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Pourquoi j’aime « The Chosen »

La série ne parle pas seulement de la transformation des disciples, mais aussi de notre propre transformation spirituelle.

Christianity Today October 15, 2022
Angel Studios

La version française de cet article a fait l’objet d’une mise à jour.

Alors que la troisième saison est annoncée pour le mois de novembre prochain, The Chosen, série à la narration touchante et captivante sur la vie du Christ et de ses disciples, revendique plus de 430 millions de vues dans 197 pays. Même les spectateurs initialement sceptiques quant à la possibilité que quelque chose de bon puisse sortir du Nazareth du divertissement chrétien se sont retrouvés accrochés par les scénarios inventifs et la qualité de production de The Chosen.

En matière de qualité des divertissements à thème religieux, le réalisateur Dallas Jenkins a placé la barre haute. La série a battu des records de financement participatif, récoltant 10 millions de dollars pour la première saison et attirant 12 millions de dollars venant de 125 000 personnes pour la deuxième saison, qui s’était terminée le 11 juillet 2021.

Mais la force de The Chosen ne tient pas seulement à la qualité des techniques de tournage ou au caractère attachant du personnage de Jésus incarné par l’acteur Jonathan Roumie. Elle provient de sa description convaincante de la transformation des désirs de chaque disciple. Des individus qui ont de maigres aspirations au début de la série évoluent et en viennent à désirer de grandes choses. En regardant les disciples changer, nous sommes entraînés dans le mystère de leur transformation en Christ.

L'historien et philosophe français René Girard vécut une profonde conversion chrétienne lorsqu'il se rendit compte que les plus grands romans de l'histoire, comme Les Frères Karamazov de Dostoïevski ou Don Quichotte de Cervantès , sont nés d’une expérience de conversion qui a transpercé la vanité et l’orgueil de leurs auteurs. Cette expérience leur a permis de créer des personnages profondément complexes et plus vrais que nature.

À partir de son étude approfondie de l’histoire, du comportement humain et de la grande littérature, Girard a observé que nous apprenons à désirer par imitation, à travers un processus qu’il appelle mimèsis (reprenant le mot grec signifiant « imitation »). Nous en venons à vouloir les choses qui nous sont présentées comme désirables et précieuses. Girard ne faisait pas principalement référence à nos besoins fondamentaux – nourriture, abri, sécurité – mais au type de désirs métaphysiques que nous développons d’être un certain type de personne.

Pour Girard, il s’agit d’une bonne chose en soi — une forme d’ouverture radicale et de réceptivité aux autres — mais elle comporte des dangers évidents. Nous sommes tous plus sensibles à la manipulation de nos désirs que nous ne le pensons. Nous risquons de gaspiller notre vie à courir après de « maigres » désirs mimétiques qui ne nous satisfont pas en fin de compte, par opposition à des désirs plus « consistants » implantés en nous par Dieu et nous apportant bonheur et épanouissement.

La conversion chrétienne implique la réorganisation des désirs d’une personne par une rencontre continuelle avec le Christ. Le modèle d’amour divin que le Christ révèle imprègne peu à peu la vie entière de l’individu. Les anciens désirs font place à de nouveaux. Cette réorganisation des désirs — à la suite d’un modèle divin — est impossible si les seuls modèles de désirabilité d’une personne sont ceux du monde. Si nous sommes obnubilés par des modèles mondains, nous sommes condamnés à rester coincés dans une sorte de roue de hamster, sans jamais pouvoir nous libérer de la tyrannie de notre époque. Un seul modèle dans l’histoire de l’humanité a eu le pouvoir de désirer différemment : le Christ, dont le plus grand désir est de faire la volonté de son Père, nous montre la voie à suivre.

Lorsque Jésus dit « suis-moi » dans les Évangiles, il ne parle pas seulement d’un suivi physique, mais aussi d’un suivi des désirs. En d’autres termes : « Ne vous contentez pas d’aller où je vais ou d’adopter mes habitudes de parole ou ma manière de m’habiller, mais désirez ce que je désire ». Ce qu’il veut, c’est le salut de chaque personne. Lorsqu’il interagit avec Marie-Madeleine et Pierre, ou avec n’importe lequel des autres disciples qu’il appelle, Jésus désire clairement qu’ils soient pleinement vivants, libres d’aimer de tout leur cœur.

Imiter les désirs du Christ, c’est réorganiser les nôtres — les calquer sur les siens, qui répondent à une hiérarchie. Lorsque les pharisiens demandent à Jésus quel est le plus grand commandement, il répond clairement : « “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée.” C’est le premier et le plus grand commandement. Et le deuxième lui est semblable : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.” » En d’autres termes : apprenez à désirer ces deux choses avant tout, et le reste de vos désirs retrouveront leur place.

