La foi à l’œuvre en première ligne

Six professionnels de la santé partagent leurs façons de vivre leur foi au milieu d’une pandémie.

Christianity Today May 5, 2020
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Courtesy of Justin Denholm / Emanuele Negri / Biologos / Lim Poh lian / Lionel Tarassenko / Photo of Julia Wattacheril by Rebecca Lock / Unsplash

Au cours des derniers mois, la quête perpétuelle de nouvelles connaissances concernant le COVID-19 a placé scientifiques et médecins du monde entier au premier plan, et il se trouve que beaucoup d'entre eux sont chrétiens. Aux États-Unis, La chose est particulièrement vraie pour ceux qui travaillent dans le domaine médical. Les sociologues Elaine Howard Ecklund et Christopher Scheitle rapportaient dans un livre de 2017 que lorsque l'on recense les membres du personnel soignant aux États-Unis, tels que les médecins ou les infirmières et autres, on constate que 65% d'entre eux s'identifient comme chrétiens et 24% comme évangéliques. Bien que le pourcentage de scientifiques chrétiens dans les instituts de recherche de pointe soit plus faible, ils y constituent un groupe actif et beaucoup d'entre eux s'impliquent dans leurs recherches par souci de service.

Nous avons contacté quelques-uns de ces scientifiques et médecins pour leur demander comment ils s’y prennent pour rester ancrés dans leur foi. Nous nous sommes adressés à des personnes effectuant des recherches sur les traitements ou les vaccins, améliorant les soins aux patients ou contribuant aux interventions de santé publique, certaines d'entre elles travaillant également dans les services hospitaliers. Sans pouvoir inclure ici toutes les réponses reçues, nous avons échangé avec des scientifiques aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, à Singapour et en Australie. Nous leur avons demandé comment ils s'en sortaient et comment ils priaient dans le contexte de cette crise. Beaucoup ont partagé des anecdotes, des passages tirés des Écritures ou communiqué des sujets de prière. Leurs pratiques de foi varient, mais bien qu'ils exercent la médecine dans des laboratoires et des hôpitaux situés dans différents paysages géographiques et culturels, nous les avons trouvés unis dans un même objectif et un même esprit.

Francis Collins

Profession : médecin et généticien

Travaille à : Washington, DC, en tant que directeur des US National Institutes of Health (NIH, « Instituts américains de la santé »).

Domaine d’activité : Collins supervise la recherche biomédicale aux États-Unis, visant à développer des traitements et un vaccin pour contrôler le coronavirus. Il explique qu’il reçoit probablement quatre ou cinq idées intéressantes chaque jour, ce qui rend difficile de déterminer celles qui doivent être étudiées en priorité. Les NIH gèrent également un hôpital qui mène des essais cliniques, y compris dans la recherche sur le COVID-19. Avant sa nomination aux NIH, Collins dirigeait l'équipe qui avait cartographié le génome humain pour la première fois.

Comment il prie : Collins considère son appel en tant que fonctionnaire comme un appel chrétien, où il peut utiliser les outils de la science pour soulager la souffrance. « Je prie chaque matin pour trouver la voie à suivre pour y parvenir, avec l'aide de Dieu. J'aime le livre de Josué et ce verset du premier chapitre qui dit : « Sois fort et courageux » J’en ai besoin. Je suis parfois découragé et déprimé ». Collins éprouve de la peine dans cette situation. « J'essaie de comprendre comment transformer cela en quelque chose de valable, en une meilleure connaissance de soi et en actions ».

Collins prie pour les membres du personnel de santé qui ont peur de rentrer chez eux, et pour les chercheurs, qui travaillent jour et nuit pour trouver des solutions.

Emanuele Negri

Profession : médecin

Travaille à : Reggio Emilia, une ville du Nord de l'Italie, en tant que directeur d'une unité de soins semi-intensifs dans un hôpital local.

Domaine d’activité : Negri s'occupe des patients du COVID-19 sous ventilation non invasive. Son unité de soins semi-intensifs sera adaptable aux besoins de soins au fur et à mesure de la pandémie. Ses collègues estiment que les infections liées au coronavirus se poursuivront pendant plusieurs mois, bien qu'ils prévoient de réorganiser l'hôpital pour la prochaine phase, lorsque que le nombre de cas diminuera après le pic. En équipe, ils explorent l'hypothèse selon laquelle les patients souffrant d'inflammation pulmonaire pourraient souffrir d'une réponse immunitaire amplifiée appelée « tempête de cytokine », qu'ils ciblent dans des essais avec plusieurs médicaments cliniques.

Comment il partage sa foi : En raison de tous les équipements de protection portés par les professionnels de la santé, les patients du COVID-19 de Negri ne peuvent pas nécessairement l'entendre parler, mais ils n'y sont pas obligés pour expérimenter l'Évangile. « Ce n'est pas un temps de témoignage par la parole », déclare-t-il. « Les gens autour de moi observent mon comportement ».

Il nous partage une lettre d'un des premiers patients de son hôpital : « J'ai personnellement expérimenté un miracle dans le sens où le Seigneur m'a remis entre les mains de ces professionnels qui savent bien faire leur travail et qui, finalement, m'ont permis d'embrasser à nouveau mes proches. Je n'oublierai jamais ces doux regards cachés derrière ces barrières en plastique. Quand je pourrai sortir de la maison, je rencontrerai beaucoup de gens, peut-être même certains de ceux qui m'ont sauvé la vie, mais malheureusement je ne pourrai jamais les reconnaître. Je ne saurai pas qui ils sont, mais mes pensées iront vers eux pour toujours. Je leur dois le bien le plus précieux: la vie. Et à tous, je dis MERCI ».

« Jésus avait un "doux regard" » (Mt 9.36), déclare Negri. « Il est presque impossible de parler à mes patients maintenant, mais ils ont besoin de nos doux regards. Nous devons prier pour être capables de faire preuve d'empathie. »

Julia Wattacheril

Profession : médecin chercheur

Travaille à : New York dans un hôpital universitaire en tant que directrice du programme de lutte contre les maladies du foie gras sans lien avec l’alcool.

Domaine d’activité : En plus de maintenir les soins ambulatoires via la télémédecine, Wattacheril a été « redéployée » pour effectuer le triage des soins intensifs pendant la nuit, aidant à prendre des décisions à l'égard des patients dont la santé s'aggrave et qui ont besoin d'un niveau de soins plus élevé. Dans sa spécialité, elle et son groupe collectent des données pour mieux comprendre comment le COVID-19 affecte les patients transplantés, ainsi que les effets des thérapies actuellement à l'essai. Elle espère réutiliser un algorithme qui pourrait aider à identifier les patients à risque afin que les prestataires puissent correctement hiérarchiser les besoins en matière de récupération.

Comment elle garde espoir : Wattacheril décrit comment elle s'est récemment découragée, alors qu'elle espérait des changements dans la direction de son lieu de travail : un nouveau ton dans la communication, une intelligence émotionnelle plus grande et une disposition à réconforter ces autres personnes qui souffrent. « J'ai prié ma colère et j'ai crié à Dieu sur mon toit. Plus tard dans la journée, il m’est revenu, grâce au passage de Jean 15, que Jésus était la vigne et nous les branches, et que mon travail consistait à demeurer en Christ. J'étais trop préoccupée par le fruit et inquiète et méfiante au sujet de ce que Dieu faisait. » Ce rappel l'a aidée à se souvenir de son objectif, et « l'espoir est rapidement redevenu tangible après cela ».

Wattacheril parle également du traitement du deuil, affirmant qu'elle utilise des pratiques qu'elle a développées il y a plusieurs années, après avoir vécu un deuil. Elle reste « ancrée dans la prière », seule ou avec d'autres. Elle médite, assise ou en promenade, et écoute de la musique ou des prédications. En outre, « j'ai une belle communauté prête à me soutenir et me rappeler ce que j'ai tendance à oublier moi-même, ainsi que des versets bibliques éprouvés me rappelant des décennies d'histoire ».

Lionel Tarassenko

Profession : ingénieur électricien

Travaille au : Royaume-Uni à l'Institut de génie biomédical de l'Université d'Oxford.

Domaine d’activité : Tarassenko travaille avec ses collègues sur le développement de nouvelles techniques de surveillance des patients, des capteurs à apprentissage automatique pour l'analyse des données. À présent, il réutilise ces outils pour lutter contre le COVID-19. Il décrit les trois applications pour lesquelles cette technologie a été adaptée : (1) la prise en charge à distance des femmes enceintes à haut risque, dans le but de prévenir les infections ; (2) le triage des patients suspectés d'être contaminés par le COVID-19 dans les « centres de soins primaires » à l'aide de la technologie des caméras vidéo et (3) la surveillance en temps réel, à l'aide de dispositifs portables, des patients atteints du COVID-19 traités dans des services d'isolement.

