction que la sexualité était la racine de toute dépravation et établissant pour cela des exigences strictes de chasteté. Mais le mouvement shaker se développa lentement, et de nouvelles communautés apparurent dans tout le Nord-Est et s'étendirent au loin jusqu’au Kentucky et à l’Indiana. Il atteignit son apogée avec environ 5 000 membres en 1840.

Si l’on se souvient surtout aujourd’hui des shakers pour leur mobilier et leur artisanat épurés et minimalistes, c’est parce qu’ils ont consacré une énergie considérable à l’élaboration d’une philosophie de conception centrée sur la place à donner à Dieu et à leur propre croissance spirituelle.

Dans la conception des shakers, la fonctionnalité, la propreté et l’ordre étaient des éléments clés pour éliminer les distractions susceptibles de détourner l’attention de Dieu. « Rentrez chez vous, et prenez bien soin de ce que vous avez », ordonne Lee dans ses Testimonies, un recueil de ses dictons collectés après sa mort (et donc questionnés par certains historiens). « Prévoyez des emplacements pour vos affaires, afin de savoir où les trouver, à tout moment, de jour comme de nuit ; apprenez à être soignés et propres, prudents et économes, et veillez à ne rien perdre. »

En pratique, cela a pour conséquence que les shakers étaient passés maîtres dans l’utilisation d’armoires et de boîtes pour le stockage. Leur marque de fabrique, les patères murales, était premièrement pratique — un moyen de suspendre des chaises et d’autres objets afin de libérer l’espace au sol pour divers usages — puis esthétique.

Les décorations — poignées de tiroir tape-à-l’œil ou ornements en bois — symbolisaient la convoitise et le matérialisme de la révolution industrielle de l’époque et étaient donc à éviter. Au contraire, les shakers croyaient que la beauté provenant de Dieu se manifestait par l’harmonie, les proportions, la qualité, les matériaux d’origine locale, les espaces ouverts et une lumière naturelle abondante. (« La lumière, toute la lumière, parce que c’est ce que Dieu est », déclarait un shaker au Commonweal Magazine en 2019).

Tout ce qui pouvait détourner de Dieu était supprimé, et il en a résulté un style qui est resté presque universellement apprécié et admiré jusqu’à aujourd’hui, même si d’autres tendances en matière d’aménagement intérieur sont apparues et ont disparu (adieu les cuisines couleur avocat…).

L’expérience des shakers a finalement échoué — seuls quelques membres de la secte subsistent à Sabbathday Lake, dans le Maine. Mais dans leur tentative de construire une forme de paradis, les Shakers ont créé un modèle d’aménagement intérieur qui a non seulement perduré pendant des siècles, mais a également transcendé les frontières religieuses et géographiques. Lorsque les communautés shaker se sont réduites au 20e siècle, leurs meubles ont été achetés et expédiés dans tous les États-Unis et dans le monde entier, et ont fortement influencé les designers modernes danois et les goûts américains du milieu du siècle. Ils ont été exposés au Metropolitan Museum of Art de New York et dans des expositions d’art du monde entier.

La simplicité épurée du style shaker a fini par céder la place à une forme de maximalisme lorsque le pendule du design a basculé dans l’autre sens. Mais cette simplicité connaît aujourd’hui un regain d’intérêt et, aux États-Unis, on la retrouve facilement sur les vitrines en ligne de géants de la décoration intérieure et elle influence toutes sortes de boutiques de design.

Il n’est pas surprenant que le style shaker soit à nouveau en vogue à l’heure actuelle. Son minimalisme caractéristique peut apparaître comme un antidote à tant de fléaux de la vie contemporaine, offrant la libération d’un excès de possessions à gérer, à nettoyer et à réparer et la liberté financière qui découle du fait de posséder et entretenir moins de choses (ou de réparer moins d’articles mal faits).

Là où nous sommes adeptes d’un scrolling sans fin ni sens, les shakers avaient pour adage « les mains au travail, le cœur à Dieu ». Là où nous connaissons une épidémie de solitude, ils vivaient une vie communautaire radicale soutenue par leurs maisons et les objets qu’elles contenaient. Là où nous pouvons en un instant passer une commande en ligne pour un produit fabriqué à l’autre bout du monde, les shakers disposaient d’un savoir-faire local et utile qui durait des générations. Là où nous avons des piles invraisemblables de désordre, ils avaient des espaces et des objets marqués par la fonctionnalité, l’ordre et la beauté épurée.

Ce que les shakers recherchaient, selon leurs propres mots, c’était « la véritable simplicité évangélique ».

À quoi pourraient ressembler les foyers chrétiens d’aujourd’hui si nous nous lancions à nouveau dans une quête collective profonde pour réimaginer comment les espaces de vie du 21e siècle pourraient refléter l’Évangile et soutenir notre croissance dans la sainteté ? Pour beaucoup de ceux qui font face à un marché immobilier insensé et onéreux, la meilleure maison que nous aurons probablement pendant des années est celle dans laquelle nous sommes déjà. Alors, que pourrait signifier « rechercher la prospérité » de la maison dans laquelle Dieu nous a placés ?

Les réponses sont probablement aussi variées que les lieux que nous considérons comme notre chez nous. Cela sera différent pour la famille qui possède un palace en banlieue de Houston et pour le célibataire enfermé dans un minuscule studio de Manhattan. Et la leçon des shakers n’est pas nécessairement que les chrétiens doivent se lancer dans une purge à la Marie Kondo, en débarrassant nos maisons de tout bien qui n’est pas taillé à la main dans un arbre de la forêt voisine.

Il s’agit plutôt de considérer dans quelle mesure — si tant est qu’il y en ait une — nos maisons sont des reflets actuels d’une réalité éternelle et de celui qui fonde cette réalité. Dieu a mis l’éternité dans chaque cœur humain (Ec 3.11), et les shakers, peut-être avec plus de succès que d’autres, ont capturé quelque chose de ce désir éternel de notre Créateur dans la fabrication méticuleuse de chaque chaise à dossier à barreau, armoire, crochet, balai et panier, chacun d’entre eux étant façonné avec le ciel en perspective.

L’exemple des shakers suggère qu’il est également possible pour nous, en tant que chrétiens modernes, de suivre une voie intègre, tournée vers l’éternité, dans la manière dont nous considérons ce qui fait notre foyer. À une époque où il est particulièrement difficile pour beaucoup d’accumuler des trésors immobiliers sur terre, nous avons une opportunité toute particulière de convertir nos biens immobiliers en trésors célestes.

Peut-être qu’un jour les historiens se pencheront sur nous et remarqueront comment nos maisons ont pointé de manière nouvelle vers des vérités universelles, comme des spécialistes l’ont dit du design shaker. Pour citer encore Schaeffer, « La conscience du fait que nous avons été créés à l’image du Créateur de la beauté devait avoir des conséquences pratiques ».

Au moment où j’écris ces lignes, notre famille est toujours sans demeure permanente. Nous payons notre loyer, cherchons, prions et espérons. J’ai envie de placer nos chères photos de famille dans un endroit où elles resteront assez longtemps pour accumuler quelques millimètres de poussière, de repeindre une pièce, de poser quelques fondements durables au « paradis pour débutants » de notre famille.

Et alors que nous regardons le monde trembler sous le poids de la guerre, de la discorde politique et de l’injustice, je dois me rappeler que le foyer ne se trouve pas dans la maison parfaite, mais dans les personnes qui s’y trouvent, le reflet de l’éternité qu’elle offre, l’abri qu’elle procure, la croissance et les liens auxquels elle contribue. Quel que soit le lieu, quelle que soit sa taille, quelles que soient les personnes qui y habitent, ces choses restent.

Cela ne m’empêchera cependant pas de continuer à chercher un arbre pour suspendre une balançoire, des patères shaker pour accrocher les manteaux d’hiver de mes enfants et une bonne vieille baignoire pour soulager les douleurs de ce long et joyeux voyage vers notre véritable « « maison pour toujours ».

Julie Kilcur est une écrivaine basée en Virginie.

Books

La trisomie de mon fils m’a montré ce qu’est l’Imago Dei

Les choses sont assez différentes de ce que je pensais jusque-là.

Christianity Today November 19, 2022
JS Cook / Getty Iamges

Pendant la majeure partie de ma vie de théologien, mes idées sur ce que signifie porter l'image de Dieu étaient assez conventionnelles – des héritages simplistes de théologies systématiques ou de livres. Nous pouvons aimer parce que Dieu est amour. Nous avons la capacité de raisonner ; Dieu est celui en qui on ne trouve aucune irrationalité. Notre statut de personne a pour origine le fait que Dieu est une personne. Nous exerçons la volonté ; Dieu est volitif. Nous sommes créatifs ; notre Dieu est le premier Créateur. Nous sommes des créatures du langage ; Dieu est Logos, le Dieu qui parle.

Nos doctrines les plus fondamentales sont souvent celles sur lesquelles nous construisons de la manière la plus approximative. Mais les bases étaient là. Le fait que nous soyons créés à l'image de Dieu est le principe doctrinal au moyen duquel les chrétiens comprennent ce que signifie être humain. S'appuyant sur l'affirmation de Genèse 1.27 selon laquelle « Dieu créa l’être humain à son image, à l'image de Dieu il le créa », elle-même soutenue par le témoignage du Nouveau Testament (voir 1 Co 11.7 ; Ep 4.24 ; Jc 3.9), les disciples du Christ affirment que chaque personne porte ce que l’on appelle l'imago Dei.

Puis j'ai rencontré mon fils Auguste, qui est né avec le syndrome de Down. Gus a ébranlé les bases de ma théologie.

Examiner ou se laisser toucher ?

Jusque-là, dans mon esprit, l'intelligence, la rationalité et le langage pouvaient être mesurés par rapport à une norme de compétence. Les personnes les plus aptes à démontrer ces caractéristiques portaient le mieux l'image de Dieu.

Mais Gus, avec sa langue proéminente, son corps un peu instable et ses tentatives difficiles de parler, posait de nouvelles questions. Qu'en est-il de ceux qui ne pourront jamais raisonner ou parler à un niveau exemplaire ? Comment un individu affecté par le syndrome de Down – comment mon garçon – porterait-il l'imago Dei ? Examiner l'image de Dieu uniquement à travers les yeux froids de la doctrine m'avait laissé avec une sorte d'astigmatisme. La vie m’offrait maintenant le correctif de l'expérience.

Dans son texte intitulé « Meditation in a Tool Shed » (« Méditation dans une cabane à outils »), C. S. Lewis tire d'un événement banal une leçon profonde qui m’a aidé à trouver le langage adéquat pour expliquer ma nouvelle perspective. Lewis remarque, alors qu'il se trouve dans un cabanon, un rayon de lumière qui brille à travers la porte. Il contemple d’abord le faisceau qui se détache en contraste frappant avec l'obscurité. Puis il se déplace de façon à ce que la lumière frappe directement dans ses yeux. En suivant le faisceau, il voit alors la verdure juste à l'extérieur et l'origine même du faisceau, le soleil. « Regarder dans la lumière du faisceau et regarder le faisceau sont des expériences très différentes, note Lewis.

Cette expérience ordinaire l’amène à réfléchir sur les façons dont nous essayons de comprendre un sujet. Il fait remarquer que nos cultures partent du principe que la façon de comprendre quelque chose est de l'observer. Nous élaborons des théories. Nous analysons. Nous objectivons. Si nous voulons comprendre l'amour, nous ne nous adressons pas aux amoureux, mais aux psychologues pour qui l'amour est le sujet d'un article de revue à comité de lecture. Si nous voulons comprendre la religion, nous ignorons l'expérience de la personne religieuse au profit de l'opinion d'un anthropologue.

Pourtant, si la connaissance que nous recueillons en observant une chose est précieuse, ce n'est pas le type de connaissance le plus fidèle à nos expériences. Sans l'expérience d'une chose, notre compréhension de celle-ci reste incomplète. Nous comprenons au mieux l'amour lorsque nous le vivons. Nous connaissons les expériences religieuses parce que nous les faisons. Cette connaissance expérientielle s'apparente au fait de se laisser éclairer par la lumière plutôt que de se contenter d’examiner le faisceau.

Ce que j'ai vu dans mon expérience avec Gus est quelque chose que je n'aurais jamais vu en me limitant à l’examiner. En le regardant, en l'analysant, je pouvais facilement glisser vers un exercice de relevé de mes marqueurs quantifiables de l'imago Dei. Son retard de développement cognitif et ses difficultés d’expression perturbaient mon appréciation limitée de ce à quoi l'image divine devrait ressembler. Mais en me laissant toucher par la lumière de mon expérience avec Gus, j'ai vu autre chose. J'ai vu l'innocence.

