Church Life

Et si nous ravivions notre vocation de brebis ?

L’Église a autant besoin de brebis fidèles que de bergers fidèles.

Sheep making the shape of a church
Christianity Today August 29, 2025
Illustration de Mark Conlan

Un récent dimanche, j’ai été frappée par le dernier de nos chants qui, en anglais, disait ceci : « Sauveur, comme un berger, conduis-nous » (« Savior, Like a Shepherd Lead Us »). Publié pour la première fois en 1836 par la compositrice britannique Dorothy Ann Thrupp, cet hymne à la fois simple et magnifique s’adresse directement à Jésus et lui demande de protéger ses brebis : « Garde ton troupeau, protège-nous du péché/Viens à notre recherche quand nous nous égarons. »

Ce troupeau désigne le peuple de Dieu, l’Église locale et universelle. Et cela fait de nous, ses membres, les brebis.

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La Bible nous parle de Jésus comme de notre bon et grand berger (Jn 10.11-16 ; Hé 13.20), mais elle désigne aussi les pasteurs et autres responsables d’églises comme des bergers servant sous son autorité (Ac 20.28 ; 1 Pi 5.2-4). Ces dernières années, ces derniers ont à bien des égards fait l’objet d’une attention particulière, dans des livres comme dans bien des médias. On peut trouver un peu partout d’innombrables recommandations pour être un bon pasteur ainsi que d’intenses débats sur les qualifications à avoir ou les critères disqualifiants. Une des questions très mises en avant est aussi celle de savoir comment se prémunir contre des pasteurs malveillants et dénoncer les « loups déguisés en bergers ».

Soyons clairs : tout ceci est très utile. Mais qu’en est-il des brebis ? La plupart d’entre nous ne sommes pas bergers, et, tout comme il est complexe d’être un bon berger, il peut être complexe d’être une bonne brebis.

Cette réalité, Augustin l’a soulevée vers la fin de son ministère. Il y a de bons et de mauvais bergers et il y a de bonnes et de mauvaises brebis. Les deux rôles et leurs luttes intrinsèques sont souvent liés. Certains des pires bergers sont des personnes qui n’ont jamais appris à être ou voulu être de bonnes brebis. Ils ont toujours voulu tenir le bâton.

L’image de Jésus comme berger veillant avec amour sur son troupeau trouve ses racines dans l’Ancien Testament et elle occupe toujours une place de choix dans l’Église contemporaine. Le Psaume 23, reflétant l’expérience de David, qui avait lui-même été berger, est l’un des plus connus. Jésus revient à plusieurs reprises à la relation entre un berger et ses brebis pour illustrer ses paraboles (Lc 15.4-7) et autres enseignements (Jn 10.1-18).

Cette imagerie a donné naissance à une scène très appréciée et répandue dans l’art chrétien primitif : Jésus, tendre berger, portant sur ses épaules une brebis retrouvée. Dans le récit de sa passion écrit au début du 3e siècle après J.-C., Perpétue, nouvellement convertie, raconte avoir eu une vision de Jésus dans un jardin. Sous l’apparence d’un simple berger, il l’accueillait et lui tendait un morceau de fromage frais de brebis :

« Et je vis l’immense étendue d’un jardin et, assis au milieu, un homme à cheveux blancs, vêtu comme un pasteur, imposant, qui trayait des brebis ; et debout, tout autour de lui, une multitude de gens vêtus de blanc. Il leva la tête, m’aperçut et me dit : “Tu es la bienvenue, mon enfant.” Et il m’appela et, du fromage qui provenait de la traite, il m’offrit comme une bouchée ; et moi, je la reçus les mains jointes et je mangeai ; et tous les assistants dirent : “Amen”. »

Perpétue était enfermée dans une prison de Carthage et attendait son exécution lorsqu’elle consigna cette vision, comme sa propre réinterprétation du Psaume 23, surgie dans un moment de persécution et d’intense danger. Avec le Seigneur comme berger, elle se savait en sécurité et n’avait donc pas peur, même de la « vallée de l’ombre de la mort » du martyre.

Ces paroles et les utilisations contemporaines de la métaphore du berger, notamment dans divers chants comme celui que je citais, réaffirment que le Christ est notre seul bon berger à tous, et que nous sommes pour la plupart appelés à être ses brebis. C’est une vérité théologique, mais aussi mathématique. La plupart des églises n’ont qu’un seul pasteur principal qui travaille avec quelques anciens et autres personnes engagées pour prendre soin de ses brebis. Le chrétien moyen est donc une brebis.