Comment il met en œuvre sa foi dans son travail : « Je suis très conscient de la parabole des talents et de la nécessité d’employer ces talents là où Dieu veut que je le fasse ».

« Je suis également très conscient que notre monde ne se limite pas à ce que nous pouvons voir ou percevoir avec nos instruments scientifiques ». Citant Hébreux 11.3 : « C'est par la foi que nous comprenons que l'univers a été formé au commandement de Dieu, de sorte que ce qu'on voit ne provient pas de ce qui est visible ».

Justin Denholm

Profession : médecin spécialiste des maladies infectieuses, épidémiologiste

Travaille à : Melbourne, Australie, en tant que directeur médical du Victorian Tuberculosis Program dans un hôpital de recherche.

Domaine d’activité : Dans son hôpital, Denholm dirige une clinique de dépistage pour les personnes soupçonnées d'avoir le COVID-19. Il gère également les patients par téléphone afin qu'ils puissent éviter de venir à l'hôpital et appelle les gens pour leur donner les résultats des tests de coronavirus. Bien qu'il soit très occupé par ces tâches, il mène également un essai clinique, qui teste une gamme de médicaments pour un nombre planifié de 2500 patients hospitalisés atteints par le COVID-19.

Comment il se sent : « Pour être honnête, à ce stade, je suis assez fatigué et j'ai du mal à prier. Je suis quand même réconforté en pensant que Dieu est avec nous en toutes choses, que ce soit dans la maladie ou lorsque nous travaillons dur pour soulager ceux qui en souffrent ». Denholm espère que les chrétiens du monde entier se soutiendront mutuellement bien qu'étant physiquement à distance. « Le soutien des communautés est essentiel pour nous tous en ce moment, et je suis reconnaissant pour toutes les façons dont divers groupes parviennent à prendre soin les uns des autres, et en particulier des plus vulnérables».

Lim Poh Lian

Profession : médecin spécialiste des maladies infectieuses, également spécialisé en santé publique

Travaille à : Singapour, au National Center for Infectious Diseases (« Centre national pour les maladies infectieuses »).

Domaine d’activité : Lim a déménagé de Seattle, dans l’État de Washington, à Singapour, car elle se sentait appelée à servir le Christ en Asie ; ironiquement, elle y est arrivée juste quelques mois avant que le SRAS n'atteigne le pays en 2003. Depuis, elle est impliquée dans la lutte contre les épidémies au sein de groupes consultatifs et de groupes de travail de l'OMS et des Nations Unies.

Pendant la pandémie du COVID-19, elle a travaillé en première ligne avec des patients. « J'adore les soins prodigués directement aux patients ». « J'aide également à développer des protocoles cliniques, de santé publique et de recherche. » Son travail à l'OMS se concentre sur l'évaluation des risques des rassemblements de masse.

Comment sa foi influe-t-elle sur son travail : « Je vois mon travail face aux épidémies comme un ministère », déclare Lim tout en expliquant comment son engagement accomplit le plus grand commandement, celui d'aimer Dieu (Mt 22.37), en réfléchissant lucidement et stratégiquement aux problèmes de contrôle des épidémies, en prenant soin avec compassion des patients, et en encourageant les gens à faire confiance en Dieu. « La foi en Christ me donne du courage et m'apporte une ancre de rationalité ». «Dieu nous a donné non pas un esprit de crainte mais un esprit d'amour, de force, et d’intelligence saine qu'il attend de nous que nous utilisions ! ».

Révisé par Léo Lehmann

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Books

CT en français: Le Coronavirus et l’Église

Que dit la Bible sur le COVID-19? Comment les chrétiens et les Églises devraient-ils y répondre? Lisez ici pour en savoir plus.

Christianity Today April 29, 2020
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Ezra Acayan / Stringer / Mario Tama / Staff / Getty Images / Nagesh Badu / Unsplash

Ceci est une série d’articles de CT, traduits en français, sur le Coronavirus et le rôle de l’Église pour faire face à ce défi:

Que pensez-vous de la qualité de ces traductions? Souhaiteriez-vous que CT en propose davantage? Seriez-vous intéressé d'améliorer leur qualité et leur nombre? Veuillez faire vos remarques ici.

Books

Survivre au COVID-19 en Espagne a changé ma foi

Six leçons pour les Églises par le Président de l’Alliance évangélique espagnole.

Christianity Today April 24, 2020
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Courtesy of Iglesia Buenas Noticias Lugo / Wikimedia Commons/ De an Sun / Unsplash

L'Espagne traverse la pire crise dont nous nous souvenions depuis que notre pays est devenu une démocratie moderne, il y a 40 ans. Le nouveau coronavirus a tué plus de 22 000 personnes et infecté au moins 220 000 personnes.

Nos congrégations évangéliques n'ont pas été épargnées par cette pandémie, et je fais partie de ceux qui ont été hospitalisés à cause du COVID-19.

Je suis le pasteur d'une Église de 350 personnes dans une petite ville sur la côte atlantique. Je suis également leader national de ma confession et président de l'Alliance évangélique espagnole. Mais j'ai été arrêté dans ma trajectoire après avoir été infecté.

Après 21 jours de lutte contre la maladie à la maison et à l'hôpital, j'ai reçu un congé médical. J'étais reconnaissant et plein de joie. J'étais également très conscient que d'autres, encore plus jeunes et en meilleure santé que moi, avaient perdu la vie.

En tant que pays, nous continuons à souffrir alors même que nous nous dirigeons vers un avenir incertain. Dans ma propre famille, les gens luttent toujours contre le virus, y compris ma femme et ma belle-mère. Mais voici six leçons basées sur notre expérience, à ce jour, en Espagne alors que nous nous efforçons d'aimer de la bonne façon Dieu et notre prochain dans le cadre de cette pandémie.

1. Souvenons-nous que nous ne sommes pas invincibles.

Cette première conclusion est pour ceux qui, comme moi, sont dans le leadership chrétien. La leçon évidente que j'ai tirée alors que je récupérais, était de me rappeler que je ne suis pas surhumain. En tant que pasteurs, nous vivons dans le même monde que tout le monde, avec les mêmes conflits et les mêmes risques. Nous sommes aussi vulnérables – et c'est précisément ce qui nous qualifie pour le leadership.

Le leadership de ceux qui semblent étrangers à la souffrance ne produira jamais de disciples mais seulement des admirateurs. Mon temps de souffrance et de lutte contre la maladie m'a rappelé, une fois de plus, que le Père a déjà envoyé un Sauveur – et que ce n'est pas moi.

Tomber malade m'a montré tout à nouveau l'importance d'appartenir à une communauté. Lorsque les gens ont appris mon infection, il y a eu une réaction immédiate de prière dans mon Église locale, dans des Églises à travers l'Espagne et même dans d'autres parties du monde. Des amis et des gens que je n'avais pas rencontrés auparavant m'ont envoyé des messages de soutien et des prières de foi et d'amour. Tout cela a représenté une grande dose d'encouragement dans mes heures les plus difficiles.

Dans ces circonstances, j'ai pu confirmer la vérité de la Parole que nous sommes un corps – un seul corps. Nous avons une foi commune et nous formons une véritable famille. Tout cela ne représente pas quelque chose d'abstrait sur un papier ou une théorie que nous verrons un jour se réaliser dans le futur, mais une réalité palpable dès à présent. C'est ce qui soutient ceux d'entre nous qui souffrent.

2. Réexaminons nos propres vies.

Lorsque vous êtes impliqué dans une Église qui grandit en nombre, avec des projets sociaux, l'implantation d'Églises, etc., et qu'une maladie inattendue survient, elle s'impose sous forme d'une pause soudaine et indésirable qui interrompt beaucoup de choses.

Au départ, c'est un choc, puis viennent les phases de colère, de négociation et enfin celle de l'acceptation. La maladie entraîne un processus personnel qui, si tout se passe bien, peut durer des heures, voire des jours.

Au début, j'avais des doutes sur le but de ma souffrance au travers du COVID-19. Mais après avoir accepté ma situation, j'ai acquis deux convictions.