Ce qu'est et n'est pas l’innocence

Bibliquement, l'innocence de Dieu est attestée par son absence de péché, sa sainteté, son absence totale de connaissance expérimentale du mal (Lv 11.44-47 ; Es 6.1-13 ; 1 P 2.22 ; Jc 1.13). Nous pourrions aller jusqu'à dire que Dieu est totalement incompétent en matière de péché.

Notre existence humaine ne peut jamais pleinement correspondre à cela. Dans notre expérience, l'innocence signifie plutôt l'absence de ruse. C'est une simplicité qui vient d'un manque de connaissance ou de compréhension, résultant en une naïveté inoffensive qui exclut toute forme de fourberie. Dans le cas des personnes atteintes du syndrome de Down, l'innocence résulte de l’absence de compétence honteuse. Ces personnes sont inexpérimentées dans cette malveillance et cette immoralité que le reste d'entre nous peine tant à dépasser.

Je ne dis pas que les personnes atteintes du syndrome de Down ne sont pas déchues. Je crois que chaque fils d'Adam et chaque fille d'Eve, quel que soit son nombre de chromosomes, est né dans le péché. Une condition génétique ne change pas un état spirituel. Mais le péché se manifeste différemment dans la vie des personnes atteintes de trisomie 21.

Plus je me laissais toucher par mon expérience face au syndrome de Down, plus je me rendais compte que ma propension au péché était renforcée par une intelligence, une ruse et une capacité de préméditation merveilleusement absentes chez mes frères et sœurs atteints de trisomie. Ces personnes ne comprennent ni ne pratiquent la malice, la cupidité, la jalousie ou la tromperie comme les autres. Elles parlent avec une honnêteté sans compromis. Elles aiment sans les failles de prétention et d’autoprotection qui entachent nos relations.

L'Imago Dei en Gus

Les personnes atteintes du syndrome de Down portent l'image de Dieu dans un cœur sans artifice. Il n'est pas dans leur nature de marcher avec les méchants, de s’arrêter sur le chemin des pécheurs ou de s'asseoir aux côtés des moqueurs.

Je vois rarement ailleurs le genre d'innocence que je perçois chez Gus. Mais en accompagnant les besoins particuliers de mon fils, l'imago remplit mon champ de vision. Quand Gus est enthousiaste, il agite ses bras dans une célébration sans détours de sa liberté. Si son frère ou ses sœurs lui prennent un jouet, Gus accepte le geste avec des yeux brillants. Il est heureux que ses frères et sœurs soient heureux avec cette chose qu'il désirait il y a juste un instant. Il ne négocie pas ses besoins ; il les exprime sans s'excuser. Il couine d'une joie non dissimulée lorsque je m'approche, pleure de tout son cœur lorsque je m'éloigne, et croit cependant que même cette absence doit être un acte de bonne volonté.

Ces attributs de l'innocence ont moins à voir avec ce que les personnes atteintes du syndrome de Down peuvent ou ne peuvent pas faire qu'avec ce qu'elles sont. C'est ce que j'ai appris en me laissant toucher par « la lumière du faisceau ». En me contentant de regarder Gus, je voyais d’abord toutes ces compétences auxquelles j'avais autrefois attaché l'image de Dieu. Mais l'innocence n'est pas une compétence. C'est une incompétence en matière de vice. C'est une incarnation de la simplicité divine, qui se manifeste souvent avec des membres un peu plus courts, des yeux en amande et un sourire effronté.

La trisomie 21 est un faisceau que nous examinons depuis un certain temps. Mais c'est en se laissant toucher, en pénétrant dans la lumière de l'innocence qui en fait mystérieusement partie, que nous pourrons au mieux y découvrir l'imago Dei.

Corey Latta est l’auteur de plusieurs ouvrages dont C. S. Lewis and the Art of Writing. Corey et sa femme, Jennifer, vivent à Memphis avec leurs quatre enfants, Justice, London, Emma Jane et Gus.

Traduit par Teodora Haiducu

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Books

Il faut parfois secouer la poussière de ses pieds

Partir est une façon de répondre à la toxicité institutionnelle.

Christianity Today November 17, 2022
Renan Lima / Pexels / Edits by Rick Szuecs

L’une des expériences les plus frustrantes — mais finalement libératrices — que j’ai vécues au cours de mes trois décennies de ministère pastoral a été de démissionner d’une Église urbaine majoritairement blanche dans une ville majoritairement afro-américaine. Parmi les centaines de personnes qui fréquentaient cette communauté, beaucoup ont apprécié mon ministère en tant que prédicateur, enseignant, leader, musicien, mari et père. Pourtant, une minorité influente issue des banlieues, motivée par des questions raciales et socio-économiques, s’est opposée à mon leadership.

Mon fils aîné, se rappelant les défis que représentait le fait d’être un jeune homme afro-américain dans cette Église, m’a souvent dit : « Papa, il faut que tu écrives un livre et que tu cites des noms ! » Mon fils sait que j’ai essayé de vivre un véritable ministère multiethnique malgré les difficultés récemment pointées en la matière.

J’ai résisté à l’envie d’écrire ce livre cathartique, un grand « déballage », mais dans mon rôle de mentor auprès des jeunes pasteurs, j’ai essayé, comme Paul, de partager l’Évangile et ce que j’ai vécu (1 Th 2.8). Démissionner en tant que pasteur de cette Église a été un douloureux pas de foi. Je n’avais pas d’autre poste en vue. Mais être au chômage valait mieux que d’être rabaissé et démoralisé.

En 2021, des personnalités très en vue comme Beth Moore et la Progressive Baptist Church de Charlie Dates ont pris part à un exode important hors de la Convention baptiste du Sud. L’histoire de Jemar Tisby, qu’il raconte dans une interview détaillant sa sortie des milieux évangéliques blancs, a trouvé un écho chez des chrétiens de couleur et des femmes qui avaient pris le risque de s’impliquer de tout leur être dans des organisations chrétiennes qui prétendaient valoriser la diversité, avant de se faire malmener par les réalités de la vie dans le giron des patriarcats suprématistes blancs.

Tous les départs sont difficiles, mais tous ont un potentiel vivifiant. Ceux qui s’en vont finissent souvent par être rafraîchis par une vision renouvelée, des idées nouvelles et la redécouverte de leur voix et de leur personnalité. Les organisations qu’ils laissent derrière eux auraient également la possibilité de tirer des leçons importantes.

Certaines institutions chrétiennes défendront leur réputation en faisant appel aux textes des Écritures qui condamnent les faux enseignements (comme Jude v. 4). Leur stratégie est de discréditer ceux qui partent. Ce genre de condamnation est inutile et souvent sans fondement. Les gens qui sont partis comme moi ne l’ont pas fait parce qu’ils ont embrassé des doctrines hérétiques historiques. Nous sommes partis parce que l’institution était toxique.

Après avoir prêché dans une Église majoritairement blanche, j’ai découvert que les responsables qui avaient prié pour moi échangeaient des blagues racistes avant mon arrivée. J’ai fait part de mes préoccupations aux responsables de la dénomination, mais ils ont nié toute existence de racisme et se sont fâchés contre moi pour le seul fait d’avoir évoqué l’idée. J’ai secoué cette poussière de mes pieds et je suis allé de l’avant (Mc 6.11).

Partir peut être un acte prophétique qui met en évidence la toxicité institutionnelle. Jérémie notamment s’est tenu à l’extérieur du temple de Jérusalem, à ses portes, pour appeler à la repentance et à la réforme (Jr 7.1-3). Il a pris le risque de dire la vérité pour remettre le peuple de Dieu sur la bonne voie. Il a pointé du doigt un système religieux toxique qui protégeait l’injustice : « Est-elle à vos yeux une caverne de bandits, cette maison sur laquelle mon nom est invoqué ? » (v. 11)

Prêtez attention aux fidèles blessés qui s’en vont. Leurs paroles pourraient être la parole du Seigneur.

Jésus a repris le rôle de Jérémie lorsqu’il a renversé les tables des changeurs de monnaie (Mt 21.13). Walter Brueggemann, spécialiste de l’Ancien Testament, observe que « le temple et sa liturgie royale sont décriés comme des outils de contrôle social qui, en temps de crise, ne tiennent pas leurs grandes promesses. Le temple est dénoncé pour n’être plus une manifestation de la transcendance, mais une simple arène de manipulation sociale. »

Les départs ne se font pas à la légère, mais après un examen de conscience et d’intenses prières. De la même manière, les institutions devraient se livrer à un examen de conscience et confronter certaines valeurs fondamentales qui ne font que dévaloriser d’autres. Les déclarations éloquentes des institutions blanches sur l’équité et la diversité n’aboutissent trop souvent qu’à des mesures symboliques à l’égard des minorités ethniques. L’histoire chrétienne contient des moments épiques de dissidence réformatrice. Prêtez attention aux fidèles blessés qui s’en vont. Leurs paroles pourraient être la parole du Seigneur.

Peut-être qu’un jour j’écrirai ces mémoires, mettant en lumière mes luttes pour trouver un foyer ecclésial. J’ai appris à faire confiance à ma propre voix dissidente, en trouvant le courage de m’insurger contre l’injustice institutionnelle. Je prie pour que ceux qui confessent leur allégeance à Jésus aient le courage d’écouter ceux qui partent et de faire face à leurs propres péchés. Tout comme il faut du mouvement pour nettoyer les vêtements, il faut le remue-ménage des prophètes pour nettoyer les institutions.

Dennis R. Edwards, ancien pasteur et implanteur d’Église, est professeur associé de Nouveau Testament au North Park Theological Seminary de Chicago. Il est l’auteur de Might from the Margins: The Gospel's Power to Turn the Tables on Injustice (APG) et 1 Peter (The Story of God Bible Commentary).

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Books

Les 3 craintes de Dallas Willard à propos de la formation spirituelle

Pourrions-nous passer à côté de l’essentiel ?

Christianity Today November 16, 2022
Illustration by Xiao Hua Yang

Alors que j’étais encore un jeune homme, j’ai eu le privilège d’être témoin de l’essor d’un mouvement chrétien pour la formation spirituelle au sein des milieux évangéliques.

Celui-ci a commencé dans sa forme moderne en 1978, lorsque Richard Foster écrivit ce qui est devenu depuis l’un des textes de référence à propos des disciplines spirituelles : Éloge de la discipline.

Quelques années après sa publication, des chrétiens qui n’avaient jamais entendu parler de solitude, de silence ou de méditation pratiquaient désormais ces disciplines.

Beaucoup de choses encourageantes se passaient, mais Richard constata que de nombreux chrétiens pratiquaient les disciplines de manière isolée et avaient besoin de plus de conseils. C’est ainsi qu’en 1988 il demanda à Dallas Willard, à moi-même et à quelques autres personnes de se joindre à lui pour fonder un ministère de formation spirituelle appelé Renovaré (du mot latin signifiant « renouveler »).

Dallas, qui fut professeur de philosophie à l’université de Californie du Sud pendant 40 ans, a été l’un des pionniers les plus marquants de ce mouvement de formation spirituelle parmi les évangéliques et les protestants traditionnels. Il était un ami proche de Richard ; en fait, Dallas a été le premier à enseigner à Richard ces disciplines spirituelles, qui, bien sûr, n’avaient rien de nouveau, mais étaient enracinées dans l’Église ancienne.

Au début, nous avons rencontré beaucoup de résistance. Certains évangéliques étaient persuadés que nos enseignements sur la formation spirituelle étaient dangereux et provenaient du diable. Les gens se rassemblaient à l’extérieur de nos petites conférences en tenant des pancartes avec des messages comme « Hérésie New Age : Méfiez-vous ». Mais le mouvement se mettait en place.

Au cours de leurs longues années d’amitié, Richard a encouragé Dallas à écrire sur la formation chrétienne, et Dallas a finalement rédigé de nombreux livres influents, parmi lesquels on trouve notamment The Spirit of the Disciplines, Renovation of the Heart et son opus magnum, The Divine Conspiracy, traduit en 2018 en français sous le titre Le grand complot divin.

De nombreuses autres personnes se sont jointes à des efforts similaires. Les écrits d’Eugene Peterson sont devenus des best-sellers. Les livres des contemplatifs catholiques Thomas Merton et Henri Nouwen étaient repris par les presbytériens et les méthodistes, et même par certains baptistes. James Houston a fourni des fondements académiques depuis sa base du Regent College. En 1992, Dallas a commencé à donner le cours le plus populaire du programme de doctorat en vue du ministère du Fuller Theological Seminary, intitulé « Spiritualité et ministère ». Ce cours est en fait devenu si populaire que Fuller m’a engagé comme assistant d’enseignement de Dallas, tâche que j’ai exercée pendant presque dix ans.

En 2005, nous avons organisé une conférence internationale Renovaré à Denver, à laquelle plus de 2 500 personnes ont participé. Lorsque je suis entré dans l’auditorium, j’ai été bouleversé. Je me suis tourné vers Richard et lui ai dit : « Quelque chose a changé. Nous sommes passés du pilori à la popularité en moins de 20 ans ».