Alors, comment être une brebis fidèle ?

Ma réponse, je tiens à le préciser, ne concerne pas des églises abusives et dysfonctionnelles. J’écris pour les membres de communautés ayant des bergers fidèles et bien intentionnés qui cherchent eux-mêmes à suivre l’exemple du Christ. À leur intention, j’aimerais formuler trois exhortations simples.

Tout d’abord, engagez-vous envers votre troupeau. Nous vivons dans une société marquée par l’inconstance et la difficulté à s’engager, et cette attitude s’est infiltrée dans l’Église. Devenir officiellement membre d’une communauté est déjà un bon début. Mais dans la pratique, même les chrétiens qui se considèrent comme pleinement rattachés à une église locale ne sont pas toujours régulièrement présents le dimanche, sans parler des autres activités de la communauté.

Dans mon contexte, aux États-Unis, les sondages montrent que seul un habitant sur trois assiste à un service religieux au moins une fois par mois, tandis que 25 % y assistent au moins une fois par semaine. Mais il faut compter que, d’après des études, certaines personnes interrogées surestiment leur propre assiduité.

Quels que soient les chiffres exacts, et exception faite des contraintes et circonstances inhabituelles, une fréquentation mensuelle de l’église n’est pas suffisante. Ce n’est pas cela, être une bonne brebis. Faire partie d’un troupeau, c’est se retrouver et compter les uns sur les autres. Cela peut difficilement se faire sans se voir régulièrement et sans prier et louer le Seigneur côte à côte. C’est cela qui permet de tisser des liens étroits entre nous.

La deuxième caractéristique des brebis fidèles est effectivement qu’elles veillent les unes sur les autres, tant sur le plan spirituel que sur le plan pratique. Elles agissent et même réfléchissent ensemble.

La pensée de groupe a mauvaise réputation dans notre société, et souvent à juste titre. Le terme « moutons » désigne d’ailleurs, de manière péjorative, les personnes qui ne peuvent pas penser par elles-mêmes, mais suivent simplement le troupeau.

Pourtant, une vie communautaire épanouie, susceptible de produire le meilleur de la pensée collective, est également essentielle à la survie et à l’épanouissement des groupes. C’était une évidence dans la mentalité du monde antique où la capacité à travailler ensemble pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Et c’était la réalité de l’Église primitive à Jérusalem : « Tous ceux qui croyaient n’étaient qu’un seul cœur et qu’une seule âme » (Ac 4.32).

Dans notre culture hyper individualiste, la vision prémoderne du soi comme faisant partie intégrante d’un groupe ne nous vient plus naturellement à l’esprit. Mais l’Église est un lieu où nous devons encore nous souvenir, comme Jésus l’a enseigné, que nous faisons partie de quelque chose de plus grand, d’une communauté liée par des liens d’amour surnaturels (Jn 13.34). Les brebis fidèles sont celles qui nourrissent ces relations aimantes et essaient de travailler d’un seul cœur et d’un seul esprit pour le bien de leur église locale.

Enfin, les brebis fidèles veillent à ce que les bergers fidèles leur rendent des comptes sur leur manière de les guider, mais aussi à ce qu’ils soient bien épaulés. En tant que membres d’un troupeau, nous avons la responsabilité de servir joyeusement notre communauté, de prendre soin de son bâtiment, d’enseigner à l’école du dimanche, de prendre notre tour de rôle à la crèche ou encore de visiter les malades et les personnes isolées. Le berger a un travail, mais les brebis aussi. Et je pense que, si les laïcs s’impliquaient plus aux côtés des pasteurs et anciens, il y aurait moins de situations d’épuisement pastoral.  

Se comparer à des brebis n’est peut-être pas très attrayant, même si, dans notre culture, le terme n’est pas si mal connoté que « mouton ». Mais Dieu a choisi cette métaphore pour une bonne raison, et les disciples du Christ sont toujours appelés à être des brebis fidèles. Cette vocation peut être facilement négligée, car nous la considérons rarement comme telle et certainement pas de la même manière que nous considérons la vocation pastorale. Pourtant, elle est essentielle au bien-être et à l’épanouissement du troupeau du Christ.

Nadya Williams est l’autrice de Cultural Christians in the Early Church et de Mothers, Children, and the Body Politic: Ancient Christianity and the Recovery of Human Dignity.

Traduit par Anne Haumont

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