La première consistait à me rappeler la façon dont Dieu s'est soucié de moi et dont il continue à se soucier de moi. À l'époque où j'étais gravement malade, j'ai dû considérer la mort comme une réalité possible. Comment évaluerais-je ma vie? Dans le domaine du ministère et de la profession, j'étais en paix. J'avais fait ce que j'avais pu faire dans le temps que Dieu m'avait donné. Mais le chagrin est apparu en pensant à mes enfants. Serais-je capable de voir comment ils atteindraient leurs propres rêves et objectifs? Cependant même ainsi, j'étais habité par la paix tranquille de savoir que Dieu prendrait soin de ma femme et de mes fils, si je mourais.

La deuxième conviction était qu'il me fallait m'identifier à la douleur de toutes ces personnes qui vivaient les mêmes souffrances. Ce que la maladie peut apporter à votre âme est inestimable, si vous êtes prêt à laisser Dieu agrandir votre cœur dans le processus. Je crois fermement que Dieu est assez puissant pour me guérir, tout comme il est assez puissant pour me sauver. Et je ne crois pas que la maladie soit une punition envoyée par Dieu. Mais en attendant dans la foi sa guérison – directement ou par des moyens médicaux – je pouvais mieux comprendre ce que d'autres souffraient également. Je pouvais sympathiser avec eux, et j'ai réalisé que Dieu continuait d'être Seigneur, peu importe ce qui allait m'arriver.

3. Ne jouons pas avec les théologies triomphalistes.

Si ma plateforme peut être utilisée pour quelque chose, j'espère que c'est au moins pour demander à nos frères et sœurs chrétiens des Amériques de tirer des leçons de nos erreurs en Europe. Malheureusement, les États-Unis vivent déjà la réalité de cette pandémie, et j'espère que nos pays bien-aimés d'Amérique latine maintiendront et développerons les mesures qui ont déjà été mises en place.

Nous avons vu la crise en Chine et nous nous sommes dit: «C'est en Chine; c'est loin », et nous ne nous sommes pas préparés. Ensuite, c'était en Italie et nous nous sommes dit: «C'est en Italie; cela ne viendra pas en Espagne. ” En fait, certains fans de football se sont même rendus dans la zone la plus infectée de la nation voisine pour assister à un match de Ligue des champions. (La compétition a ensuite été suspendue et n'a plus de pertinence.)

Quelques jours plus tard, le COVID-19 a atterri à Madrid, et ceux d'entre nous qui vivent dans d'autres parties de l'Espagne ont de nouveau déclaré: «C'est dans la capitale; ici, nous sommes en sécurité », et nous n'avons pas été prudents. Enfin, il est arrivé dans notre ville et parmi nos propres familles. Nous avons été lents à réagir et nous en avons payé les conséquences désastreuses. S'il vous plaît, apprenez de nos erreurs et prenez cette pandémie très au sérieux.

Les Églises ont un rôle fondamental à jouer pour répondre avec sagesse à cette crise. Le problème auquel nous sommes confrontés est celui d'une théologie indigente qui enseigne la prudence et souhaite éviter les conflits avec la foi – une théologie triomphaliste qui prétend que nous sommes immunisés contre le virus à cause de notre foi. De cela découle des idées telles que les chrétiens n'ont pas à obéir aux directives des Autorités, car Dieu les protégera. C'est une grave erreur, et cela aura des conséquences désastreuses. Les pasteurs qui prêchent de telles choses devront rendre compte à Dieu et aux hommes de leurs enseignements.

4. Accompagnons ceux qui pleurent.

En Espagne, nous avons vu des centaines de centres de santé submergés par ce que le personnel médical et militaire décrit comme un «environnement de guerre». Des médecins et des infirmières chrétiens nous ont raconté comment ils avaient pleuré en rentrant chez eux après de longues journées de travail. Il n'y a pas assez de personnel, pas assez d'équipement de protection, pas assez de lits de soins intensifs, et bien plus encore. Et ils sont conscients de l'impact émotionnel grave que cette pandémie aura sur notre société dans les années à venir.

Dans nos Églises, nous avons également dû dire au revoir à la hâte à de nombreux croyants. La plupart de ceux qui sont partis dans la gloire au cours des dernières semaines, étaient des parents et des grands-parents d'une génération qui s'est battue pour bâtir nos communautés évangéliques. Beaucoup sont morts seuls dans une chambre d'hôpital, disant au revoir à leurs proches par téléphone. Bien que nous ayons un espoir commun qui va au-delà de la mort, la façon dont ils nous ont laissés laisse encore des blessures.

Nous devons réapprendre à accompagner les gens dans leur processus de deuil, qu'il s'agisse de chrétiens ou d'autres personnes. Les autorités sanitaires demandent aux familles d'autoriser l'incinération de leurs proches. Un appel téléphonique donne des instructions sur la façon de ramasser les cendres et d'établir le rapport de décès. C'est comme si les victimes du COVID-19 venaient tout juste de disparaître de nos vies.

Beaucoup de ceux qui n'ont pas été autorisés à être avec leurs proches dans leurs derniers moments devront faire face à des sentiments de culpabilité et de colère. Des dizaines de milliers de personnes ne verront jamais le corps de leurs proches, pas même le cercueil. Les familles ne pourront pas concrétiser leur perte – leur absence – sous une forme tangible.

Comment exprimer le deuil sans rite funéraire ni cérémonie? Nous devons préparer les gens à apprendre à exprimer leur chagrin à distance. Notre alliance évangélique travaille déjà sur un guide de deuil pour ces temps étranges.

5. Revenons à l'essentiel, en commençant par la communauté.

Les activités qui rassemblent les gens dans des espaces physiques ont été interdites à travers l'Europe, et il n'y a pas de calendrier précis du moment où les gouvernements autoriseront les lieux de culte à reprendre leurs activités.

Cela met à l'épreuve notre façon d'être l'Église. Les Églises qui avaient déjà une bonne structure pour les petits groupes arriveront à mieux préserver le sens de la communauté – ainsi que la pastorale et le travail missionnaire – en cette période de crise. Et, bien sûr, les technologies et les systèmes de communication disponibles sur Internet sont une bénédiction.

Mais les dirigeants chrétiens doivent utiliser cette crise pour repenser l'Église d'un point de vue communautaire. Le centre n'est pas le culte ou le rassemblement du dimanche, mais le Christ. Une fois cette crise terminée, il sera important de revenir à une structure cellulaire pour l'Église qui mette l'accent sur l'engagement personnel et met fin au consumérisme religieux des dernières décennies.

Les priorités qui émergent maintenant sont claires. Premièrement, selon les paroles de Galates 6:10, nous devons «faire du bien à tous, en particulier à ceux qui appartiennent à la famille des croyants». Nous devons être très vigilants pour nous assurer qu'aucun frère ou aucune sœur ne souffre financièrement, émotionnellement ou socialement. Après cela, nous devrions également étendre cette préoccupation aux quartiers et aux villes dans lesquels nous vivons.

C'est aussi le moment de maintenir notre travail pastoral dans tous les domaines, y compris la garde des enfants, des jeunes, des mariages et de notre culte commun. Dans notre Église locale, nous avons célébré le dimanche de Pâques à distance avec #santacenaibnlugo: Nous avons tous participé à la Cène du Seigneur dans nos maisons et avons partagé des photos en utilisant ce hashtag.

Nous avons toujours prêché qu'une Église n'est pas un bâtiment ou un lieu mais un peuple. Le COVID-19 sera le creuset qui nous permettra de tester cette affirmation, notre théologie et nos structures ecclésiastiques.

6. Soyons plus que jamais des Églises vivantes et actives.

Nous vivons dans un monde brisé qui a besoin de chrétiens qui acceptent l'appel à être la lumière du monde et le sel de la terre. C'est ainsi que, grâce à notre témoignage, beaucoup pourront rendre gloire à Dieu.

Permettez-moi de terminer avec un exemple de l'Église que je dirige. La nôtre n'est pas une très grande congrégation, et nous sommes dans une ville rurale d'environ 100 000 habitants. Nous pourrions penser que nous sommes faibles et petits face à cette pandémie. Par ailleurs, la crise a également considérablement réduit les revenus financiers de notre Église.

Néanmoins, nous avons pu augmenter notre aide sociale pour atténuer les effets de la crise chez les familles voisines. Nous essayons d'appliquer Matthieu 5:16, qui dit: «Que votre lumière brille devant les autres, afin qu'ils voient vos bonnes actions et glorifient votre Père céleste.»