C’était vrai. Quelque chose avait changé. Très vite, de plus en plus de pasteurs et de paroissiens ont lu des livres sur la formation spirituelle. D’autres ministères de ce type ont été mis en place. Les éditeurs chrétiens ont créé des séries de livres et des labels en fonction de ces questions de formation. Les universités et les séminaires ont commencé à proposer des programmes sur le sujet.

J’ai remarqué que même les titres pastoraux ont commencé à changer. Au lieu de « pasteur pour la formation chrétienne » ou même « pasteur pour la formation des disciples », il y avait de plus en plus de postes de « pasteur pour la formation spirituelle » dans le personnel des Églises.

Mais en privé, j’ai remarqué autre chose durant ces décennies : Dallas exprimait de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir du mouvement.

Des craintes prophétiques

Au fil des années, jusqu’au décès de Dallas en 2013, j’ai eu plusieurs conversations avec lui sur le développement de ce mouvement pour la formation spirituelle. Dallas m’a dit qu’il était heureux que les gens s’intéressent à la formation spirituelle et que c’était le signe d’un appétit profond et d’un besoin crucial dans l’Église.

Mais il craignait que l’accent ne soit mis sur la pratique des disciplines spirituelles elles-mêmes plutôt que sur ce qu’elles étaient censées faire. Dallas pensait que les choses dériveraient naturellement vers une concentration sur la technique, sur le comment et non le pourquoi des exercices spirituels.

Dallas craignait également que les Églises ne tentent d’utiliser l’intérêt pour la formation spirituelle en tant qu’outil de croissance de l’Église — et que, parce que celle-ci ne mènerait probablement pas à une croissance numérique, les responsables relégueraient la formation à l’un des nombreux départements d’une Église plutôt que de la considérer comme centrale pour leur mission.

Enfin, il craignait que le nombre croissant de ministères de formation spirituelle ne se fassent concurrence — plutôt que de coopérer — afin de promouvoir leur travail et d’assurer leur survie.

J’ai réfléchi à ces préoccupations pendant près de dix ans maintenant, et j’en suis venu à croire que Dallas était prophétique. Aujourd’hui, l’accent est mis sur la pratique des disciplines de manière presque isolée. Presque chaque semaine, je reçois un exemplaire d’un nouveau livre sur la formation spirituelle chrétienne, et presque tous portent sur une pratique particulière, comme le ralentissement, la solitude, le jeûne technologique, l’utilisation de l’Ennéagramme, le journal de gratitude ou la création d’une règle de vie. Ils accordent une grande attention au comment d’une certaine méthode tout en défendant ses avantages apparents, mais ils négligent souvent d’aider les lecteurs à comprendre ou à cultiver le pourquoi plus profond.

Je vois souvent des Églises lutter pour intégrer la formation spirituelle dans la vie de la communauté. Si de nombreuses Églises disposent de cursus de formation et de discipulat, elles ont tendance à se concentrer sur des programmes, des événements ou des groupes isolés au sein de leur Église, plutôt que de considérer la formation spirituelle comme un aspect attendu de la vie chrétienne pour tous.

Et j’ai vu — et expérimenté directement — le genre d’esprit de compétition entre responsables de formation et organisations contre lesquels Dallas avait mis en garde. Je n’ai que rarement vu le genre de coopération que Dallas jugeait nécessaire.

Dans l’une de nos dernières conversations, j’ai demandé à Dallas ce qui serait en jeu si ses craintes devenaient réalité. Sa réponse : « Un manque de transformation à l’image de Christ ».

C’est le cœur du problème : la formation spirituelle chrétienne porte fondamentalement sur la formation — sur le fait d’être formé à l’image du Christ (2 Co 3.18 ; Ga 4.19). En fin de compte, l’accent ne porte pas sur les disciplines, les programmes ou les techniques. La question est la suivante : les gens deviennent-ils plus semblables au Christ ? Et c’était la plus grande préoccupation de Dallas.

Risque n° 1 : Les techniques sans la transformation

Puisque Dallas n’est plus parmi nous, j’ai récemment effectué un tour d’horizon et parlé avec plusieurs de ses plus proches collègues et membres de sa famille de ce que Dallas pourrait dire aujourd’hui concernant le chemin parcouru par le mouvement de formation spirituelle et son avenir. J’ai parlé avec Richard Foster, John Ortberg, Steve Porter, Keith Matthews, l’épouse de Dallas, Jane Willard, et sa fille, Becky Willard Heatley. Les conversations ont été éclairantes et encourageantes, mais non sans certaines mises en garde et inquiétudes.

Pour saisir les craintes de Dallas, il est utile de comprendre son modèle de formation qui visait ce qu’il appelait revêtir « l’esprit du Christ ». Pour Dallas, cela signifiait s’approprier les perspectives de Jésus sur des questions clés telles que le caractère de Dieu le Père, la nature de la personne humaine en tant qu’âme incarnée, et la réalité présente du royaume de Dieu.

Dallas enseignait que les disciplines telles que la prière, la solitude et la mémorisation des Écritures ne sont qu’une partie du processus de formation. La deuxième est l’œuvre du Saint-Esprit, et la troisième consiste à apprendre à voir les épreuves et les événements de la vie à la lumière de la présence et de la puissance de Dieu.

L’une des craintes de Dallas — une chose qu’il a en somme prédite — était que l’intérêt pour la pratique des disciplines, bien qu’essentiel, éclipse les deux autres parties. Comment le savait-il ? Parce que la pratique des disciplines, bien que difficile, offre naturellement une forme de récompense immédiate. Mesurer la croissance spirituelle en soi est difficile ; savoir si l’on a accompli telle ou telle pratique dévotionnelle ne l’est pas. Si je passe cinq minutes en prière ou 15 minutes à lire un livre de méditation, j’aurai l’impression d’avoir fait quelque chose de « spirituel ». Et ces actions peuvent très bien conduire à un sentiment de connexion avec Dieu.

Mais elles peuvent aussi se transformer en pratiques légalistes, ce qui constituait l’échec des pharisiens qui jeûnaient, faisaient l’aumône et priaient pour « être vus » (Mt 6). Le légalisme est une recherche de mérite, qui consiste à penser, par exemple, que j’ai jeûné cette semaine et je peux donc m’attendre à une bénédiction de Dieu. Si je crois que Dieu inflige châtiments et bénédictions en fonction de mes pratiques religieuses, je ne tarderai pas à transformer les disciplines spirituelles en légalisme.

Il y a quelques années, une femme de mon Église pensait qu’elle devait avoir un « temps de silence » quotidien (qui consistait à lire un extrait de son livre de méditation) pour que Dieu bénisse sa vie. Bientôt, elle commença à penser que si elle faisait un temps de silence plus long, elle obtiendrait plus de bénédictions. À un moment donné, elle lisait sept livres de méditation pendant son temps de prière. Je lui ai expliqué que les disciplines ne sont censées faire que deux choses : nous relier à Dieu ou nous aider à briser le pouvoir du péché. Lorsqu’elle a découvert cela, son approche des disciplines a été considérablement modifiée.

Becky Willard Heatley m’a parlé de la crainte de son père que les disciplines spirituelles soient « élevées et séparées » du reste de la transformation. « Il pensait que cela serait dangereux », car les disciplines deviennent alors une forme d’idole — les moyens deviennent des fins. Nous nous concentrons davantage sur les disciplines que sur Dieu, sur le fait de briser l’emprise du péché ou sur le soin de nos âmes incarnées.

Steve Porter, professeur à l’université Biola, qui édite le Journal of Spiritual Formation and Soul Care et était proche de Dallas, pense que son inquiétude concernant l’exaltation et la mise à part des disciplines était que cela laisserait de côté les fondements historiques, scripturaires, théologiques et anthropologiques de ces disciplines.

J’en ai fait l’expérience de première main. J’avais été invité à parler de formation spirituelle dans une grande Église évangélique. Mon hôte était la pasteure pour la formation spirituelle, qui était ravie de me présenter ce qu’elle avait fait dans ce domaine et de me demander des conseils pour aider sa congrégation à se développer spirituellement.

Elle était également impatiente de me montrer le résultat d’un projet d’une année entière : un labyrinthe installé en extérieur. J’ai été surpris, même un peu choqué. Il s’agissait d’une Église évangélique, et les labyrinthes ont souvent fait l’objet d’un examen rigoureux dans de nombreux cercles évangéliques. Et pourtant, il était là, grand et magnifiquement aménagé. La pasteure m’a dit qu’il était très populaire auprès de nombreuses personnes de l’Église.

J’ai posé quelques questions. Pourquoi s’était-elle sentie appelée à créer ce labyrinthe ? Elle m’expliqua que l’expérience du labyrinthe l’avait conduit à une percée dans sa propre foi et qu’elle voulait que d’autres en fassent l’expérience. Elle ressentait une profonde paix intérieure lorsqu’elle marchait dans le labyrinthe.

Avait-elle enseigné aux participants l’histoire chrétienne du labyrinthe et ce qu’il est censé faire ? Elle répondit qu’elle avait créé un dépliant qui expliquait aux participants comment utiliser le labyrinthe.

Qu’espérait-elle en tirer ? Elle expliqua qu’elle essayait de montrer l’importance de la formation spirituelle dans l’Église locale. Elle pensait que si le labyrinthe devenait populaire, cela « validerait » son travail dans l’Église.

Lorsque je considère cet exemple à la lumière de la préoccupation de Dallas, la question profonde n’est pas de savoir si un labyrinthe est une pratique orthodoxe, ou s’il cultive des sentiments de paix intérieure, ou comment le faire correctement, ou encore s’il permet de valider le ministère de formation spirituelle d’un pasteur.

Malgré l’accent mis dans de nombreux ouvrages actuels sur les disciplines spirituelles, ces pratiques n’ont pas pour but de réduire le stress, d’ordonner la routine quotidienne, de mieux comprendre sa personnalité, de vivre des « expériences spirituelles » ou d’obtenir un certain nombre d’autres avantages marginaux qui résultent souvent de ces disciplines. Toutes ces questions sont secondaires par rapport à l’objectif de devenir plus semblable au Christ.

Beaucoup d’entre nous ont laissé les disciplines spirituelles devenir une forme d’idole, détachée de toute compréhension historique, biblique, théologique et anthropologique. Beaucoup d’entre nous ont supposé par inadvertance que ces pratiques allaient nous transformer. Mais les pratiques elles-mêmes sont impuissantes sans Dieu.

Nous devons veiller à ne pas laisser les disciplines éclipser la raison réelle de leur pratique : approfondir notre relation à Dieu et créer un espace pour que la grâce de Dieu puisse agir dans nos vies.

Risque n° 2 : L’ABC sans le D

Une autre crainte exprimée par Dallas concerne l’Église. Il était un fervent partisan de l’Église locale et croyait que l’un de ses rôles principaux était de former des disciples, comme le Christ le demande dans son envoi missionnaire (Mt 28.16-20). Le principe de base de son livre The Great Omission est que beaucoup de nos Églises omettent le cœur même de la mission : « faire des disciples », soit « leur apprendre à obéir à tout ce que je vous ai prescrit ».

Dallas pensait que, dans de nombreuses Églises évangéliques, l’accent était mis sur le fait de « faire des chrétiens », au lieu de faire des disciples. Ces concepts devraient être synonymes, mais ils ne le sont pas. Dallas a souvent fait remarquer qu’aujourd’hui on peut être chrétien (en vertu d’une confession de foi) sans être — ou même avoir l’intention d’être — un disciple. En d’autres termes, on peut être convaincu d’être chrétien parce que l’on adhère à une doctrine (comme « Jésus est ressuscité des morts »), tout en n’ayant aucune intention de faire ce que Jésus a dit de faire (comme « Bénis ceux qui te maudissent », « Aime ton ennemi », et ainsi de suite).

Dallas pensait que ce phénomène était dû à quelque chose de plus profond : les paramètres par lesquels nous avons tendance à mesurer le succès des Églises. Dallas désignait ces mesures communes par l’acronyme ABC : Assistance, Bâtiment, Capital.

Par exemple, une Église de 75 personnes qui se réunit dans un vieux bâtiment et a peu d’argent pour payer du personnel ou des ministères, tend à passer, comme le dit souvent Richard Foster, pour « un échec marginal sur le tableau de score ecclésiastique ». À l’inverse, si nous voyons une Église qui a 5 000 participants par semaine, un ensemble de bâtiments si grand que les personnes doivent être transportées en voiturettes de golf, et de l’argent pour financer d’innombrables ministères, nous sommes prompts à supposer que cette Église est un énorme succès.

