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Parcours de vie : Carlos Payan, pasteur charismatique passionné pour l’unité des chrétiens

Fils de réfugiés de la guerre civile espagnole, le pasteur français rassemblait des milliers de croyants aspirant à la guérison en Christ.

Carlos Payan
Christianity Today October 23, 2024
Illustration de Christianity Today / Image source : Photographie de Yannick Billioux

Dans sa passion pour la guérison de ceux qui venaient à lui, Carlos Payan, un pasteur charismatique français, fut conduit à rassembler des chrétiens de toutes les confessions. Il est décédé d’une crise cardiaque le 12 octobre, à l’âge de 61 ans. 

Il était tout particulièrement connu pour son œuvre au sein de Paris Tout Est Possible, un ministère qu’il avait cofondé en 2003 avec des amis issus du protestantisme, du catholicisme et du judaïsme messianique.  

« Au cours de mes nombreux déplacements, je constate partout les mêmes désirs immenses, les mêmes aspirations inassouvies, notamment chez les jeunes : être consolé, guéri, aimé par le Christ », déclarait Payan en 2013 au journal catholique La Vie. « La France crie sa soif de Dieu ; c’est à l’épancher que je voudrais dédier le reste de ma vie. »

Né en 1963 dans la petite ville de Lons-le-Saunier, dans l’est de la France, Carlos Payan était le huitième enfant de communistes républicains espagnols qui avaient combattu le régime de Franco avant de trouver refuge de l’autre côté de la frontière. Les convictions politiques de ses parents sont en opposition frontale avec celles d’une Église catholique espagnole souvent très proche de la dictature franquiste. Carlos grandit ainsi dans un environnement où la religion est vue d’un mauvais œil.  

Pourtant, un jour de 1981, alors qu’il se trouvait à vendre un journal communiste dans la ville voisine de Mâcon, des chrétiens évangéliques lui offrent un exemplaire du Nouveau Testament. Quelques mois plus tard, il consacre sa vie à Christ. 

Il dira régulièrement qu’il est alors passé « de la génération Mitterrand à la génération Jésus », en référence au président socialiste français François Mitterrand, élu la même année. Malgré sa joie d’avoir trouvé Jésus, il se souviendra que « [p]our une partie de ma famille, c’était une trahison. »

Son parcours de foi commence dans le contexte des frères larges, mais dès 1983 il assiste à une réunion avec le prêtre catholique canadien Emiliano Tardif, qui était connu pour ses guérisons miraculeuses. Très vite, il aspire à un jour exercer un ministère similaire. Deux ans plus tard, il épouse Agnès dans une église protestante de Mâcon, avec un diacre évangélique comme officiant et des chanteurs catholiques. 

Son engagement dans le service chrétien le conduit à devenir pasteur adjoint à Mâcon en 1991, tout en travaillant comme agent d’entretien pour nettoyer les bâtiments de l’administration locale.

Vivant à cette époque une expérience de rencontre avec le Saint-Esprit qui durera plusieurs semaines, il fera plus tard cette observation sur l’utilité de son travail séculier d’alors dans sa formation spirituelle :  

« Aujourd’hui, je rends grâce au Seigneur de m’avoir fait vivre cette expérience, qui aurait pu me tourner la tête, à un moment où mon travail, consistant à astiquer les toilettes de mes camarades, me ramenait à mon humilité d’homme. » 

Tout en poursuivant son ministère pastoral et en progressant dans une carrière qui le conduira finalement à des responsabilités importantes dans l’administration territoriale française, Payan se rapproche également de catholiques touchés par le renouveau charismatique catholique démarré aux États-Unis en 1967. En 1997, il rejoint l’association charismatique Embrase nos cœurs qui rassemble des protestants et des catholiques. 

En 1999, des divisions récurrentes dans son église locale suscitent une crise dans le ministère et la foi de Payan. Il passe alors un temps dans la communauté œcuménique française de Taizé. Il y rencontre Frère Roger, le fondateur de la communauté, qui lui demande soudain de prier pour lui. 

« J’étais stupéfait. Lui, le grand maître spirituel, me demandait d’intercéder en sa faveur ! », raconte Payan. « J’ai prié pour lui et c’est moi qui ai été guéri. Ce jour-là, j’ai compris que le Seigneur voulait que j’aime toute son Église. »

L’année suivante, Payan est muté à Paris pour son travail dans l’administration. Ses possibilités de nouer des contacts avec toutes sortes de chrétiens se multiplient. En 2003, il cofonde l’association Paris Tout Est Possible qui se consacrera tout particulièrement à l’organisation de soirées et rencontres de guérison pour un nombre toujours croissant de participants, dont la vaste majorité (75 %) est catholique. 