Dans notre cas, cela a signifié l'élaboration d'un plan d'action à trois volets. Le premier est l'aide d'urgence, fournissant une aide financière aux familles les plus vulnérables. Le second est un programme de distribution de nourriture. Nous livrons 3 tonnes de produits frais tous les 15 jours et livrerons 72 tonnes de denrées non périssables dans les jours à venir. Grâce à notre réseau construit au cours de ces dernières années, nous atteignons maintenant 900 familles – soit environ 3 000 personnes – avec cette aide.

Le troisième volet est une nouvelle ligne de ministère que nous avons commencée concernant les fournitures de santé. Cela est possible grâce à neuf membres de notre Église locale qui cousent des robes d'hôpital, des couvre-chaussures et des casquettes. Ils le font avec une matière première facile à trouver: des sacs en plastique.

Nous en avons déjà donné une partie aux centres de santé et aux maisons de repos, où ils étaient indispensables. La réaction dans les médias locaux a été importante dès le début, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de commandes. Le personnel médical et les infirmières ont exprimé leur gratitude et leurs félicitations pour la qualité du travail. Nous prévoyons de fabriquer plus de 2 000 exemplaires respectivement de robes, casquettes et couvre-chaussures au cours des prochaines semaines.

Nous mettrons fin à ce programme lorsque les ressources promises par le gouvernement arriveront à ces endroits. Mais en attendant, nous continuerons de servir la communauté dans laquelle nous vivons.

Il est vrai que nous sommes confinés – mais le Saint-Esprit n'est pas confiné. Et en tant que chrétiens, nous continuons à faire partie de la vie de la société qui nous entoure au milieu de cette crise. Il est temps de montrer que «l'Église est vivante et active». Cette devise de notre Église gardera nos membres concentrés sur leurs devoirs dans les semaines à venir. Je prie pour que cela puisse aussi inspirer votre Église.

Marcos Zapata est pasteur de Iglesia Buenas Noticias (Église de la Bonne Nouvelle) à Lugo, en Espagne, et est Président de l'Alliance évangélique espagnole.

Traduit par Jean-Paul Rempp

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Ideas

Aplatissons la courbe, mais restons une « religion pour les malades »

Les médecins réfléchissent théologiquement à trois contributions chrétiennes uniques pour faire face au COVID-19.

Christianity Today April 23, 2020
Illustration by Mallory Rentsch / Source Images: Trent Szmolnik / KTMD Entertainment / Unsplash / Mallika Wiriyathitipirn / EyeEm / Xesai / Getty Images

Le mois passée, la couronne épineuse du COVID-19 a capté l'attention du monde entier. Il est rare de vivre un malaise mondial répandu à une telle échelle,un malaise pendant lequel nous nous retrouvons tous à vivre la même chose. D'une certaine manière, le bruit de la vie moderne a été évincé par ce que CS Lewis a appelé «le mégaphone de Dieu»: la douleur.

Les patients meurent. Les gens ont peur. Et nous nous retrouvons coincés entre une désinvolture arrogante («Le coronavirus n'est qu'une autre grippe») et une terrible paranoïa («Nous sommes au bord de l'effondrement financier»). À la suite de l'épisode, ce podcast «Italian COVID19 Experience», dans lequel des intensivistes pédiatriques américains et australiens ont parlé franchement avec des spécialistes des soins intensifs des ICUs en Italie, chacune de nos institutions nous prépare pour les prochaines semaines avec un sérieux unique … même pour ceux d'entre nous, médecins, qui sont familiers avec la souffrance, le triage et l'incertitude.

C'est bien d'avoir peur, nous aussi avons peur. Cependant, en tant que chrétiens travaillant à l'intérieur et à l'extérieur de l'espace des soins de santé, c'est un moment où notre réponse pourrait nous distinguer en tant que peuple qui pratique ce qui était autrefois appelé par les premiers païens «une religion pour les malades».

À cette fin, nous voulons partager certaines de nos expériences de la pandémie du COVID-19 en tant que médecins résidents et stagiaires – et en tant que boursiers de la Theology, Medicine, and Culture Fellowship à Duke Divinity School, qui rassemble des stagiaires en médecine, des théologiens et des pasteurs qui doivent réfléchir théologiquement aux premières avancées des soins sanitaires – afin de mettre en évidence les contributions chrétiennes uniques de la repentance, de l'hospitalité et de la lamentation dans le cadre des préparatifs nécessaires pour lutter contre le nouveau coronavirus.

La repentance contre l'idolâtrie de la santé

La santé est un bien reconnu dans notre société, et pour cause. Le prophète Jérémie a parlé de la promesse de Dieu d'accorder la santé et de guérir les blessures. Dans l'Ecclésiaste, on nous dit de nous réjouir de la santé de nos jeunes. L'apôtre Jean a prié pour la santé de ses lecteurs.

Bien que la santé soit un bien à poursuivre et à maintenir, nous discernons que nous avons transformé un «bien» en un «dieu». En effet, si le coronavirus est nouveau, il ne représente pas une nouvelle peur. Il révèle simplement l'idole calme et bien nourrie que constitue la santé de notre corps ainsi que notre confiance dans la capacité de nos institutions médicales à nous sauver. L'Occident sent que l'une de ses plus grandes idoles commence à s'ébranler.

Le théologien orthodoxe Jean-Claude Larchet va jusqu'à affirmer que les cliniciens constituent une «nouvelle classe sacerdotale» de cette idole, dans laquelle les médecins et autres agents de santé dispensent un nouveau «salut de la santé» aux fidèles dévoués. Dans A Theology of Illness, il écrit que la médecine moderne «encourage les patients à considérer que leur état et leur sort sont entièrement entre les mains du médecin… et que la seule façon de supporter leur souffrance est de se tourner passivement vers la médecine pour tout espoir de soulagement ou de guérison."

L'hystérie entourant le nouveau coronavirus et notre obsession «d' aplatir la courbe » démasquent une croyance profondément ancrée selon laquelle la mort de chacun d'entre nous serait à la fois une occasion extraordinaire et, en même temps, un échec des efforts de notre société pour nous protéger. Il ne faut donc pas s'étonner que dans un effort pour contrer notre anxiété, nous employions le langage du contrôle médical: «la morbidité et la mortalité des personnes relativement jeunes et en bonne santé sont faibles».

Et pourtant, c'est précisément à la population opposée – les personnes relativement âgées et malades – que les chrétiens sont appelés à accorder la plus grande attention. Le Psaume 82 et Romains 15 montrent clairement que l'adoration de notre propre bien-être néglige notre appel à l'égard des faibles faibles – ceux auxquels Christ s'identifie à plusieurs reprises tout au long du Nouveau Testament. C'est l'orgueil médical qui nous dit que 99% de notre population survivra probablement au coronavirus. Mais c'est l'amour du berger qui demande, sans vergogne, "Qu'en est-il du 1 pour cent?"

L'hospitalité contre la distance sociale

L'historien Gary Ferngren souligne dans Médecine et soins de santé au début du christianisme que les seuls soins prodigués aux malades lors d'une épidémie de variole en 312 après JC l'étaient par des chrétiens. L'Eglise a même engagé des fossoyeurs pour enterrer ceux qui étaient morts dans les rues.

Quelque chose que nous avons rapidement oublié, à l'ère des antiviraux et des équipements de protection individuelle, c'est la crainte absolue que la possibilité d'une maladie comme celle-ci instille chez les autres. Si vous interagissiez avec une personne atteinte de peste en 1350 ou avec la grippe espagnole en 1918, il y avait une réelle possibilité que vous l'attrapiez et que vous mourriez. La prière: «et si je meurs avant de me réveiller, je prie le Seigneur qu'il prenne mon âme» était un véritable appel, pas un trope nocturne.

Le nouveau coronavirus a ramené un peu de cette peur dans notre vie quotidienne. C'est une peur qui se manifeste dans les étagères balayées de masques et de fournitures de nettoyage dans les grands magasins et les hôpitaux et même dans la xénophobie et les crimes de haine contre certains individus à cause leur appartenance ethnique perçue par rapport à l'origine du COVID-19 en Chine. Cette peur s'exprime de façon évidente dans nos boîtes de réception remplies d'annulations et de protocoles toujours à jour.

Mais les chrétiens sont un peuple pour qui l'hospitalité envers la minorité et les personnes potentiellement infectées est une vertu centrale, qui sous-tend la tradition chrétienne et la pratique de la médecine moderne, que nous le sachions ou non. Nous oublions qu'il fut un temps où les gens ne s'occupaient pas inconditionnellement des malades simplement parce qu'ils étaient malades. En effet, le mot hospitalité (d'où nous obtenons l' hôpital ), vient du latin hospes signifiant «hôte» ou «invité». Le premier prototype de l'hôpital est né de monastères médiévaux dans lesquels des religieuses ou des moines catholiques hébergeaient des étrangers ayant besoin de logement et de nourriture. Ces institutions médiévales étaient centrées sur la conviction que servir l'étranger souffrant, c'était servir le Christ lui-même. Cette métaphore du cliché de l'Eglise – «un hôpital pour les pécheurs» – a connu un nouvel approfondissement.