Mais Dallas croyait fermement que le « succès » de l’Église (si on peut l’appeler ainsi) ne devait pas être mesuré par l’ABC, mais par le D : le discipulat. Jésus, comme l’aurait fait remarquer Dallas, ne cherchait pas à faire de plus grandes Églises, mais à faire de « plus grands chrétiens ». À cette aune, une Église de 75 personnes qui grandissent dans la foi chrétienne pourrait avoir beaucoup plus de succès qu’une Église de 5 000 personnes qui ne s’engage pas à faire de ses membres des disciples.

Selon Dallas, la formation spirituelle ne doit pas être reléguée à un programme ou à une retraite ; elle est essentielle à la vie collective de nos congrégations.

Dans les Églises qui négligent la formation des disciples, les membres qui parviennent à une vie de foi plus mûre s’isolent souvent. C’est en substance la conclusion d’une étude très discutée réalisée en 2007 par la Willow Creek Community Church. Cette méga-Église avait mis l’accent sur la transformation des personnes en recherche en membres de sa communauté, et cela fonctionnait. Mais lorsque certaines de ces personnes ont commencé à connaître une croissance significative dans leur vie spirituelle, elles ont senti qu’il n’y avait pas de place pour elles.

Ceux qui avaient faim d’une vie plus profonde ont trouvé refuge dans les ministères paraecclésiaux de formation spirituelle : Le Transforming Center de Ruth Haley Barton, l’Institut Rénovaré, la School of Kingdom Living ou encore l’Apprentice Institute. Ces types de ministères sont devenus les communautés par défaut pour de nombreuses personnes qui ne pouvaient expérimenter un engagement significatif dans la formation spirituelle au sein de leur Église locale.

Keith Matthews, professeur de séminaire à la Azusa Pacific University, qui a travaillé aussi étroitement avec Dallas que tous ceux que je connais, m’a dit : « Dallas avait prévu qu’il serait difficile de créer des communautés de foi capables de soutenir une véritable transformation. Il a vu comment, pour la plupart des gens, cela restait essentiellement un effort individuel. Sans les communautés, il est très difficile de poursuivre la croissance. »

Depuis le début de notre travail avec Renovaré, nous avons souvent vu des personnes qui grandissaient dans leur vie spirituelle, mais trouvaient leurs propres Églises peu accueillantes pour leurs efforts, voire hostiles. Un couple qui a participé à tous les ministères que Renovaré avait à offrir et qui a fait l’expérience d’une réelle transformation personnelle a rejoint son Église locale au Texas dans l’espoir de partager cette méthode de formation de disciples avec d’autres. Le pasteur principal leur a dit qu’ils pouvaient organiser un petit groupe, mais qu’il ne soutiendrait pas davantage la chose. Cela a duré une décennie. Puis, lorsque le pasteur principal a lui-même participé à un programme de formation spirituelle, il en est ressorti convaincu que c’était essentiel. Il a encouragé l’ensemble de l’Église à s’impliquer.

Un obstacle à l’intérêt pour la formation spirituelle à l’échelle de l’Église est qu’elle ne conduit souvent pas à une croissance numérique. Dallas savait que si un pasteur se concentrait sur ce type de vie de disciple dans la vie d’une congrégation, cela pourrait en fait conduire à une baisse de la fréquentation — ce que Dallas appelait « une sainte réduction ». La formation de disciples est lente et difficile — un défi dans un monde qui préfère la rapidité et la facilité.

« Il ne serait pas juste de dire que les pasteurs rejettent les efforts de formation spirituelle parce que ceux-ci ne font pas directement augmenter la fréquentation », m’a dit John Ortberg. « Ils les négligent simplement parce qu’ils pensent que cela les éloigne d’autres choses qui, elles, feraient croître la fréquentation de leurs Églises. »

Et si de nombreuses Églises emploient aujourd’hui un « pasteur pour la formation spirituelle », beaucoup d’entre eux n’ont reçu qu’une faible formation en la matière et sur ses fondements historiques et théologiques. Dans l’Église qui a construit le labyrinthe, par exemple, j’ai demandé à la pasteure pour la formation spirituelle où elle avait fait sa propre formation. Elle m’a expliqué qu’elle n’avait pas de formation formelle, mais que la formation spirituelle était sa « passion » et que le pasteur principal l’avait donc nommée à ce poste.

Mon but n’est pas de critiquer cette pasteure ou d’autres pour un manque de formation. Mais les pasteurs bien intentionnés qui n’ont pas une compréhension théologique, historique et anthropologique plus large de la formation spirituelle, comme l’a noté Steve Porter, risquent de finir par incarner la première crainte de Dallas : une concentration sur les disciplines spirituelles à l’exclusion d’une approche plus holistique de la transformation.

Dans Renovation of the Heart, Dallas écrivait : « Je rencontre rarement quelqu’un qui occupe une position de responsabilité au sein du peuple du Christ et qui ne fait pas de son mieux pour servir le Christ de la meilleure façon qu’il ou elle sache le faire — généralement de manière sacrificielle, et souvent avec beaucoup de bons fruits. Mais nous devons comprendre comment nous pouvons faire mieux. »

Risque n° 3 : La concurrence au détriment de la coopération

La dernière préoccupation de Dallas concernait les nombreux ministères de formation spirituelle qui ont émergé au fur et à mesure que le mouvement s’est développé. D’une part, il était vraiment heureux de voir de plus en plus de personnes établir des centres de retraite, des programmes, des instituts et des cursus de formation académiques et non académiques. Mais d’un autre côté, Dallas était parfaitement conscient d’un problème potentiel : il craignait que les responsables de ces ministères considèrent les autres comme des concurrents plus qu’ils ne coopèrent.

Je suis moi-même passé par là. En 2009, j’ai proposé qu’un nouveau programme que j’avais créé soit intégré au ministère global de Renovaré. Mais Richard et d’autres ont estimé qu’il était temps pour moi de quitter le nid, pour ainsi dire, et de créer un programme distinct. Dans le courant de cette année-là, nous avons donc créé l’Apprentice Institute for Christian Spiritual Formation à la Friends University.

Presque immédiatement, j’ai eu le sentiment que tout programme que nous développions et toute ressource que nous créions étaient une menace pour les autres ministères de formation spirituelle. J’étais tenté de considérer ces organisations ou leurs dirigeants comme des rivaux. J’ai fait part de mon inquiétude à Dallas, et il m’a répondu que c’était une préoccupation qu’il avait à propos du mouvement : « Le besoin est si grand que, même si nous nous regroupions, nous aurions du mal à avoir un impact ».

Ce phénomène n’est pas nouveau. La concurrence dans l’Église est monnaie courante depuis l’époque des apôtres : moi je suis pour Paul, moi pour Pierre, moi pour Apollos (1 Co 1.12 ; 3.4). Et Dallas savait que cela était particulièrement vrai non seulement au sein des Églises, mais aussi entre elles.

J’ai un jour invité Dallas à parler à un groupe de pasteurs. Il a proposé de compléter la phrase : « Le travail le plus important d’un pasteur est… ». Puis il a fait une pause et nous avons tous tendu l’oreille, impatients d’entendre la réponse. Il a poursuivi : « Le travail le plus important d’un pasteur est de prier pour le succès des Églises de sa région ».

Ce n’était pas ce que nous attendions. Je pensais qu’il dirait quelque chose comme : « Le travail le plus important d’un pasteur est de mémoriser et de méditer les Écritures » ou « de pratiquer un sabbat régulier ».

Mais Dallas a expliqué que si les pasteurs pouvaient véritablement prier pour le succès des Églises de leur région — des Églises qui auraient instinctivement pu être considérées comme concurrentes — alors le cœur de ces responsables serait vraiment en phase avec le royaume de Dieu. « Après tout », a-t-il dit, « nous faisons tous partie de la même équipe. »

Un esprit de compétition concernant son Église ou son ministère de formation spirituelle peut être un instinct humain très naturel. Mais si nous voulons sérieusement revêtir l’esprit du Christ, il est clair qu’un esprit de compétition n’est pas en phase avec les valeurs de son royaume. Nous faisons partie de la même équipe, et notre transformation à l’image de Christ s’atteste par notre désir de rechercher d’abord le bien du royaume.

Mon ami James Catford, un responsable de longue date de Renovaré, utilise l’analogie du sauvetage de Dunkerque pendant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer l’esprit vers lequel Dallas essayait de nous orienter.

À un moment crucial de la guerre, des milliers de soldats britanniques et alliés se sont retrouvés bloqués à Dunkerque, en France, juste de l’autre côté de la Manche. Comme le montre le film éponyme, ces troupes étaient constamment menacées par la Luftwaffe, et il n’y avait pas assez de navires de la marine britannique pour les sauver tous. Le gouvernement a donc demandé à tous les civils britanniques disposant d’un bateau de traverser la Manche pour aller chercher des soldats.

Des bateaux de toutes formes et tailles ont largué les amarres et ramené au pays plus de 338 000 soldats britanniques et alliés. Certains pensent que sans cet effort commun l’Allemagne aurait gagné la guerre.

Parmi ceux qui s’engagent en faveur de la formation spirituelle, si nous devons tenir compte de l’inquiétude de Dallas, alors tous ceux qui ont un « bateau » — une organisation, un programme, un livre, un centre de retraite, un podcast de formation, et ainsi de suite — doivent s’unir dans ce travail profondément nécessaire : la formation de disciples, de personnes véritablement transformées.

Puissions-nous être attentifs au danger de céder à un esprit de compétition ; puissions-nous continuellement et humblement inviter Jésus à garder nos cœurs en phase avec les valeurs du royaume. Nous sommes vraiment tous dans le même bateau.

Il y a peu, j’ai passé une heure en visioconférence avec le nouveau président de Renovaré, Ted Harro, et nous avons discuté du travail de nos deux ministères de formation spirituelle.

« Je n’ai qu’une seule idée en tête, Jim », m’a dit Ted. « Comment pouvons-nous être le meilleur partenaire pour vous aider à faire le travail que vous faites ? »

Je lui ai dit que j’avais exactement le même intérêt en tête. À cet instant, j’ai eu l’impression que, quelque part dans la gloire, Dallas se réjouissait.

James Bryan Smith est titulaire de la chaire Dallas Willard de formation spirituelle chrétienne à l’Université Friends, directeur exécutif de l’Institut Apprentice et auteur de The Good and Beautiful God .

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Books

Le Brésil élit Lula avec une légère évolution du vote évangélique

Le candidat de gauche a directement abordé les préoccupations des chrétiens dans les derniers jours du second tour.

Luiz Inácio Lula Da Silva célèbre une courte victoire à l’élection présidentielle.

Luiz Inácio Lula Da Silva célèbre une courte victoire à l’élection présidentielle.

Christianity Today November 16, 2022
Alexandre Schneider/Getty Images

Le président brésilien Jair Bolsonaro et ses soutiens se sont efforcés de gagner les électeurs évangéliques jusqu’à la dernière heure du second tour de l’élection le 30 octobre.

Des influenceurs chrétiens ont posté des photos à ses côtés sur Instagram, annonçant fièrement qu’ils soutenaient la candidature de Bolsonaro pour un second mandat. Et la première dame Michelle Bolsonaro a tenté de rallier les femmes de l’Assembleia de Deus Vitória em Cristo (« Assemblée de Dieu Victoire en Christ ») de Rio de Janeiro, l’une des plus grandes Églises du pays.

« Chères amies, cela aurait été agréable si nous avions gagné au premier tour », a-t-elle déclaré. « Mais nous avions besoin de ce deuxième tour pour un réveil de l’Église. »

Aux électeurs chrétiens qui ne seraient pas convaincus par la foi du président — bien que cet ancien officier militaire catholique ait été rebaptisé il y a six ans dans le Jourdain — Michelle a mis en avant ses propres références évangéliques.

« Ne regardez pas mon mari, regardez-moi. ». « Je suis une servante de Dieu. »

Mais ces efforts se sont finalement révélés insuffisants. Un sondage crédible publié quelques jours avant l’élection a montré que le soutien des évangéliques passait légèrement — quatre points seulement — de Bolsonaro à son adversaire du Parti des travailleurs, Luiz Inácio Lula da Silva. Au moment du décompte final, cependant, « Lula », comme tout le monde l’appelle, a remporté l’élection par moins de 2 % d’écart.

Certains observateurs attribuent ce revirement à la décision de Lula de faire directement appel à certaines des principales préoccupations des évangéliques.

Lula, ancien président, est redevenu éligible en mars 2021 lorsque ses condamnations à 12 années de prison pour corruption ont été annulées. Au cours de sa campagne, il s’était surtout contenté, pour toucher le public chrétien, de références à la Bible dans ses discours. Les évangéliques représentent environ 30 % de l’électorat.

Cette approche indirecte a changé lors d’une réunion avec des représentants des Églises à São Paulo le 19 octobre. Lula a publié une lettre exposant ses positions sur un certain nombre de préoccupations essentielles des chrétiens du pays. En ce qui concerne l’avortement, par exemple, il a écrit que « la vie est sacrée, l’œuvre des mains du Créateur » et que les décisions en la matière reviendraient au Congrès national.

