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Les évangéliques ukrainiens attendent la fin

Ils aspirent à la paix et à une bonne nuit de sommeil, mais ne font pas confiance au cessez-le-feu promu par Donald Trump.

A woman and her dog walk on street in Kyiv after a Russian missile has destroyed the center of the city.
Christianity Today March 10, 2025
Maxym Marusenko / NurPhoto via Getty Images

Maia Mikhaluk a l’impression de ne pas avoir dormi depuis trois ans. Pas vraiment. Pas assez bien.

Les raids aériens russes frappent régulièrement Kiev pendant la nuit. Mais on ne sait jamais quand. Dans les premiers jours de la guerre, elle et son mari se précipitaient dans un abri de fortune, un couloir entre leur appartement et celui de leur fille adulte. Aujourd’hui, ils se contentent de rester au lit et de prier pour être protégés des drones Shahed de fabrication iranienne, des missiles Hwasong-11A de fabrication nord-coréenne et, bien sûr, des missiles Novator Kalibr, 9K720 Iskander et Kinzhal de fabrication russe — les Kh-101, Kh-47M2 et Kh-555.

Selon Maia Mikhaluk, les enfants de Kiev ont appris à faire la différence entre les différents systèmes de missiles en se basant sur le bruit des explosions. 

Elle est fatiguée. Elle est prête pour la paix.

Mais elle ne pense pas que le président Donald Trump ait les mêmes sentiments. Elle a vu la vidéo où il réprimande le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour n’avoir pas été assez reconnaissant et n’avoir pas accepté les conditions de la paix voulues par la Russie. Elle l’a entendu ordonner aux Ukrainiens d’accepter « un cessez-le-feu tout de suite » sans aucune garantie que la Russie ne violerait pas à nouveau la future paix. Il ne lui a pas semblé que Trump essayait de mettre fin à la guerre.

« Il ne s’agissait pas de paix », nous dit-elle. « C’était un jeu de pouvoir. »

La débâcle diplomatique qui a eu lieu à la Maison-Blanche pourrait marquer un tournant décisif dans la guerre. Depuis l’invasion de 2022, l’Ukraine compte sur le soutien des États-Unis et de l’Europe pour repousser l’armée russe, qui est l’une des plus importantes au monde, et survivre aux bombes, aux pannes d’électricité et aux graves pénuries. Mais quelques jours après l’altercation dans le bureau ovale, Trump a suspendu toute aide militaire.

De leur côté, les chrétiens ukrainiens nous témoignent que la vie poursuit son cours. Ils ont leurs habitudes et préservent un semblant de normalité. Malgré tout, ils placent leur confiance en Dieu. 

« Quand l’ennemi est fort et même quand les alliés vous trahissent, Dieu garde le contrôle », souligne Maia Mikhaluk, une femme de pasteur qui a aidé à implanter des églises dans toute l’Ukraine depuis 1997. « Nous savons qu’il n’abandonnera pas les opprimés. »

L’Église peut offrir un certain refuge dans le chaos. De nombreuses communautés évangéliques ont procédé à des ajustements significatifs pour continuer à se réunir. 

Certaines ont mis en place des services en ligne qui permettent aux personnes déplacées par la guerre de rester en contact. Des églises ont également installé des générateurs, ce qui leur permet d’inviter leurs voisins à recharger leur téléphone, à boire du thé et à entendre l’Évangile. 

La plupart d’entre eux se réunissent encore plusieurs fois par semaine.

« Ils continuent à prier », rapporte Jon Eide, qui coordonne le soutien aux églises ukrainiennes pour l’organisation Mission To the World. « Ils organisent toujours des études bibliques le mardi soir. Même si l’on pourrait penser que ces choses ne sont pas de première nécessité. » 

Dans la ville méridionale de Kherson, où le fleuve Dniepr est la seule barrière séparant les Ukrainiens des forces russes, le pasteur presbytérien Vova Barishnev conduit une camionnette pour aller chercher les gens à l’église. Aujourd’hui, sa routine du dimanche matin commence par la mise en marche d’un dispositif de détection des drones. Il le garde avec lui dans la camionnette et, s’il se déclenche, il se met à l’abri, idéalement en se réfugiant sous un viaduc.

Il s’agit d’une amélioration par rapport à la méthode qu’il employait jusque là. Il avait l’habitude de passer la tête par la fenêtre et de scruter le ciel en conduisant. 

« Écoutez, si vous pouvez obtenir un cessez-le-feu tout de suite, je vous le dis, vous l’acceptez pour que les balles cessent de voler et que vos hommes cessent d’être tués », a dit Trump à Zelensky à la Maison-Blanche. Le président américain a déclaré qu’un cessez-le-feu serait « une fichue bonne chose », et les chrétiens ukrainiens que nous avons contactés sont du même avis. 

Mais ils se souviennent aussi que leur pays a renoncé à ses armes nucléaires en 1994 en échange d’une promesse de protection. Les États-Unis et la Russie étaient tous deux signataires de l’accord, mais la Russie a tout de même envahi le pays en 2014 pour s’approprier une partie de l’Ukraine par la force. 

Et ils se souviennent qu’en 2015, la Russie avait à nouveau accepté un cessez-le-feu. Un accord en 12 points prévoyait l’échange de prisonniers, le retrait des armements et le respect de la loi ukrainienne dans les zones annexées.

La Russie n’a pas respecté ses engagements. Le gouvernement de Moscou a prétendu de manière absurde qu’il n’était même pas partie à l’accord et a ensuite lancé une invasion à grande échelle en 2022.

Plus de 46 000 soldats ukrainiens sont morts depuis lors. Plus de 12 000 civils ont également perdu la vie. 

Anna et Vasyl Feier connaissaient certaines des 290 personnes tuées lors de l’assaut d’Irpin, une banlieue de Kiev où vivent de nombreux évangéliques. C’était alors une plaque tournante des ministères chrétiens, parfois décrite comme le « Wheaton de l’Ukraine » [en référence au grand pôle évangélique américain de Wheaton].

« Tout a été détruit », dit Vasyl Feier. « Les entreprises ont été détruites et notre maison a été détruite. »

La famille Feier s’est enfuie en 2022 lorsque les Russes ont envahi la ville et s’est réfugiée dans la capitale. Ils sont retournés à Irpin après la reprise de la ville par les forces ukrainiennes. Ils vivent dans un abri temporaire et font de leur mieux malgré les interruptions constantes de la guerre. Les sirènes d’alerte aérienne perturbent le sommeil pendant la nuit et le travail pendant la journée. Leurs trois enfants, âgés de 4, 7 et 15 ans, passent des heures dans les abris antiatomiques.

Ils aimeraient reconstruire leur maison. Mais ils doivent attendre la fin de la guerre. 

« Il est très difficile de planifier les choses », dit Vasyl Feier. « Chaque jour, nous ne savons pas si nous serons encore en vie demain.

Telle est la nouvelle normalité. Il est difficile de dormir. Vous surveillez le ciel à la recherche de drones. Vos enfants apprennent à distinguer les sons des différents missiles. Vous ne faites pas de grands projets. Et vous patientez pendant que des responsables états-uniens parlent haut et fort d’un cessez-le-feu que vous ne pourriez personnellement pas prendre au sérieux. 

« Lorsque vous vivez dans une zone de guerre, chaque instant peut être le dernier », nous dit Maia Mikhaluk à Kiev. « Cela vous incite à vous concentrer sur ce qui est important : partager le message de l’espérance, l’Évangile, avec le plus grand nombre possible de personnes. »

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