C'est pour cette raison que le terme désormais familier de « distanciation sociale » – l'effort conscient pour réduire les contacts interpersonnels afin de prévenir la transmission virale – a amené les chrétiens à se demander quoi faire. Si l'on fait référence à la tradition, de longue date, du christianisme, eu égard à la communion et à l'attention portée aux exclus, nous devons nous attendre à ressentir un malaise avec l'idée d'éviter intentionnellement ceux qui en ont besoin.

Et tandis que le discours sur la quarantaine est certainement troublant, nous pouvons nous rappeler qu'il est courant depuis un certain temps de séquestrer les malades. En effet, nous isolons déjà les mourants dans les hôpitaux et les déplaçons souvent de façon permanente dans les maisons de retraite. Nous vivons au milieu d'une épidémie de solitude qui mène déjà à des effets néfastes sur la santé. Lorsque de véritables maladies mettant la vie en danger surviennent, nous ne devrions donc pas être surpris de ne pas savoir quoi faire. Nous n'avons pas eu l'habitude de pratiquer cela . Nous n'avons pas élevé nos enfants autour d'une telle situation. Notre culture est une culture qui traite la mort et la souffrance physique comme des exceptions à ignorer plutôt que comme des éventualités auxquelles il faut se préparer. L'éthicien et théologien Stanley Hauerwas l'exprime ainsi:

L'hôpital est, après tout, avant tout une maison d'hospitalité tout au long de notre voyage avec la finitude. C'est notre signe, à nous, que nous n'abandonnerons pas ceux qui sont tombés malades. … Si l'hôpital, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, ne devient qu'un moyen d'isoler les malades du reste d'entre nous, alors nous avons trahi son objectif central et déformé notre société hospitalière et nous-mêmes.

Le poète métaphysique John Donne a écrit: "Comme la maladie est la plus grande misère, la plus grande misère de la maladie est la solitude." Quelles que soient les pratiques de quarantaine sociale que nous entreprendrons, nous ferions bien de nous rappeler que notre ère d'isolement restera une fois que cette pratique de «distanciation sociale» aura disparu. Peut-être que cette pandémie est une chance de nous réveiller à la réalité que nous avons été entourés de malades isolés bien avant que le nouveau coronavirus ne nous trouve chez nous.

En même temps, l'éloignement social est quelque chose que l'Eglise peut accomplir charitablement et courageusement. C'est un devoir littéralement corporel («corporel») que nous avons la possibilité d'accomplir par amour pour protéger les plus vulnérables d'entre nous – devoir auquel nous associons, avec sagesse pratique et humilité, la science des maladies infectieuses.

Nous arriverons à être créatifs dans notre façon de tendre la main et de pratiquer «l'accompagnement social» à l'égard de ceux qui sont déjà enclins à l'isolement social: les personnes âgées, les infirmes et les handicapés. Nous pourrions apporter la Cène aux malades dans des vêtements de protection, appeler les personnes dans les maisons de retraite (qui deviendront de plus en plus isolées car les visites seront limitées à ces communautés) et écrire des lettres de prière.

Lamentation contre anxiété

Alors que le monde déplore l'annulation d'événements sportifs ou l'arrêt de l'économie (toutes choses appropriées pour être découragé), le christianisme reconnaît que le nouveau coronavirus et notre réponse par l'éloignement social font de l'Eglise quelque chose de moindre que la plénitude qu'elle devrait présenter. Si l'éloignement social est quelque chose que nous devons faire, nous ne devrions pas le faire sans psaumes de lamentation.

Et la complainte deviendra de plus en plus importante dans les semaines à venir. Les travailleurs médicaux en Italie (peut-être le système de soins de santé le plus similaire de celui d'Amérique du Nord) ont considérablement limité les interactions familiales avec les malades dans les soins intensifs. La plupart des familles ne peuvent pas voir les corps de leurs proches après leur mort. Comme nous l'avons appris par nos collègues intensivistes italiens, nous pouvons, nous aussi, nous trouver incapables de faire ce qui est le mieux pour chaque patient, car nous devons trouver l'équilibre le meilleur possible pour l'ensemble de la communauté – ce qui ne peut que troubler grandement ceux d'entre nous qui sommes médecins, et donc habitués à pouvoir faire tout ce qui est possible. Tout cela peut potentiellement conduire à un grand chagrin et à l'épuisement.

Il est étrange que nous ayons été dans la saison du Carême. Peut-être aurions-nous dû regarder le dimanche de Pâques avec un nouvel espoir, non seulement de tombes ouvertes mais de cathédrales réouvertes. La Semaine Sainte à l'époque du COVID-19 – au cours de laquelle nous nous sommes souvenus de la souffrance du roi sur le chemin du Golgotha – prendra certainement un nouveau sens.

En effet, il est intéressant de noter que le coronavirus tire son nom d'un anneau de protéines enrichi à sa surface qui ressemble à une couronne, d'où le titre de «corona». À bien des égards, le coronavirus révèle les têtes couronnées que nous adorons déjà: la santé, l'autoprotection et la médecine. Notre attention globale et soutenue au COVID-19 manifeste ce que nous recherchons par anxiété, contrôle et peur.

Bien sûr, nous savons que Jésus portait une couronne différente – une couronne qui nous appelle à adorer non pas par anxiété, ou par contrôle, mais par un amour qui chasse toute peur. Cette couronne ne rend certes pas ce moment de coronavirus moins grave, mais elle nous dit où jeter nos angoisses, qui réconforter et de quelle couronne épineuse se souvenir.

Brewer Eberly est un médecin résident de première année en médecine familiale au AnMed Health Medical Center, un système hospitalier communautaire à Anderson, en Caroline du Sud.

Ben Frush est médecin résident de deuxième année en médecine interne et en pédiatrie au centre médical universitaire de Vanderbilt et à l'hôpital pour enfants Monroe Carrell Jr. de Vanderbilt, un système hospitalier universitaire à fort volume à Nashville.

Emmy Yang est étudiante en quatrième année de médecine à l'École de médecine Icahn du mont Sinaï.

Chacun est membre de la bourse de théologie, médecine et culture de la Duke Divinity School. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement les opinions ou les politiques des institutions qu'ils représentent.

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Books

20 prières pour prier pendant cette pandémie

Alors que le COVID-19 suscite une crise dans le monde entier, il nous met également à genoux.

Christianity Today April 10, 2020
Illustration by Rick Szuecs / Source images: Diana Simumpande / Unsplash / The New York Public Library

Ces derniers jours, alors que le COVID-19 a été déclaré pandémie mondiale et que les pays ont pris des mesures urgentes pour endiguer la propagation de l'infection, j'aimerais pouvoir dire que mon premier mouvement a été de prier. Il est probablement plus honnête de dire que j'ai actualisé de manière obsessionnelle mes flux.

La crise est urgente et je me sens impuissante. Mais se sentir petit est, peut-être, le meilleur rappel pour prier. La prière est la façon dont nous manifestons pratiquement la foi, en toute simplicité et avec une telle confiance, que Dieu a le monde entier entre ses mains. C'est là que nous «laissons les supplications et les louanges transformer nos inquiétudes en prières, laissant Dieu connaître nos préoccupations» (Phil. 4: 6-7, Le message). La prière n'est jamais le dernier recours du peuple de Dieu. C'est notre premier point d'action.

Dans cet esprit, j'ai dressé une liste de 20 prières à prier pendant cette pandémie. Chacune répond aux besoins spécifiques d'une communauté spécifique. J'ai la chance de faire partie d'une Eglise avec de nombreux professionnels de la santé, dont certains m'ont donné des conseils sur la meilleure façon de prier pour eux en ce moment. J'ai inclus leurs réponses ici. J'ai également essayé de réfléchir de manière plus large à la façon dont nous autres sommes touchés par la crise actuelle.

Cette liste n'est pas exhaustive, bien sûr, mais c'est un bon point de départ. J'espère que cela pourra nous fournir des mots alors que nous prions collectivement (sinon virtuellement!) en tant que corps d'Eglise. Nous croyons qu’il y a un Dieu qui tend l'oreille pour écouter, et nous prions donc:

1. Pour les malades et les infectés: Dieu, guéris et aide. Soutiens les corps et les esprits. Contiens la propagation de l'infection.