À propos de l’éducation et des débats en cours sur ce que les écoles devraient enseigner aux enfants sur le genre, il a déclaré que les écoles publiques devaient travailler avec les parents, et non contre eux.

« Le foyer et les orientations données par les parents sont fondamentaux dans l’éducation de leurs enfants, et il appartient à l’école de les soutenir en dialoguant et en respectant les valeurs des familles, sans interférence de l’État », écrit Lula.

La lettre aborde également les rumeurs mensongères selon lesquelles il pourrait persécuter les chrétiens. En mai, un membre du corps législatif a reçu l’injonction de supprimer des messages sur les médias sociaux affirmant à tort que Lula et son parti soutenaient « l’invasion des églises » et la persécution des chrétiens. Un autre pasteur des Assemblées de Dieu a admis cette année qu’il avait affirmé sans preuve à ses fidèles que leur Église pourrait être fermée si la gauche revenait au pouvoir.

Lula a réfuté ces allégations sans fondement et d’autres similaires.

« Je sais que les gens disent que je vais fermer les églises. En réalité, c’est moi qui ai mis en place la loi sur la liberté religieuse », écrit-il. « Que quelqu’un dise que je vais fermer des églises est tellement malveillant et ignorant, que c’est difficile à croire. Je ne fermerais jamais une église, car je pense que s’il y a une bonne chose que les gens peuvent faire dans la vie, c’est de renforcer leur foi et de s’occuper de leur spiritualité. »

Lors de la dernière élection, Bolsonaro avait reçu 70 % du soutien des évangéliques. Au cours de sa présidence, sa relation avec les évangéliques n’a semblé que se renforcer, comme nous l’évoquions encore récemment, au fil de ses apparitions aux côtés de télévangélistes et de pentecôtistes bien connus, dont Silas Malafaia, Marco Feliciano et Edir Macedo, l’évêque de la plus grande dénomination prêchant un évangile de prospérité dans le pays. Le président avait également participé à la Marche pour Jésus.

Certains de ses détracteurs estiment que ces actions de Bolsonaro étaient fondamentalement intéressées.

« Bolsonaro a manipulé et coopté les chrétiens, se présentant comme le seul salut contre la gauche, contre le Parti des travailleurs. Il s’est présenté comme un messie. Il a pris des questions importantes pour les chrétiens, comme l’avortement et la famille, et en a fait la base de sa campagne », déclarait Jacira Monteiro, autrice et étudiante en séminaire, à CT au début de cette année. « Il a également joué (et continue de jouer) un jeu d’oppositions : soit je suis président et je vous libère du mal, de Satan, c’est-à-dire du Parti des travailleurs et de la gauche, soit le Brésil retourne dans les ténèbres. » « Pendant tout ce temps, sa campagne a utilisé un langage agressif et polarisant. »

Bien que Bolsonaro ait bénéficié d’un soutien important lors des dernières élections, les évangéliques ne sont pas tous les mêmes.

Le Frente Parlamentar Evangélica (« Front parlementaire évangélique »), un groupe qui se présente comme la voix évangélique officielle de l’Assemblée législative du pays, a déclaré compter parmi ses membres 196 députés et sept sénateurs issus de 19 partis politiques différents. Seuls 42 faisaient partie du parti libéral de droite de Bolsonaro.

Bolsonaro a perdu une part du soutien évangélique en raison de sa gestion du COVID-19 et des questions économiques. Mais à l’approche de l’élection générale et du second tour, il semblait avoir regagné des appuis. Dans les derniers jours, cependant, suffisamment d’évangéliques ont changé d’avis pour faire la différence.

La décision de Bolonsaro de « minimiser la pandémie et de ne pas tenir compte d’informations scientifiques importantes » lui a nui auprès de nombreux électeurs, estime Guilherme de Carvalho, directeur de L’Abri pour le Brésil.

« Nous avons vu une attitude de mépris, de confrontation, et d’évitement du dialogue. Ajoutez à cela un esprit d’irresponsabilité vis-à-vis de la santé des gens, avec des blagues sur des personnes en danger de mort. » « Les partisans du président ont fait des “coffin dances”. »

Une autre question importante pour certains évangéliques était l’environnement, rapporte de Carvalho, soulignant l’augmentation de la déforestation et des feux de forêt sous Bolsonaro.

« Celui qui a vaincu Bolsonaro, c’est Bolsonaro lui-même. »

Compte tenu de la faible marge de victoire de Lula et de la réticence de Bolsonaro à admettre sa défaite, certains dirigeants évangéliques s’inquiètent désormais pour l’unité de l’Église dans les mois à venir.

« La victoire de Lula annonce 4 ans d’une polarisation encore plus grande, et le rêve de plus d’options politiques disparaît pour encore 8 ans », a tweeté Filipe Duque Estrada, le pasteur d’Onda Dura Global. « Parce que dans 4 ans, les seules options seront à nouveau Bolsonaro et Lula. Si Bolsonaro avait gagné, ce cycle aurait pris fin. »

Certains responsables ont appelé à la paix.

« Je sais que, lors de ces élections, de nombreux liens ont été brisés, des personnes blessées, des insultes prononcées, mais pour chaque erreur commise, il y a la bonté de Dieu qui nous conduit à la repentance et à la réconciliation », écrit le pasteur et musicien Zé Bruno sur Instagram. « Voyez où vous vous êtes trompé et repentez-vous. Cherchez à voir où ils ont fait fausse route avec vous et pardonnez. Ne perpétuez pas le mal, mais mettez-y fin par le bien, l’amour et la miséricorde, car il triomphera du jugement. »

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Téléchargement gratuit : Méditations de l’Avent 2022

Des éditeurs et contributeurs de Christianity Today, Il nous a été promis propose 4 semaines de méditations pour l’Avent. Individuellement, en famille ou en groupe.

Christianity Today November 3, 2022
Christianity Today

Les chrétiens devraient-ils posséder des armes à feu pour se défendre ? Aperçu à travers le monde

Alors que des fusillades ne cessent de se produire dans le monde, des responsables chrétiens de neuf pays expliquent comment ils envisagent la sécurité personnelle d’un point de vue théologique et biblique.

Christianity Today November 2, 2022
Carlos Osorio / AP Images

Début octobre, un ancien policier a tué 36 personnes, dont de nombreux jeunes enfants, dans une garderie du nord-est de la Thaïlande. La fusillade et la série de coups de couteau ont eu lieu quelques semaines après qu’un homme armé ait tué 17 personnes dans une école du centre de la Russie. En juillet, des terroristes ont attaqué un service religieux dominical dans le sud-ouest du Nigeria, tuant des dizaines de fidèles.

Les États-Unis ont connu de nombreuses fusillades de masse cette année, notamment lors d’un défilé du 4 juillet dans la banlieue de Chicago, où sept personnes sont mortes, dans une épicerie à Buffalo, dans l’État de New York, où 10 personnes ont été tuées et dans une école élémentaire à Uvalde, au Texas, où 21 personnes ont été assassinées.

Aux États-Unis, selon le Pew Research Center, les évangéliques blancs sont plus susceptibles que les membres d’autres groupes confessionnels américains à posséder une arme à feu (41 %) et à dire qu’ils se sentent plus en sécurité ainsi (77 %). Plus de la moitié des évangéliques blancs (57 %) ont déclaré que la défense était la raison la plus importante pour laquelle ils possédaient une arme.

Cette étude de 2017 a également révélé que 38 % des évangéliques blancs craignent d’être victime d’une fusillade de masse, 61 % de subir un crime violent et 66 % d’être victime d’une attaque terroriste.

Cependant, la même étude constatait également que les Américains qui assistent à des services religieux hebdomadaires sont moins susceptibles de posséder une arme à feu que ceux qui y assistent moins fréquemment (27 % contre 31 %). Et les Américains ayant un niveau élevé d’engagement religieux étaient moins susceptibles de posséder une arme à feu que ceux dont l’engagement était faible (26 % contre 33 %).

Nous avons contacté des responsables d’Église de neuf pays pour en savoir plus sur la possession d’armes à feu dans leur nation et sur leurs réflexions à ce sujet, d’un point de vue théologique et biblique. Leurs réponses sont classées en partant de ceux qui pensent que les chrétiens peuvent posséder des armes à feu pour leur sécurité personnelle pour aller vers ceux qui pensent que cela contrevient à leur foi.

Nigeria | Steve Dangana, président du chapitre de la Communauté pentecôtiste du Nigeria pour l’État du Plateau :

Les citoyens nigérians peuvent posséder des armes à feu, à condition que celles-ci fassent l’objet d’un permis délivré par les autorités.

Les chrétiens sont appelés à être à l’avant-garde de la paix et des artisans de paix dans un monde plein de violence et de mal. Le contraste entre ce que nous sommes appelés à représenter et la réalité de notre monde actuel pose un défi pour la possession d’une arme pour l’autodéfense et d’autres objectifs non-violents. Je crois personnellement qu’il est juste pour un chrétien de posséder des armes à feu à des fins d’autodéfense.

Le niveau de violence accrue dans nos communautés a pris des dimensions inquiétantes aujourd’hui. L’insouciance avec laquelle des vies innocentes sont détruites quotidiennement par des individus sans conscience laisse des questions dans le cœur de nombreux chrétiens sur les défis éthiques de la possession d’armes à feu. Cependant, un regard sur la Bible offre certains repères concernant les pratiques liées à cette question aujourd’hui.

La nuit de la trahison de Jésus, il a encouragé ses disciples à porter une épée. Ils en avaient deux, ce qui, selon lui, était suffisant (Lc 22.37-39). Mais alors que Jésus était arrêté, Pierre a tiré son épée et a tranché l’oreille d’un des serviteurs du grand prêtre (Jn 18.10). Jésus a répondu en guérissant l’homme instantanément (Lc 22.51) et a ensuite ordonné à Pierre de ranger son épée (Jn 18.11). La possession d’une épée par Pierre n’a pas été condamnée. C’est seulement l’usage qu’il en a fait dans cette circonstance particulière qui a incité Jésus à lui demander de faire preuve de retenue.

Une autre fois, des soldats sont venus chez Jean Baptiste pour être baptisés. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il fallait faire pour vivre pour Dieu, Jean a répondu : « N’extorquez pas d’argent à quelqu’un par des menaces ou par de fausses accusations, et contentez-vous de votre salaire » (Lc 3.14). Jean s’arrête juste avant de dire aux soldats de déposer leurs armes.

On peut affirmer sans risque de se tromper que la Bible n’interdit jamais à un chrétien de posséder une arme, tant que celle-ci est utilisée en accord avec notre foi et notre pratique chrétiennes et qu’elle apporte honneur au Christ, respect et valeur à l’humanité, et gloire à Dieu.

Les chrétiens sont encouragés à respecter la loi en tant que représentants du Christ et citoyens fidèles de leur nation. Romains 13 nous dit que les autorités dirigeantes viennent de Dieu et qu’il faut leur obéir. Par conséquent, toute loi sur les armes à feu, ainsi que les autres lois locales, doit être respectée.

En fin de compte, nous constatons qu’il n’y a rien de pécheur ou d’inapproprié à posséder des armes à feu ou d’autres armes tant que c’est pour se défendre ou pour d’autres usages non violents.

Afrique du Sud | Siki Dlanga, coordinateur d’une campagne contre la violence basée sur le genre pour l’Alliance évangélique d’Afrique du Sud :

Un Sud-Africain peut légalement posséder jusqu’à quatre armes à feu à partir de l’âge de 21 ans. Chaque arme à feu doit faire l’objet d’un permis, assorti de règles strictes.

Le fait qu’un chrétien possède ou non une arme à feu est une question de conscience personnelle. Au sujet des armes, l’Écriture enseigne ce qui suit : « Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas humaines ; elles tiennent leur puissance de Dieu qui les rend capables de renverser des forteresses. Oui, nous renversons les faux raisonnements ainsi que tout ce qui se dresse présomptueusement contre la connaissance de Dieu, et nous faisons prisonnière toute pensée pour l’amener à obéir à Christ, prêts à punir toute désobéissance dès que votre obéissance sera entière. » (2 Co 10.4-6)

L’Écriture place en premier lieu la protection du croyant contre le monde spirituel. Nos armes ne sont pas charnelles, mais spirituelles. Nous savons que tout commence spirituellement avant de se manifester dans le domaine physique. Nous ne pouvons pas combattre Satan avec les armes qu’il a inventées et espérer le vaincre. Pour vaincre le mal, nous devons utiliser des armes spirituelles qui, nous dit-on, « tirent leur puissance de Dieu ».