Lorsque Paul écrit : « Imitez-moi comme j’imite le Christ » (1 Co 11.1), il renvoie également à l’imitation du désir. Lorsqu’il écrit : « Ne vous conformez pas au modèle de ce monde, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence » (Rm 12.2), il parle de la même chose : ce monde n’offre pas de modèles qui soient dignes de façonner votre vie. Si vous voulez être sauvé de ce monde de péché et de mort, il vous faut un modèle d’un autre monde, et vous devez le trouver dans le Christ, qui est capable de vous transformer intérieurement par la grâce.

Nous devenons semblables à ce que nous imitons. Et c’est pourquoi le Christ ne se contente pas de nous sauver — il nous transforme aussi.

Dans son récit imaginaire des « coulisses » de la vie des premiers disciples, The Chosen met en scène la profonde tension existante entre des désirs mondains et des désirs venus d’ailleurs. Le monde romain antique façonnait les désirs des disciples d’une certaine manière, tout comme le monde moderne façonne les nôtres. À mesure que Jésus devient leur nouveau et principal modèle de désir, leurs désirs sans épaisseur commencent à s’effacer au profit du sens transcendant dont il leur offre l’exemple.

À la troisième minute du premier épisode de la saison 1, Marie-Madeleine apparaît à une époque où elle est incapable d’imaginer une existence pour elle-même en dehors de la réalité d’une possession démoniaque et de brèves périodes de lucidité. Que désire-t-elle ? Tout ce qui pourra un instant soulager son intense souffrance : l’alcool, ou même la mort. Une fois que Jésus l’a appelée par son nom, Marie en vient progressivement à vouloir d’autres choses : vivre correctement le sabbat, être généreuse et servir les autres, connaître les Écritures. Elle dit d’elle-même : « J’étais d’une certaine façon et maintenant je suis complètement différente. Et ce qui s’est passé entre les deux, c’est lui. » Jésus est devenu son nouveau modèle, et elle a commencé à vouloir pour elle-même ce qu’il veut. On voit les désirs de Pierre changer d’une manière similaire. Que veut-il lorsqu’il apparaît pour la première fois ? Les choses que sa culture lui a proposées : le renversement de l’oppression romaine, l’allègement de son fardeau fiscal, être un pêcheur prospère. Il est fermé à tout autre chose. Lorsque son frère André tente de l’intéresser à Jésus, Pierre est d’abord dédaigneux, mais c’est sa rencontre avec Jésus au bord du lac de Galilée qui change tout. Un nouveau modèle s’offre à lui, et les pièges de son ancienne vie — ses maigres désirs — commencent à avoir moins d’emprise sur lui.

Dans l’épisode 5 de la première saison, Pierre dit à sa femme, Eden, combien il est enthousiaste à l’idée d’aller là où le Christ va et d’apprendre de lui. Comme un enfant, il s’exclame : « Il a dit que je ne serais plus pêcheur, mais que j’attraperais des hommes ! Je ne sais même pas ce que cela signifie, mais… je veux arrêter de pêcher et laisser la mer derrière moi. »

Ce ne sont que deux moments. La série (jusqu’ici) fait un excellent travail en illustrant les changements progressifs qui se produisent lorsque les disciples commencent à désirer différemment après avoir choisi de suivre le Christ.

Elle n’en est cependant pas encore arrivée à la sinistre fin dont nous savons la venue inéluctable : la Passion. La Passion est le suprême moment d’espoir pour un chrétien. C’est le moment où la mort est vaincue et où s’ouvrent les portes d’une nouvelle façon de vivre et d’aimer. S’emparer de cette nouvelle possibilité n’est cependant possible pour les disciples — comme pour nous — qu’après une période de préparation divine au cours de laquelle nos désirs sont suffisamment transformés pour être en mesure de voir l’amour de Dieu déversé sur la croix.

Oui, Pierre trahira le Christ ; il essaiera même de l’amener à imiter ses propres désirs, ce qui lui vaudra la réprimande la plus vigoureuse de Jésus dans les Évangiles : « Arrière, Satan ! ». Mais la transformation aura été suffisante pour amener Pierre et le reste des disciples, à l’exception de Judas, à la repentance. Leurs désirs pour le reste de leur vie se porteront finalement vers le service d’une vérité supérieure — au point que presque tous iront volontairement à la mort dans l’imitation du Christ, lorsque leur transformation aura touché à son aboutissement.

Luke Burgis est entrepreneur en résidence au Ciocca Center for Principled Entrepreneurship et auteur de Wanting: The Power of Mimetic Desire in Everyday Life.

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