2. Pour nos populations vulnérables: Dieu, protège nos personnes âgées et celles qui souffrent de maladies chroniques. Pourvoie aux besoins des pauvres, en particulier les personnes non assurées.

3. Pour les jeunes et les forts: Dieu, donne leur la prudence nécessaire pour les empêcher de propager involontairement cette maladie. Demande leur de les aider.

4. Pour nos gouvernements locaux, étatiques et fédéraux: Dieu, aide nos élus alors qu'ils allouent les ressources nécessaires pour combattre cette pandémie. Aide les à fournir plus de tests.

5. Pour notre communauté scientifique, chargée de mener à bien la compréhension de la maladie et de communiquer sa gravité: Dieu, donne leur la connaissance, la sagesse et une voix persuasive.

6. Pour les médias qui se sont engagés à fournir des informations à jour: Dieu, aide les à communiquer avec le sérieux approprié sans provoquer de panique.

7. Pour les consommateurs de médias qui cherchent à être bien informés: Dieu, aide nous à trouver les informations locales les plus utiles pour nous préparer à être de bons voisins. Garde nous de l'anxiété et de la panique, et permets nous de mettre en œuvre les stratégies recommandées, même à nos dépens.

8. Pour ceux qui ont des problèmes de santé mentale et qui se sentent isolés, anxieux et impuissants: Dieu, apporte leur tout le soutien nécessaire.

9. Pour les sans-abri, incapables de pratiquer les protocoles de distanciation sociale dans le système d'abris: Protége les des maladies et pourvoie à des abris d'isolement dans chaque ville.

10. Pour les voyageurs internationaux coincés dans des pays étrangers: Dieu, aide les à rentrer chez eux en toute sécurité et rapidement.

11. Pour les missionnaires chrétiens du monde entier, en particulier dans les régions où le taux d'infection est élevé: Dieu, donne leur des paroles d'espérance et prépare les à aimer et à servir ceux qui les entourent.

12. Pour les travailleurs de diverses industries confrontés à des licenciements et à des difficultés financières: Dieu, garde les de la panique et inspire ton Eglise afin qu’elle puisse les soutenir généreusement.

13. Pour les familles avec de jeunes enfants à la maison dans un avenir prévisible: Dieu, aide les mères et les pères à s'associer de manière créative pour les soins et l'épanouissement de leurs enfants. Pour les mères célibataires et les pères, développe leurs réseaux de soutien.

14. Pour les parents qui ne peuvent pas rester à la maison, mais doivent trouver des personnes qui prennent soin de leurs enfants: Dieu, présente leur des solutions créatives.

15. Pour ceux qui ont besoin de thérapies et de traitements réguliers qui doivent à présent être reportés: Dieu, aide les à rester patients et positifs.

16. Pour les chefs d'entreprise qui prennent des décisions difficiles qui affectent la vie de leurs employés: Dieu, donne à ces femmes et à ces hommes la sagesse, et aide les à se conduire de façon sacrificielle.

17. Pour les pasteurs et les dirigeants d'Eglise confrontés aux défis de l'éloignement social: Dieu, aide les à imaginer de manière créative comment prendre soin de leurs fidèles et comment bien aimer leurs villes.

18. Pour les étudiants des collèges et universités, dont les filières changent, dont les stages sont annulés, dont le diplôme est incertain: Dieu, montre leur que si la vie est incertaine, leur confiance est en toi.

19. Pour les chrétiens de tous les quartiers, communautés et villes: que ton Saint-Esprit nous inspire à prier, à donner, à aimer, à servir et à proclamer l'Évangile, afin que le nom de Jésus-Christ soit glorifié dans le monde entier.

20. Pour les agents de santé de première ligne, nous te remercions de leur appel professionnel à nous servir. Nous prions également:

  • Dieu, garde les en sécurité et en bonne santé. Garde leurs familles en sécurité et en bonne santé.
  • Dieu, aide les à connaître le diagnostic et le traitement de cette maladie, ainsi que l'évolution des protocoles.
  • Dieu, aide les à rester lucides au milieu de la panique environnante.
  • Dieu, délivre les de l'anxiété pour leurs proches (parents vieillissants, enfants, conjoints, colocataires).
  • Dieu, donne leur de la compassion pour chaque patient dont ils s'occupent.
  • Dieu, pourvois à leurs besoins financiers, surtout s'ils tombent malades et sont incapables de travailler.
  • Dieu, aide les chrétiens auxquels on prodigue des soins médicaux à faire preuve d'une paix extraordinaire, afin que beaucoup s’interrogent sur la raison de leur espérance. Donne leur l'occasion de proclamer l'Évangile.

Dieu, nous croyons que tu es bon et que tu fais le bien. Apprends nous à être ton peuple fidèle en cette période de crise mondiale. Aide nous à suivre les traces de notre fidèle berger, Jésus, qui a donné sa vie par amour. Glorifie son nom en nous dotant de tout le nécessaire pour faire ta volonté. Amen.

Jen Pollock Michel est l’auteur de Teach Us to Want, Keeping Place, and Surprised by Paradox. Elle vit avec son mari et leurs cinq enfants à Toronto. Cet article a été adapté de son récent blog.

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Ideas

Martin Luther et le coronavirus

Est-il juste de fuir devant une épidémie ? Les réflexions du réformateur allemand sur la peste pourraient inspirer les chrétiens en Chine et partout où le virus se propage.

Christianity Today March 15, 2020
Mallory Rentsch / Source Image: Betsy Joles / Stringer / Getty Images

Depuis son épicentre à Wuhan, en Chine, l’actuelle épidémie de coronavirus alimente la peur et perturbe voyages et affaires dans le monde entier. Plus de 3 200 personnes sont mortes du virus rien qu’en Chine, et plus de 168 000 sont infectées dans 120 pays, des chiffres qui dépassent ceux de l’épidémie de SRAS de 2003.

Les habitants de Wuhan, grande ville de Chine centrale d’une taille comparable à celle de Londres, ont été mis en quarantaine par le gouvernement et les activités publiques sont au point mort, y compris les célébrations du Nouvel An chinois (qui ont commencé le 25 janvier). Les chrétiens chinois, à Wuhan et dans tout le pays, ont été placés devant des décisions difficiles : comme des millions de Chinois, fallait-il rentrer pour rendre visite à la famille (comme il est d’usage pendant la période des vacances lunaires), fuir le continent ou encore se rassembler pour les rencontres du dimanche ?

Mais est-il juste pour les disciples de Jésus de fuir une épidémie alors que des gens souffrent et meurent ?

Au 16e siècle, c’est la question que des chrétiens allemands posaient au théologien Martin Luther.

En 1527, moins de 200 ans après que la peste noire ait tué environ la moitié de la population européenne, le fléau réapparaît à Wittenberg, la ville de Luther, et dans les villes voisines. Dans sa lettre intitulée « Si l’on peut fuir devant la mort », le célèbre réformateur soupèse la responsabilité des citoyens ordinaires face à la contagion. Ses conseils peuvent servir de guide pratique pour les chrétiens confrontés aujourd’hui à des épidémies de maladies infectieuses.

Tout d’abord, Luther fait valoir que toute personne engagée dans une relation de service à l’égard d’une autre personne a la responsabilité professionnelle de ne pas fuir. Il écrit que ceux qui exercent le ministère pastoral « doivent rester fermes devant le péril de la mort ». Les malades et les mourants ont besoin d’un bon berger qui les fortifiera, les réconfortera et leur administrera les sacrements, de crainte qu’ils ne soient privés de l'Eucharistie avant leur mort. Les agents de l’État, notamment les maires et les juges, doivent maintenir l’ordre public. Les fonctionnaires, notamment les médecins et les officiers de police nommés par la ville, doivent continuer à exercer leurs fonctions professionnelles. Même les parents et les tuteurs ont de par leur fonction des devoirs envers leurs enfants.

Luther ne limitait pas les soins à prodiguer aux malades aux seuls professionnels de la santé. Dans un moment où Wuhan est confrontée à une pénurie de lits et de personnel hospitalier, ses conseils sont particulièrement pertinents. La ville, l’une des plus grandes de Chine, avec une population d'environ 11 millions d’habitants, est en train de construire rapidement deux nouveaux hôpitaux pour accueillir une foule croissante de patients atteints de coronavirus. Des citoyens non professionnels, sans aucune formation médicale, pourraient se retrouver dans la situation de devoir fournir des soins aux malades. Luther engage les chrétiens à considérer la possibilité de soigner les malades comme celle de soigner le Christ lui-même (cf. Mt 25.41-46). De l’amour pour Dieu découle la pratique concrète de l’amour du prochain.