En outre, « Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de puissance, d’amour et de sagesse » (2 Tm 1.7). S’appuyer sur la puissance de feu plutôt que sur la puissance de l’amour n’est pas la voie du Christ. La puissance de feu a semé beaucoup de souffrance dans le monde, au point que nous ne pouvons espérer la paix que si nous nous menaçons de « destruction mutuelle assurée ». Ce n’est pas vraiment l’indice d’une société civilisée et saine d’esprit.

Corée du Sud | Kim Seungkyeom, pasteur principal de l’Église Graceforest Community à Yongin :

En Corée, la possession d’une arme à feu est strictement limitée. Seuls les fusils de chasse sont autorisés. Mais vous devez l’enregistrer au commissariat de police.

À mon avis, il n’est pas conseillé de posséder une arme à feu pour la sécurité personnelle. Si une personne possède une arme à feu pour sa sécurité, une autre personne essaiera de se protéger en possédant une arme plus puissante. La course aux armes nucléaires en est la preuve. Un nombre croissant d’armes nucléaires, des armes nucléaires plus puissantes et ayant un avantage comparatif sur les autres pays peuvent rendre le monde de plus en plus dangereux.

Fondamentalement, les questions de sécurité personnelle sont un domaine que la nation devrait prendre en charge. Romains 13.4 dit : « Car l’autorité est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, redoute-la. Car ce n’est pas pour rien qu’elle peut punir de mort. Elle est, en effet, au service de Dieu pour manifester sa colère et punir celui qui fait le mal ».

Quant aux individus, le Seigneur a dit ceci : « Remets ton épée à sa place, lui dit Jésus, car tous ceux qui tirent l’épée mourront par l’épée » (Mt 26.52). En premier lieu, il s’agit d’une leçon concernant la vengeance, et non sur la sécurité personnelle, mais c’est aussi une leçon de base sur l’utilisation des armes.

Le chrétien ne doit pas faire reposer sa sécurité sur la possession d’une arme, mais sur la grâce et la protection de Dieu. Paradoxalement, cependant, j’ai une batte de baseball à côté de mon lit au cas où un voleur s’introduirait soudainement.

Suisse | Jean-René Moret, pasteur, Église évangélique de Cologny :

En Suisse, nous sommes autorisés à posséder des armes à feu. Nous avons toujours la conscription, et la plupart des hommes suisses ramènent leur fusil d’assaut à la maison pour le stocker et s’entraîner au tir. Les fusils d’assaut sont autorisés. Les hommes qui ont terminé leur service ont la possibilité de racheter leur fusil militaire et de le conserver. Les propriétaires d’armes doivent s’enregistrer.

(Seuls les hommes sont font l’objet de la conscription obligatoire. Les femmes peuvent cependant demander à faire partie de l’armée. Les objecteurs de conscience font des travaux d’intérêt général.)

L’enseignement et l’exemple de Jésus montrent que les chrétiens devraient plutôt subir la perte de leurs biens, de leur honneur et de leur vie que de répondre à la violence par la violence (Mt 5.38-42 ; 1 P 2.20-23). Paul, dans Romains 13.4, reconnaît le rôle de l’État de porter des armes afin de réprimer le mal. Mais ce n’est pas le rôle de l’individu.

On pourrait se demander si le fait de posséder une arme pour défendre des personnes vulnérables pourrait être admissible. Cela pourrait être le cas dans des situations de défaillance de l’État et d’anarchie. Et même dans ces cas-là, il faudrait se demander où les chrétiens vont mettre leur confiance. Auront-ils confiance en Dieu, ou en leurs propres armes, leur force et leurs capacités ? (cf. És 30.15-17)

La violence armée est une conséquence non seulement de la possession d’armes à feu, mais aussi d’une culture dans laquelle les armes sont considérées comme un gage de sécurité et une solution aux problèmes. Les Suisses possèdent beaucoup d’armes à feu, mais ne s’attendent pas à les utiliser autrement que pour la chasse, le tir sportif et une guerre improbable. Pour les chrétiens, les armes à feu peuvent être une idole, une chose qui détourne la confiance que nous devons mettre en Dieu seul.

Canada | Karen Stiller, autrice, éditrice et journaliste, Ottawa :

Nous pouvons posséder des armes à feu, bien que le Canada ait des lois strictes sur leur contrôle. Des vérifications approfondies des antécédents sont requises. Plus de 1 500 types de fusils d’assaut militaires ont été interdits au Canada en 2020. Une législation plus stricte a été présentée récemment pour limiter encore plus la possession d’armes à feu.

Mon père était un policier monté. J’ai grandi dans un environnement où les armes à feu étaient présentes et reconnues comme une partie potentiellement dangereuse, mais nécessaire, du travail de mon père. Nous respections mon père, son travail et l’uniforme de la Gendarmerie royale du Canada. J’étais heureux qu’il ait une arme, car je savais qu’elle contribuait à le protéger, lui et les personnes qu’il s’était engagé à protéger dans son travail et sa vocation.

Les armes à feu ont leur place dans le monde, bien sûr, mais elles ne font tout simplement pas partie de la vie quotidienne et de la culture au Canada comme c’est le cas aux États-Unis ou, je suppose, dans de nombreux autres endroits du monde. Nos pays ont des histoires tellement différentes, et nous n’avons pas le deuxième amendement et tout ce que cela représente.

Les différents rôles que les armes à feu jouent dans les vies peuvent varier selon les régions du Canada (je suis une citadine jusqu’au bout des ongles), mais je ne crois cependant pas que ceux qui font pression pour un contrôle moins strict des armes à feu au Canada s’approchent de la passion pour les armes à feu de certains dans la culture américaine. Même la question « Les chrétiens devraient-ils posséder une arme à feu pour se défendre ? » semble très américaine. (Et cette déclaration de ma part est très canadienne.)

Il ne me viendrait pas à l’idée que notre foyer chrétien possède une arme spécifiquement destinée à notre sécurité personnelle. Si c’était le cas, et si nous suivions les lois du pays (que nous croyons être obligés de suivre en tant que croyants), cette arme serait déchargée, verrouillée et stockée séparément des munitions. Une formule donc généralement peu utile pour la protection personnelle, quelle que soit la position théologique de chacun.

Australie : Sam Chan, évangéliste avec le City Bible Forum à Sydney :

En Australie, vous pouvez posséder une arme à feu, mais vous devez avoir un permis et enregistrer l’arme. Mais vous ne pouvez pas acheter d’armes automatiques ou semi-automatiques.

J’ai séjourné dans une ferme et j’ai vu le fermier abattre des animaux sauvages. J’ai aussi des amis qui tirent avec des armes à feu comme passe-temps. Mais, dans l’ensemble, la possession d’armes à feu n’est pas un élément important de la culture australienne.

Un Australien peut ressentir le besoin de posséder une voiture ou une maison, mais pas une arme à feu pour sa sécurité personnelle. Ce n’est pas une chose courante en Australie. C’est l’absence d’armes à feu en Australie qui nous fait nous sentir en sécurité, plutôt que leur disponibilité.

En Australie, nous donnons la priorité à la sécurité des communautés, et nous attendons du gouvernement qu’il agisse en ce sens. Je pense que nous avons été le premier pays à adopter des lois rendant obligatoires le port de la ceinture de sécurité pour les voitures, le port du casque pour les cyclistes et l’alcootest aléatoire pour les conducteurs.

Dans cette même logique, nous avons limité nos droits de posséder des armes à feu pour la sécurité de la communauté. Il n’y a pas eu de fusillade de masse majeure depuis 1996.

Paul raisonne de cette même manière dans 1 Corinthiens 10.23-24 : « J’ai le droit de tout faire », dites-vous, mais tout n’est pas bénéfique. « J’ai le droit de tout faire » — mais tout n’est pas constructif. Personne ne doit chercher son propre bien, mais le bien des autres.

Paul dit que nous avons des droits individuels, mais que nous avons aussi la responsabilité personnelle de faire ce qui est le mieux pour la communauté.

Honduras | Miguel Álvarez, président du Séminaire biblique pentecôtiste d’Amérique centrale à Quetzaltenango, Guatemala :

Au Honduras, les gens peuvent porter des armes à feu, mais, pour ce faire, ils doivent s’enregistrer et se conformer aux exigences de la sécurité de l’État. Malheureusement, même dans ce processus bien intentionné, il peut y avoir des éléments de corruption. Néanmoins, la loi est restrictive envers ceux qui choisissent de porter une arme.

Je ne crois pas que les croyants en Christ doivent porter des armes. Le port d’armes est contraire au message de l’Évangile. Il n’y a aucune raison théologique ou biblique qui justifie l’utilisation des armes. La vocation du croyant en Christ est pacifique, et non belliqueuse. Dieu nous a donné la capacité de dialoguer en tant qu’êtres civilisés sur nos différences afin de résoudre nos controverses par des moyens pacifiques. Un croyant qui porte des armes doute manifestement de la puissance spirituelle qui est en lui.

Selon Jacques 3.17, « la sagesse d’en haut est […] pacifique, douce, ouverte à la raison, pleine de miséricorde et de bons fruits, impartiale et sincère ». En outre, Romains 12.18 exhorte : « Si possible, dans la mesure où cela dépend de vous, vivez en paix avec tout le monde. » Dieu nous appelle à la paix. La présence d’armes est contraire à la paix. Il n’y a aucune justification biblique ou théologique à l’utilisation des armes.

Les personnes qui insistent pour porter des armes ne connaissent pas la paix de Dieu, et ne peuvent pas comprendre la justice de Dieu. Il est donc important de se déclarer contre la guerre et l’utilisation des armes pour résoudre les conflits humains et de se positionner en faveur de la paix et de la justice.

Philippines | Emil Jonathan Soriano, pasteur de l’Église @ No. 71, San Pedro, Laguna :

Aux Philippines, les gens peuvent posséder des armes légalement, mais c’est difficile. Le gouvernement a des exigences très strictes. Néanmoins, je connais personnellement des chrétiens qui ont un permis de port d’arme à des fins récréatives.

Je ne pense pas que les chrétiens devraient posséder des armes à feu pour leur sécurité personnelle. L’œuvre de Dieu dans le monde est d’apporter la vie dans toute sa plénitude (Jn 10.10) et de vaincre la mort (1 Co 15). Les armes à feu vont à l’encontre de l’œuvre de Dieu, car ce sont des outils de mort conçus pour tuer. Aux Philippines, les armes à feu en circulation sont utilisées pour des crimes et des exécutions extrajudiciaires, ce qui a aussi conduit par le passé à des assassinats par des groupes d’autodéfense. L’Écriture affirme que les outils de mort doivent être démantelés et transformés en outils de production et de subsistance (És 2.4 ; Mi 4.3).

Plus important encore, Jésus a donné un exemple d’éthique de non-violence, qu’il a manifestée par un amour qui s’est donné et a souffert, qui appelle à donner sa vie pour que les autres puissent vivre (Mt 5.38-48 ; Rm 12). En Jésus, nous voyons que l’on n’a pas besoin d’armes pour se défendre et être en sécurité. Les premiers chrétiens ont suivi son exemple : ils n’ont pas cherché à se défendre en prenant les armes, mais ont accepté de donner leur vie en témoignage de l’Évangile. Cela ne signifie pas que les chrétiens doivent rechercher le martyre et ne pas prendre de précautions. Les chrétiens sont invités à vivre dans la sagesse tout en travaillant à transformer le monde en le fondant sur la paix. Comme l’a dit Clément d’Alexandrie, un père de l’Église antique, « Comme des sœurs simples et tranquilles, la paix et l’amour n’ont pas besoin d’armes. Car ce n’est pas pour la guerre, mais pour la paix que nous sommes formés. »

Singapour | Edric Sng, fondateur et rédacteur en chef de Salt&Light et Thir.st :

À Singapour, l’utilisation des armes à feu est étroitement contrôlée en vertu de la Loi sur les infractions liées aux armes. En dehors de la police et des forces armées, il est presque impossible de voir quelqu’un porter ou utiliser une arme. Les rares exemples feraient immédiatement la une des journaux.

En d’autres termes, cela signifie qu’à Singapour, nous pouvons continuer à vivre sans nous soucier de la menace de la violence armée.

Dans Luc 22, juste après la dernière Cène, Jésus prépare ses disciples à ce moment imminent où ils devront poursuivre la mission sans leur maître. « Si vous n’avez pas d’épée, vendez votre manteau et achetez-en une », leur dit-il au verset 36. Une épée à cette époque aurait été utile pour beaucoup de choses. Pour chasser. Pour récolter. En tant qu’outil polyvalent.

Et, oui, c’était une arme, mais ce n’était manifestement pas l’intention de Jésus. Si Jésus avait voulu que les disciples portent des armes pour la guerre, il ne leur aurait pas dit que deux épées entre eux suffisaient (v. 38). Il leur aurait dit d’augmenter les stocks ! Plus il y en a, plus c’est sûr !

Mais il est clair que ces épées n’étaient ni destinées à l’attaque ni à l’autodéfense. Quelques heures plus tard, dans Luc 22.49-51, Jésus est arrêté. Pierre tire son épée pour repousser la délégation menée par le traître Judas. Mais au lieu d’un éloge, il s’attire la réprimande de Jésus : « Range ton épée ! » (selon Jn 18.11)

Est-il insensé de rester sans défense dans un monde hostile, où tout le monde porte une arme ? Selon les critères humains, probablement. Mais serait-il plus sage, selon Dieu, de détenir une arme qui peut si facilement ôter la vie à autrui, même en cas de légitime défense ? Pourquoi imaginer que la vie de l’un — vous ou votre famille — vaut plus que celle de l’autre ?

Si le monde est armé, devons-nous le suivre — ou cela nous rendrait-il semblables au monde ?

Reportage réalisé avec l’aide de Jennifer Park.

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Culture

Mon meilleur travail se fait en dehors du bâtiment de l’Église

Pour voir Dieu agir, nous avons dû sortir de nos quatre murs.

Christianity Today November 2, 2022
Charlie Foster / Unsplash

Il n’est pas rare qu’une Église soit poussée hors de son bâtiment.

Mais c’est le contraire qui nous est arrivé. On a voulu nous pousser dans notre bâtiment.

Notre Église multiethnique de centre-ville se réunissait depuis un certain temps autour de tables de pique-nique dans la cour d’une école publique. Notre quartier abrite l’école la plus pauvre du district. Nous avons accueilli des gens de la rue, mangé avec eux et organisé notre culte en plein air.

Mais un résident d’un appartement voisin a commencé à nous écrire des lettres incendiaires à propos du bruit. Nous nous sommes excusés, avons baissé le volume et avons prié. Quelques dimanches plus tard, ce même voisin sortait ses poubelles lorsqu’il a été interpelé par une prédication sur Romains 8. Il s’est arrêté et a écouté l’intégralité du sermon debout près d’une benne à ordures dans la ruelle. À la fin, il a tourné le coin, en pleurs, et est venu nous dire qu’il avait entendu Dieu lui parler.

Quelques semaines plus tard, tandis que je prêchais, quelqu’un a crié par-dessus le mur que nous étions trop bruyants. Une femme qui était là pour le culte a dit qu’il était le prochain. Je me suis excusé pour le bruit, j’ai fait un signe de tête à notre technicien du son et j’ai continué à prêcher. Le lendemain, cependant, le directeur de l’école nous a annoncé que nous devions maintenant utiliser l’auditorium pour lequel nous avions payé. Mais nous étions loin d’avoir fini de vivre l’Église dans les espaces publics.

À l’air libre

À une époque, je craignais que, si nous nous aventurions dans des espaces publics, nous soyons catalogués comme étranges, voire bizarres. Je n’aime pas trop que les chrétiens aient l’air encore plus fous qu’ils ne le sont, je n’ai donc pas tout de suite osé pousser l’Église hors de ses quatre murs. Mais j’ai fini par décider que plutôt que d’organiser des actions pour toucher le voisinage, le culte serait notre moyen de le faire. C’est radical, c’est risqué, mais ça marche, et il m’a fallu près de 20 ans pour en arriver là.

C’est l’Europe qui en est responsable. En m’embarquant pour l’Europe en tant que missionnaire implanteur d’Églises il y a 15 ans, j’ai eu mon premier aperçu du ministère en plein air lorsque j’ai servi comme évangéliste dans la légendaire Église de Martyn-Lloyd Jones. Les anciens voulaient que je prêche le samedi matin sur la place publique. Au début, je trouvais cela gênant, mais je n’arrivais pas à me défaire de la conviction que, comme à l’époque de Wesley, Whitefield et William Booth, il devait y avoir quelque chose à faire pour amener l’Église aux gens de notre temps, au lieu d’attendre que les gens viennent à l’Église.

À partir de là, j’ai expérimenté des groupes de discussion publics sur des campus universitaires et dans des pubs, et j’ai finalement lancé une Église dans un Starbucks.

Le ministère dans les contrées postmodernes et postchrétiennes de l’Europe a donné vie au livre des Actes des Apôtres. La raison en est simple : un monde postchrétien est très semblable à un monde préchrétien.

Actes 5.42 dit que les apôtres se réunissaient « dans le temple et dans les maisons ». Beaucoup ont imaginé les « cours du temple » comme l’équivalent de bâtiments d’Église. Mais ces endroits étaient beaucoup plus publics. En prêchant dans les cours du temple, les apôtres pratiquaient l’art perdu du ministère dans l’espace public, dans des lieux ouverts. J’avais l’habitude de lire le livre des Actes des Apôtres et de me demander pourquoi ce que je faisais en tant que serviteur à plein temps ne ressemblait en rien à ce que Paul et les Apôtres faisaient. Les responsables d’Église contemporains vont au séminaire, étudient la théologie, interprètent les textes et préparent des prédications, mais ils obtiennent leurs diplômes tout en étant incapables de faire ce que les apôtres ont fait : transmettre le message de l’Évangile à une communauté. Beaucoup sont craintifs et ont du mal à parler aux gens au-delà des limites du parking de l’Église.

Retour vers le futur

Revenir d’Europe pour servir en Amérique était comme débarquer d’une machine à remonter le temps. La Grande-Bretagne a environ 60-70 ans d’avance sur l’Amérique en matière de postchrétienté. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles C.S. Lewis est tellement pertinent pour les chrétiens américains contemporains ; nous respirons la même atmosphère culturelle de déclin spirituel que la Grande-Bretagne du milieu du 20e siècle, à l’époque où Lewis écrivait. Lewis s’adressait à une culture dans laquelle la chrétienté avait disparu, les Églises étaient en déclin et les gens avaient besoin d’être convaincus pour croire.

Je forme les implanteurs d’Église à exercer leur ministère dans les espaces publics afin de les préparer à un avenir où je suis convaincu que le modèle attractionnel de l’Église va vaciller. De moins en moins de personnes sont prêtes à entrer dans un bâtiment identifié comme « église ». Avant de me rendre en Europe, ma version de la formation des futurs responsables aurait été de les aider à faire davantage de ce qui ne fonctionne pas, éventuellement dans une version plus élégante, plus cool et plus tendance. Je les aurais formés pour attirer de plus grandes foules, rendre le culte plus séduisant. Tout cela était formidable dans les années 80 et 90, mais est de moins en moins efficace dans notre culture.

De nombreuses Églises se préparent à un avenir qui ne viendra pas. Nos stratégies reposent sur l’utilisation future des bâtiments que nous avons construits. Mais si l’Europe est une indication de la direction que prennent les choses, où des bâtiments d’Église magnifiques sont convertis en boîtes de nuit, en mosquées et en entrepôts de tapis, nos bâtiments pourraient aussi ne plus faire l’affaire. Comme les bunkers souterrains de la guerre froide enterrés partout à travers l’Amérique, de nombreuses constructions de l’Église seront inutiles lorsque l’avenir que nous anticipons ne se matérialisera pas. En Europe, les citadelles de la religion ont servi de barricade face à la culture qui les entourait, et trop d’autres suivent cet exemple.

Pour préparer l’avenir, nous devons faire ce que les apôtres ont fait : amener l’Église dans les rues, les salles de concert, les cafés, les brasseries, sur tous les Aréopages qui constituent les carrefours culturels de notre temps.

Je ne dis pas que le simple fait de se rencontrer à l’extérieur est une solution miracle à tous les maux de l’avenir. Nous aurons toujours besoin d’infrastructures traditionnelles pour exercer un ministère efficace auprès de certaines personnes. Mais le pourcentage de personnes touchées par cette approche va diminuer. C’est déjà le cas. L’avenir du ministère chrétien appartient plus à ceux qui seront aptes à intégrer la foule qu’à ceux qui cherchent à l’attirer. Il appartient à ceux qui peuvent infiltrer une communauté de l’intérieur, au lieu de chercher à orienter le trafic vers un bâtiment à l’autre bout de la ville.

Voici quelques moyens que j’ai trouvés pour échapper aux quatre murs de l’église et m’engager dans le ministère dans mon quartier.

1. Laisser tomber le ministère de bureau

Nous avons besoin de plus de flics de terrain, et moins de flics de bureau. Charles Spurgeon décriait des serviteurs déconnectés de leur culture « à l’aise parmi les livres, mais en perdition parmi les hommes ». Comment pourrais-je atteindre ceux qui se perdent en buvant du café avec des chrétiens et en récitant des homélies ?

Peu de temps après avoir rejoint l’Église de Martyn-Lloyd Jones, Dieu m’a fait sortir de mon étude en tarissant mon soutien missionnaire au moment du 11 septembre. J’ai été contraint d’accepter un emploi dans une usine, sur une chaîne de montage, aux côtés des personnes que j’essayais d’atteindre. Après avoir été mandaté comme « évangéliste » pendant plus d’un an, je n’avais pas vu une seule personne suivre Jésus à la suite de mon travail. Les choses ont commencé à changer dans l’usine. La vérité est que l’employé moyen aura été en contact avec plus de personnes le lundi midi que le pasteur moyen ne le sera en une semaine entière. Soudain, je n’avais plus ce problème.

La nécessité est mère de l’invention. J’ai dû faire preuve de créativité et me lancer dans des projets audacieux, comme visiter des pubs et des boîtes de nuit armé d’une caméra vidéo et laisser les gens me raconter leurs histoires. Ces rues violentes des heures tardives de la nuit dans la ville industrielle de Port Talbot, au Pays de Galles, m’ont réellement formé. Pendant que la caméra tournait, des gens divulguèrent leurs histoires et pleurèrent. C’était mon premier voyage hors de mon étude, et il a été difficile de m’y faire retourner depuis.

2. Rechercher l’espace public

Depuis le début de cette aventure, nous avons lancé des ministères dans les parcs et divers projets de Long Beach et San Pedro. Nous avons fait des soirées micro ouvert dans le café gay local. Nous avons fait beaucoup d’erreurs, et l’apprentissage n’a pas toujours été facile. Nous avons appris qu’avant de faire une soirée micro ouvert, il faut acheter des boissons à la maison pour démarrer. Il ne faut pas non plus encombrer le jeu avec trop de chrétiens.

Nous apprenons toujours, mais nous poussons toujours plus loin. Nos responsables discutent actuellement de la rénovation d’une station-service au coin de la rue, au cœur du ghetto. Chaque Église que nous implantons dans l’espace public est différente. Nous ne sommes pas assez futés pour découvrir la recette à appliquer dans toutes les situations. Nous devons comprendre la vie de chaque quartier et compter sur Dieu pour nous guider.

3. Faire confiance à l’Esprit

La réponse d’une partie de l’Église britannique au tournant postmoderne a consisté à adapter sa théologie, sa morale et son culte… en vain. Au lieu de devenir plus attrayant pour les non-chrétiens, le message ne valait plus la peine d’être écouté. Une approche laxiste de Dieu a fait que l’Église ne valait pas le temps ou l’essence qu’on aurait pu y consacrer. Il n’y avait plus d’expérience de Dieu. La messe était dite.

Pendant des années, j’ai écouté des missionnaires parler de la puissance de Dieu à l’étranger, mais je me demandais pourquoi nous ne voyions jamais de telles choses. Je ne me le demande plus. Il n’y a pas de raison que les missionnaires aient toutes les meilleures histoires. À présent, ceux qui implantent avec nos équipes ont aussi de telles histoires à raconter. Ma théorie est que plus vous allez en première ligne, plus vous expérimentez ce que vous lisez dans le livre des Actes. Après tout, pourquoi le Consolateur viendrait-il au secours de ceux qui sont bien confortablement installés ?

Le Saint-Esprit équipe ceux qui sortent de leur zone de confort et se mettent dans une situation où ils ont besoin de lui. Pour être honnête, une Église moyenne ne se rend pas forcément dépendante du Saint-Esprit pour la plupart de ses activités du dimanche matin. S’engager dans l’entreprise risquée de la mission, c’est se laisser emporter dans l’action de l’Esprit Saint et être aux premières loges pour voir ce que Dieu fait dans le monde.

Nous avons appris que vivre l’Église dans les espaces publics repoussera les consommateurs, mais attirera les disciples. Ces disciples deviendront la prochaine génération de responsables, et ils se reproduiront. La prochaine fois qu’une Église aura été poussée hors de son bâtiment, elle pourra se dire qu’elle est peut-être maintenant à sa juste place.

Peyton Jones est le fondateur de New Breed Church Planting et l’auteur de Church Zero (David C. Cook, 2013).

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Books

Décès de Gordon Fee, qui invitait les évangéliques à adopter un autre regard sur la Bible

Cet « érudit de feu », spécialiste du Nouveau Testament, voulait enseigner l’Écriture comme une rencontre avec Dieu.