Mais Luther n’encourage pas ses lecteurs à s’exposer imprudemment au danger. Sa lettre cherche constamment un équilibre entre deux biens concurrents : honorer le caractère sacré de sa propre vie, et honorer le caractère sacré de ceux qui sont dans le besoin. Luther explique clairement que Dieu a donné aux humains une tendance naturelle à l’autoprotection et leur fait confiance pour prendre soin de leur corps (Ép 5.29 ; 1 Co 12.21-26). « Nous avons tous », dit-il, « la responsabilité de repousser ce poison au mieux de nos capacités, car Dieu nous a ordonné de prendre soin de notre corps. » Luther justifie les mesures de santé publique telles que la mise en quarantaine et la recherche de soins médicaux lorsqu'ils sont disponibles. Luther avance même que ne pas le faire reviendrait à agir de manière imprudente. Tout comme Dieu a donné leur corps aux humains, il a aussi donné les remèdes que peut fournir le monde.

Qu’en est-il du chrétien qui désire quand même fuir ? Luther affirme que cela peut, en fait, être la réponse fidèle du croyant, à condition que son prochain ne soit pas en danger immédiat et qu’il pourvoie des remplaçants qui « veilleront sur les malades à [sa] place et les soigneront ». Il est intéressant de remarquer que Luther rappelle également à ses lecteurs que le salut ne dépend pas de ces bonnes œuvres. Il demande en définitive aux « chrétiens pieux […] de parvenir à leur propre conclusion et de prendre la décision » soit de fuir les fléaux soit de rester. Il est confiant qu’ils parviendront à une juste décision par la prière et la méditation des Écritures. La participation à l’aide apportée aux malades est une grâce et non une obligation.

Cependant, Luther lui-même n'avait pas peur. Malgré les exhortations de ses collègues de l’université, il resta sur place pour s’occuper des malades et des mourants. Il exhortait ses lecteurs à ne pas craindre « quelque petit bubon » dans leur service du prochain.

Bien que les enfants de Dieu soient confrontés à des souffrances terrestres, ceux qui proclament leur foi dans le Christ ont en partage une promesse céleste de libération de la maladie et de la souffrance. Dans une lettre ouverte appelant les chrétiens du monde entier à prier, un pasteur anonyme de Wuhan affirme que « la paix [du Christ] ne consiste pas à nous éloigner des catastrophes et de la mort, mais plutôt à rester en paix au sein des catastrophes et de la mort, parce que le Christ est déjà vainqueur de ces choses ». Tant Luther que ce pasteur de Wuhan disent la réalité de la souffrance, mais ils reconnaissent que la mort et la souffrance n'ont pas le dernier mot.

Cette semaine, mes grands-parents qui vivent en Chine m’ont fait savoir qu’ils allaient bien mais qu’ils vivaient « comme des rats » dans leur appartement et n’en sortaient que lorsque c’était nécessaire. Pour l’anecdote, dans le système astrologique chinois, 2020 est l’année du rat, l’animal qui a répandu les puces porteuses de la peste dans toute l’Europe au 14e siècle.

Mes grands-parents vivent à l’ouest de Wuhan, dans la province du Sichuan, où plus de 100 cas de coronavirus ont été confirmés. En ce moment, je ne peux m’empêcher de penser à eux et au reste de ma parenté qui vit en Chine. Alors que nous espérions leur envoyer des masques, désormais absents des rayons dans de nombreux magasins d’Asie, mes parents et moi avons découvert cette semaine que même les magasins américains sont en rupture de stock.

Dans ce climat de peur entourant l’épidémie, je reviens à la lettre de Luther pour me guider. En tant qu’étudiante en médecine et futur médecin, j’ai pris un engagement professionnel clair à soigner des malades, qu'ils soient atteints de coronavirus, de tuberculose ou de grippe. Des précautions, j’en prendrai bien sûr. Mais Luther me rappelle qu’il s’agit de personnes qui toutes méritent qu’on s’occupe d’elles.

« Quand t’avons-nous vu malade ? » demande le juste dans la parabole des brebis et des boucs. Jésus répond : « Dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, l’un de mes frères (ou sœurs), c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25.39-40). Quand le coronavirus touchera nos communautés, s’il vient jusque-là, quelle sera notre réponse fidèle ?

Emmy Yang est boursière en théologie, médecine et culture à la Duke Divinity School et étudiante en médecine à la Icahn School of Medicine à Mount Sinai, aux États Unis.

Traduit par Jean-Paul Rempp

Révisé par Léo Lehmann

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Ideas

Nous, le 1 pourcent des chrétiens, présentons nos excuses aux 99 autres pourcents

Vous n’existez pas pour aider les professionnels du ministère à accomplir le grand Mandat missionnaire. C’est nous qui existons pour vous aider à le faire.

Christianity Today January 21, 2020
Rick Szuecs / Source image: Lausanne Movement / Flickr

« Seront-ils prêts à l’entendre ? »

Assis en face d'un ami, Bill Pollard, je voyais sur son visage une expression empreinte d’espoir, mais aussi de quelques doutes. Je venais de partager avec lui le projet du Mouvement de Lausanne de réunir plus de 700 leaders chrétiens du monde des affaires, venant de plus de 100 pays un peu partout dans le monde.

C’était une vision que Bill approuvait : mobiliser les chrétiens pour qu’ils soient des instruments de Dieu sur leur lieu de travail afin que chaque sphère de la société puisse être touchée par le Royaume. Toutefois, il se demandait si certains responsables d’Église seraient prêts à croire à l'efficacité de ce type de ministère par le biais de responsables dits « laïcs ».

Ses interrogations reflètent une longue histoire au cours de laquelle le ministère chrétien a été considéré comme relevant de la responsabilité restreinte de « professionnels » tels que les pasteurs et les missionnaires. Des gens comme Bill ont contesté cette idée, cherchant à démontrer que chaque chrétien est appelé à se revêtir de l’habit sacerdotal.

Bill a été le directeur général de ServiceMaster qui, sous sa direction, a été reconnue par le magazine Fortune comme la première entreprise de services parmi les 500 entreprises du classement Fortune 500 et présentée par le Financial Times comme l'une des entreprises les plus respectées dans le monde. Pour Bill, son travail chez ServiceMaster était au service du Maître. Comme il le dit souvent : « Aucune entreprise n'a de valeur éternelle. Seule l'Église et les humains ont cette valeur ! ». Bill m'a raconté diverses histoires de personnes dont la vie a été marquée par l'amour fondé sur l’Évangile exprimé par lui et d'autres membres de son entreprise, jusqu'à Tokyo, au Japon.

Nous avons besoin de plus de gens comme Bill. Pour que cela se produise, il faut qu'il y ait un changement dans notre façon de considérer le travail et ce qu’il est convenu d’appeler le ministère : un retour au plan d’origine. Depuis ma position privilégiée de responsable à plein temps d’un ministère au sein d'un mouvement évangélique mondial, j'aimerais présenter des excuses à toutes celles et tous ceux qui liront ces lignes et qui ne sont pas des professionnels du ministère, et relever quatre choses que j'ai apprises sur la foi et le travail :

1. Vous n'existez pas pour soutenir notre ministère ; c’est nous qui existons pour soutenir le vôtre.

Je m'adresse à vous en tant que membre du 1% de chrétiens qui sont pasteurs et missionnaires dans l'Église. Le 1% de « professionnels » du ministère.

Et je veux me repentir.

Je veux me repentir, au nom de ce 1%, d’avoir considéré les 99% de l'Église qui ne sont pas professionnellement engagés dans le ministère comme n’existant que pour soutenir notre propre ministère. La réalité pour beaucoup de missionnaires et personnes impliquées dans le ministère comme moi, c'est que nous sommes effectivement soutenus financièrement par les 99%. Nous en sommes extrêmement reconnaissants : les missionnaires et les ministres de l’Évangile ne pourraient pas accomplir leur service sans la générosité biblique des 99%, mais cette générosité, ce ministère du don, n'est pas leur valeur ultime, ni leur seul ministère. Et j'avoue que j'oublie aussi trop facilement que les 99% ne peuvent pas non plus accomplir leur ministère sans notre soutien. Rien ne serait plus faux que d’oublier cela.