Gordon Fee

Gordon Fee

Christianity Today October 31, 2022
Regent College / edits by Rick Szuecs

Le premier jour d’un cours de Nouveau Testament, Gordon Fee avait dit à ses étudiants au Wheaton College, qu’ils tomberaient un jour sur un gros titre disant « Gordon Fee est mort ».

« N’y croyez pas ! » avait-il clamé, juché sur un bureau. « Il chante avec son Seigneur et son roi. »

Puis, au lieu de distribuer le plan de cours comme c’était l’habitude, il fit chanter à la classe l’original anglais de « Seigneur, que n’ai-je mille voix », de Charles Wesley (« O For a Thousand Tongues to Sing »).

Fee, un professeur de Nouveau Testament très influent qui croyait que la lecture de la Bible, l’enseignement de la Bible et l’interprétation de la Bible devaient amener les gens à rencontrer un Dieu vivant, se décrivait lui-même comme un « érudit de feu ». Il est décédé mardi 25 octobre à l’âge de 88 ans — même si, comme le savent ceux qui l’ont côtoyé en classe ou dans ses nombreux livres, ce n’est pas ainsi qu’il aurait décrit sa situation.

Au début des années 1980, Fee avait coécrit Un nouveau regard sur la Bible avec Douglas Stuart, un collègue du séminaire théologique Gordon-Conwell. La version originale du livre How to Read the Bible for All Its Worth en est à sa quatrième édition et s’est vendue à environ un million d’exemplaires. L’ouvrage est devenu pour beaucoup le texte de référence sur la meilleure façon d’aborder les Écritures. Il était également l’auteur d’un manuel d’interprétation biblique abondamment repris, de plusieurs commentaires très appréciés sur les épîtres du Nouveau Testament et d’un travail universitaire sans précédent sur la place du Saint-Esprit dans la vie et l’œuvre de l’apôtre Paul.

« Si vous aviez demandé à Paul de définir ce qu’est un chrétien », avait un jour dit Fee dans notre magazine, « il n’aurait pas dit : “Un chrétien est une personne qui croit telle et telle doctrine sur le Christ”, mais “Un chrétien est une personne qui marche dans l’Esprit, qui connaît le Christ”. »

De la même manière, Fee soutenait que l’étude de la forme, de l’histoire et du contexte de l’Écriture en valait la peine parce qu’il ne s’agissait pas d’une « simple histoire ». Bien faite, l’interprétation biblique frappe comme l’éclair

« Notre exégèse porte du fruit lorsque nous nous tenons nous-mêmes dans un indicible émerveillement en présence de Dieu », écrivait-il. « Nous devons entendre les paroles avec notre cœur, nous devons nous prélasser dans la gloire même de Dieu, nous devons être touchés par un sentiment de crainte accablante devant les richesses de Dieu dans sa gloire, nous devons repenser à l’incroyable merveille que ces richesses sont nôtres dans le Christ Jésus, et nous devons ensuite adorer le Dieu vivant en chantant des louanges à sa gloire. »

Lorsque la nouvelle de sa mort s’est répandue sur les médias sociaux, des pasteurs et des professeurs de séminaire de tout le milieu évangélique ont évoqué les livres de Fee qui les ont le plus marqués. Wesley Hill, professeur de Nouveau Testament au Western Theological Seminary, estime que God's Empowering Presence a été l’un des textes les plus marquants qu’il ait lus. Greg Salazar, pasteur de l’Église presbytérienne américaine, écrit qu’il utilise en ce moment le commentaire de Fee sur Philippiens pour une série de sermons. Peter Englert, pasteur dans une Église non confessionnelle de New York, fait l’éloge du commentaire de Fee sur 1 Corinthiens.

Denny Burk, professeur du Southern Baptist Theological Seminary, qui était en profond désaccord avec Fee sur la question de la place des femmes dans le ministère, a déclaré que Fee était « l’un des spécialistes du Nouveau Testament les plus influents qui aient jamais vécu ».

Le nom de Fee n’était pas connu de la plupart des membres des Églises évangéliques, mais cela ne fait que souligner l’importance de sa contribution.

« Aucun des membres de mon Église ne pourrait vous dire qui est Gordon Fee », écrit Griffin Gulledge, pasteur de la Madison Baptist Church à Madison, dans l’État de Géorgie. « Mais chacun d’entre eux a bénéficié de son travail. Je parie que c’est vrai dans des dizaines de milliers d’Églises. »

Manier les Écritures avec précaution

Fee était né dans la famille de Donald et Gracy Jacobson Fee à Ashland, Oregon, le 23 mai 1934.

Son père Donald était un charpentier habile et un prédicateur textuel dans les Assemblées de Dieu. Gordon grandit en observant la différence entre les sermons prudents de son père, qui décortiquait le sens de la Bible, et certaines approches moins cadrées adoptées par d’autres ministres des Assemblées de Dieu.

De nombreux pentecôtistes semblaient penser que la planification et l’étude inhiberaient le Saint-Esprit, déclarera-t-il par la suite. Ils saisissaient une phrase de l’Écriture et parlaient ensuite à bâtons rompus, confiants que Dieu pourrait guider leurs paroles s’ils étaient ouverts et spontanés. Certains ne choisissaient même pas le texte de leur sermon à l’avance, ouvrant la Bible et demandant à Dieu de les guider sur le moment.

Les résultats ne témoignaient pas toujours de la puissance du Saint-Esprit.

Le père de Fee, en revanche, croyait que Dieu honorait la préparation et que l’Écriture, tout comme une belle pièce de bois, devait être maniée avec habileté et soin.

« Mon père fut le premier érudit que j’ai rencontré », écrivit Fee, « même si, dans ces premières années, je ne le reconnaissais pas. Pourtant, sa passion pour la vérité et sa détermination à creuser profondément dans les Écritures […] ont déteint sur moi. »

Fee décida de suivre les traces de son père dans le ministère. Il se rendit au Seattle Pacific College (aujourd’hui University), où il rencontra et épousa Maudine Lofdhal, qui était également fille d’un pasteur des Assemblées de Dieu. Après avoir obtenu sa maîtrise, Fee accepta un poste de pasteur dans les banlieues en pleine expansion au sud de l’aéroport de Seattle-Tacoma et, pour joindre les deux bouts, il commença également à enseigner l’anglais au Northwest College (aujourd’hui University), l’école affiliée aux Assemblées de Dieu à Kirkland, dans l’État de Washington.

Fee découvrit qu’il aimait enseigner. Il aimait tellement ça, disait-il, qu’il en avait mal aux dents.

Il lutta pendant plusieurs années dans un conflit entre une vocation pour le ministère — il envisageait avec Maudine de devenir missionnaire au Japon — et une vocation pour le monde universitaire. Le tournant se produisit, comme Fee le racontera plus tard, lorsqu’un collègue lui dit : « Gordon, ce n’est pas parce que tu veux le faire que Dieu s’y oppose ».

Fee prit conscience que « cela pourrait bien sûr aussi être une sorte de vocation ». Il décida de s’inscrire à l’université de Californie du Sud pour obtenir un doctorat en études du Nouveau Testament, axé sur la critique textuelle. Il rédigea sa thèse sur le Papyrus 66, une copie presque complète de l’Évangile de Jean qui serait l’un des plus anciens manuscrits du Nouveau Testament.

Même s’il se lança dans une carrière universitaire, il ressentit une certaine tension entre ses identités d’universitaire et de pentecôtiste. Il obtint un poste d’enseignant au Wheaton College, et découvrit qu’il était le premier pentecôtiste que beaucoup de ses collègues avaient jamais rencontré — et certainement le premier qui avait un doctorat en études bibliques.

Influence sur la version anglaise NIV

Ses collègues pentecôtistes des Assemblées de Dieu, quant à eux, n’ont pas toujours célébré son succès dans le monde universitaire. Un jour, alors qu’il lui parlait de ses recherches universitaires, un homme plus âgé le mit en garde contre les dangers spirituels de l’érudition.

« Mieux vaut un fou de feu », dit l’homme, « qu’un érudit de glace »

En priant à ce sujet, cependant, Fee réalisa que l’alternative était trompeuse. Il pouvait être « un érudit de feu ».

Il enseigna à Wheaton pendant cinq ans, puis prit un poste au Gordon-Conwell Theological Seminary. Il y resta plus de dix ans avant de rejoindre le Regent College de Vancouver, en Colombie-Britannique, où il enseigna le Nouveau Testament jusqu’à sa retraite.

Fee a écrit des commentaires universitaires et populaires sur 1 et 2 Corinthiens, 1 et 2 Timothée, 1 et 2 Thessaloniciens, Philippiens et l’Apocalypse. Il a produit des études approfondies sur la christologie et la pneumatologie de l’apôtre Paul. Il a coordonné l’influente série New International Commentary et a également travaillé pendant plus de 30 ans avec le Committee on Bible translation, l’équipe de spécialistes responsable de la New International Version. Selon Douglas Moo, titulaire de la chaire d’études bibliques de Wheaton, les lecteurs de la NIV « rencontrent ses suggestions de traduction presque à chaque page ».

La contribution la plus importante de Fee, cependant, est peut-être à trouver dans son enseignement à l’école du dimanche. Il avait constaté que de nombreux chrétiens adultes, dont certains avaient passé toute leur vie à l’Église, ne savaient pas comment lire la Bible. Ils comprenaient les chapitres et les versets, et pouvaient même avoir mémorisé certains passages, mais souvent ils ne comprenaient pas les différences significatives entre les diverses parties de l’Écriture.

« Quelle est la différence entre une nouvelle et un poème ? » demandait-il. « On ne lit pas un poème comme on lit une nouvelle, ou une nouvelle comme on lit un poème […] Pourquoi quelqu’un voudrait-il mettre ces choses sur le même plan comme si ça ne faisait aucune différence ? […] Cela fait toute la différence du monde ! Dieu a choisi de faire les choses de cette façon. Ce n’est pas la découverte de Gordon. C’est Dieu qui a fait ça. »

Avec Douglas Stuart, professeur d’Ancien Testament, il avait publié en 1981 Un nouveau regard sur la Bible. Fee, exagérant un peu, affirmait que son éditeur chez Zondervan l’avait envoyé à tous les biblistes d’Amérique du Nord. « Je ne sais pas combien de centaines d’exemplaires il a envoyés, dit-il, mais en un an, les ventes ont explosé. » La version française vient d’être rééditée en 2021.

Les dons de l’Esprit

La position de Fee en tant qu’éminent spécialiste pentecôtiste de la Bible dans des institutions évangéliques de premier plan lui valut d’être parfois mêlé à des controverses théologiques. Dans les années 1970 et 1980, il fut entraîné dans le débat pentecôtiste sur la question de savoir si le parler en langues était la « preuve initiale » de l’habitation du Saint-Esprit. Certains l’accusèrent de « rejeter » de la doctrine fondatrice du pentecôtisme.

« Je ne rejette pas la preuve initiale », répondit-il. « Je rejette ce langage, car il n’est pas biblique, et donc sans pertinence. »

Fee a également encouragé les femmes dans le ministère sur la base de sa lecture du Nouveau Testament. Il a soutenu le Council for Biblical Equality et a contribué à la rédaction de l’ouvrage collectif Discovering Biblical Equality : Complementarity without Hierarchy, commentant 1 Corinthiens 11.2-6 et Galates 3.26-29.

Fee a également écrit sur le rôle du Saint-Esprit dans l’Église du Nouveau Testament : « Ce que montre le Nouveau Testament est que le Saint-Esprit est inclusif en matière de genre, équipant à la fois hommes et femmes, et donc libérant potentiellement le corps entier pour que toutes les parties puissent exercer leur ministère et donner de diverses manières la direction aux autres. Ainsi, ma position ne relève pas d’un agenda féministe — un plaidoyer pour les femmes dans le ministère. Il s’agit plutôt de l’agenda de l’Esprit ».

Cette position lui a valu plus de critiques que tout ce qu’il a écrit d’autre. Il estimait être sur la « liste noire » de certains cercles évangéliques.

« J’ai enduré beaucoup de balivernes », déclarait-il au magazine Charisma. « Je n’arrive pas à croire que certaines personnes pensent que le sexe passe avant le don. »

Cependant, Fee a surtout essayé d’éviter les controverses, se concentrant sur ses cours et enseignant aux gens à lire la Bible d’une manière transformatrice.

« Les cours rigoureux de Gordon étaient encore plus particulièrement connus pour leurs opportunités de rencontre avec son Seigneur », rapporte Rikk Watts, professeur de Nouveau Testament au Regent College. « Il a montré à des milliers d’étudiants dans le monde entier que l’on pouvait être un “érudit de feu” »

Fee est décédé chez lui à New York. Son épouse l’avait précédé dans la mort en 2014. Il laisse derrière lui ses enfants, Mark, Cherith Nordling, Brian et Craig. Des commémorations sont prévues à New York et à Vancouver.

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