Éphésiens 4.11-13 dit que Dieu « a donné les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme annonciateurs de la bonne nouvelle, d’autres comme bergers et enseignants, afin de former les saints pour l'œuvre du ministère, pour la construction du corps du Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l'homme adulte, à la mesure de la stature parfaite du Christ ».

Dieu nous a donnés, nous le 1%, pour équiper les saints pour l’œuvre du ministère. Le 1% existe pour soutenir le ministère des 99%.

Pour paraphraser Martin Luther : « Nous ne sommes pas tous appelés à être pasteurs, mais nous sommes tous appelés à être prêtres ».

L'un des fruits les plus remarquables de la Réforme est la revendication de la doctrine biblique du sacerdoce de tous les croyants. Nous avons tous un accès direct et personnel à Dieu. Nous n'avons pas besoin de médiateur sacerdotal autre que le Christ seul.

Mais nous sommes tombés dans un autre type de cléricalisme : non pas pour le salut, croyant qu'il aurait besoin d'être médiatisé par un prêtre, mais pour le ministère, imaginant que celui-ci serait accompli exclusivement par ceux qui sont appelés à un ministère à plein temps, à direction de ceux qui ne le sont pas, plutôt que de voir qu’il s’effectue de tous vers tous.

Le 1% – pasteurs, évangélistes, missionnaires et autres – peut avoir une responsabilité professionnelle fondamentale pour l'évangélisation, le discipulat et la mission ; mais tout cela n'est pas uniquement de leur responsabilité.

En réalité, leur responsabilité première est de former, d’envoyer et de soutenir les 99% dans l’évangélisation, le discipulat et le travail missionnaire à travers le monde.

Si le ministère et la mission sont considérés comme le domaine des seuls pasteurs et missionnaires, il y a un problème.

2. Le Mandat missionnaire ne peut être accompli sans vous.

Le 1% de ceux qui sont pas professionnellement engagés dans le ministère ne portera jamais l’Évangile au monde entier. Le 1% ne peut pas faire des disciples de toutes les nations. Pourquoi ?

Tout d'abord, numériquement le 1 % ne suffira pas à cette tâche. Il n'y a qu'un missionnaire pour 150 000 Japonais. Il n'y a qu'un missionnaire pour 500 000 musulmans. Savez-vous combien de temps il faudrait pour communiquer l’Évangile à 500 000 personnes ? Vous comprenez maintenant pourquoi les missionnaires sont souvent si fatigués !

Ainsi, pour que l’Évangile parvienne au monde entier un élément important est l'envoi d'un plus grand nombre de missionnaires.

Je sais que des chrétiens merveilleux et bien intentionnés – même des pasteurs – ont parfois pu dire : « Nous sommes tous missionnaires ». Une partie de moi sourit quand j'entends cela, une autre partie pleure.

Parce que si nous souscrivons à l'idée que nous sommes tous missionnaires, et que nous pouvons simplement rester où nous sommes et partager l’Évangile avec les non-chrétiens que nous connaissons, les 3 milliards de personnes dans le monde qui ne connaissent pas personnellement un seul chrétien seront condamnées à leur perte.

Mais nous avons besoin de plus que d’une simple augmentation du nombre de missionnaires.

Des partenariats missionnaires mondiaux qui mobilisent le 1% et les 99% pour aller vers des personnes et des lieux avec peu ou pas de témoignage de l’Évangile ou de présence de communautés évangéliques, voilà le besoin stratégique de notre époque. C'est la seule façon d'accomplir le Mandat missionnaire. Toute l’Église doit collaborer. Nous devons travailler ensemble.

Il y a là un défi et une opportunité à saisir à l'échelle mondiale. Mais à l’échelle locale, cela signifie également que si nous comptons sur les pasteurs et les professionnels du ministère chrétien pour faire connaître l'Évangile, il ne touchera jamais la vie de nombreuses personnes et de nombreuses sphères de la société. La seule façon dont les gens de votre entreprise, de votre école, de votre quartier, de votre équipe sportive, de votre restaurant, de votre troupe de théâtre seront touchés par l’Évangile… c'est par vous.

Le Mouvement de Lausanne a comme vision : « Un impact pour le Royaume dans chaque sphère de la société ». Cela ne peut se faire qu'à travers ceux que Dieu a placés dans ces sphères de la société. Et ce n'est pas votre pasteur.

Tout chrétien, y compris les 99% qui ne sont pas dans un ministère chrétien professionnel, a un ministère.

3. Vous n'êtes peut-être pas ministre de l’Évangile ou missionnaire, mais vous avez un ministère.

Dieu vous a donné des dons spirituels pour accomplir ce ministère, et vous avez reçu l’Esprit Saint pour vous y conduire. Comme le dit 1 Corinthiens 12.7 : « A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l’utilité commune ».

Je pense que l’on peut dire que pour Luther le sacerdoce universel ne signifiait pas seulement « je n'ai plus besoin d'un prêtre », mais aussi « je peux maintenant servir tous et chacun. Et c’est bien ce que je suis appelé à faire ».

À vous de découvrir votre ministère. Quel ministère l'Esprit Saint veut-il accomplir à travers vous ?

Bill m'a un jour raconté une occasion incroyable qu’il a eue, en tant que chrétien, de prendre la parole lors des funérailles shintoïstes d'un homme d'affaires japonais très influent à Tokyo, entouré de centaines de personnes qui n'avaient jamais entendu l’Évangile auparavant. Cela n'a été possible que grâce à des années d'investissement relationnel et de fidélité à l'excellence en affaires.

Certains sont missionnaires, mais tous sont appelés à être sel et lumière et à prier pour les nations. Certains sont pasteurs, mais nous sommes tous et toutes appelés à être des bergers pour ceux dont nous avons la charge.

Certains sont diacres, mais nous devons tous servir.

Certains sont anciens, mais nous devons tous faire preuve de leadership dans divers contextes.

Certains sont prédicateurs, mais nous devons tous prêcher l’Évangile, à nous-mêmes et aux autres.

Il faut toute l'Église pour faire des disciples de toutes les nations. Et l’Esprit Saint aspire à œuvrer à travers vous.

4. Nous n’avons offert qu’un soutien trop limité à votre ministère, mais nous allons désormais faire plus que cela.

Quand je dis « nous », j'inclus le Mouvement de Lausanne.

Depuis notre fondation en 1974 par Billy Graham et John Stott, le Mouvement de Lausanne a fait des déclarations importantes sur cette question cruciale. Lors du 3e Congrès de Lausanne, notamment, une équipe de spécialistes du monde entier a élaboré l'Engagement du Cap, qui stipule ceci :

« Nous devons faire des efforts intensifs pour former tout le peuple de Dieu à vivre une vie de disciple couvrant la totalité de la vie, c’est-à-dire vivre, penser, travailler et parler depuis une vision biblique du monde et avec une efficacité missionnelle en tout lieu et en toute circonstance de la vie et du travail quotidiens. »

Mais nous aurions pu faire plus – et nous allons faire plus.

Au mois de juin 2019, le Lausanne Global Workplace Forum (GWF – Forum Mondial du travail) réunira à Manille, aux Philippines, 750 personnes influentes de plus de 120 pays. Je vous demande de prier pour que ce groupe dans toute sa diversité puisse contribuer à une percée et à la mobilisation pour la mission dans et à travers le lieu de travail, à tous les niveaux, dans tous les secteurs et dans toutes les régions du monde. Il ne s'agit pas seulement des cols blancs ou des professionnels du monde des affaires, mais aussi des cols bleus et même des « sans col ».

Le 1 % et les 99 % seront tous les deux à GWF. Ce sera l'occasion pour nous le 1% de nous repentir et aussi de nous engager fermement à nouveau dans notre appel à former les saints pour l’œuvre du ministère.

Et pour ceux d'entre vous qui faites partie des 99% : levez-vous ! Levez-vous, et saisissez votre identité de disciple et votre appel à devenir faiseur, faiseuse de disciple. Levez-vous et prenez la responsabilité d’aider votre famille, vos amis et vos voisins à devenir des disciples de Jésus. Levez-vous et voyez les nations assoiffées de l’Évangile et les milliards de personnes qui ne connaissent pas même un seul chrétien.

Si vous croyez véritablement que 1 Pierre 2.9 vous est adressé en tant qu'élu de Dieu – « un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis, pour que vous annonciez les hauts faits de celui qui vous a appelés des ténèbres à son étonnante lumière » –vous lèverez-vous pour vous saisir de votre appel ?

Michael Oh est Administrateur exécutif et Directeur Général mondial du Mouvement de Lausanne .

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