Payan fait ainsi partie des protestants qui ont contribué à la création d’« une véritable sous-culture charismatique transversale, animée par des réunions et des conférences où convergent des milliers de chrétiens de toutes étiquettes », commente en 2011 le sociologue évangélique français Sébastien Fath. 

Néanmoins, cette exposition nouvelle à une grande diversité de catholiques, au-delà de ceux liés au mouvement charismatique avec lesquels il avait déjà noué des relations, constitue tout de même un défi pour Payan.  

« [L]e Seigneur me demandait d’aimer mes frères catholiques. Je lui ai répondu : “tu veux ma mort !” », se souvenait-il en mai de cette année, alors qu’il participait au Jury de La Nuit des Influenceurs chrétiens, un concours destiné à mettre en valeur des talents en ligne issus de diverses confessions. « Et bien oui, Dieu voulait que je meure à moi-même, à ma suffisance, à ce que je savais pour découvrir tout le reste. »

Dans le souci d’unité qu’il développe, Payan se réfère fréquemment à ces paroles de Jésus à ses disciples : « C’est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13.35) Dans son cheminement, il découvre également des choses à apprécier dans la tradition catholique. Il la voit accueillante, offrant un espace pour la diversité (en particulier dans les formes de louange), soulignant la valeur de la liturgie, de la contemplation et du silence, et ouvrant à une relation plus détendue à l’égard du temps, expliquait-il notamment en 2023. 

À Paris, son ministère attire l’attention du célèbre journal Le Monde. Dans son article consacré à celui qui est décrit comme un « guérisseur évangélique », on peut lire cette description : « Il saute sur place, agite les mains, chante. Le pasteur Payan est un artiste avant d’être un guérisseur. Il prêche, il mime, il raconte des histoires. »

Convaincu que « [l]a langue de Voltaire peut se conjuguer avec un Évangile décomplexé », il est amené à construire des relations avec de nombreux ministères de guérison dans le monde francophone, notamment dans le cadre de l’Association Internationale des Ministères de Guérison (AIMG).  

Mais son ministère débordera aussi à l’extérieur de la francophonie. Lors d’une réunion aux États-Unis dans le cadre de l’AIMG, le pasteur belge Nathanaël Beumier, qui servait alors de traducteur pour Payan, se souvient que malgré leur épuisement, Payan continuait à prier sans relâche pour les nombreuses personnes qui l’approchaient, faisant preuve « d’une compassion et d’un amour qui allaient même au-delà de ses forces physiques ».

Même si Payan affirmait avec force la possibilité de la guérison miraculeuse, il veillait à rester modeste quant aux résultats de ses prières. « Parmi les gens qui viennent me voir, 5 % à 10 % sont guéris », expliquait-il au journal Le Monde. Dans son livre de 2009 consacré au sujet, La guérison divine,il écrit : « Nous ne sommes pas Dieu et ne connaissons pas sa volonté. Prions, intercédons, supplions… mais ne promettons rien à ceux qui souffrent, de peur d’ajouter à leur souffrance une lourde déception. »

En 2017, Payan prend sa retraite de la fonction publique française pour se consacrer pleinement à son ministère. La même année, lors d’une célébration de la Pentecôte pour le 50e anniversaire du Renouveau charismatique catholique, il est l’un des 120 charismatiques évangéliques invités par surprise par le pape François à le rejoindre sur scène devant les 50 000 pèlerins catholiques rassemblés pour l’événement. 

« Je n’en revenais pas. Je n’avais même pas eu le temps de prendre ma veste. Le pape voulait juste qu’on soit là et on a évidemment dit oui », racontera-t-il.

La très grande ouverture de Payan à l’égard des catholiques a créé une certaine distance entre lui et les évangéliques (charismatiques ou non) qui ne pouvaient pas le suivre aussi loin dans son œcuménisme. L’importance qu’il accordait à la guérison physique a également suscité des critiques de la part de catholiques et d’évangéliques plus traditionnels. 

« Il a payé cher son désir d’unité, des deux côtés », résume Grégory Turpin, fondateur associé de Première Partie, l’éditeur de Payan , à propos de diverses polémiques qui ont surgi au fil de son parcours. 

S’il a pu établir de nombreux liens entre catholiques et évangéliques charismatiques, c’est avec une certaine distance que le reste des évangéliques observait le ministère de Payan. Cependant, Romain Choisnet, responsable de la communication du Conseil national des évangéliques de France, a salué en lui « un homme qui a beaucoup compté pour un grand nombre de personnes, d’Églises, de mouvements au sein du monde évangélique. Un homme de passion, un homme d’unité, un homme de cœur. »

Le pasteur des Assemblées de Dieu françaises et entrepreneur Éric Célérier a également souligné comment Payan avait contribué à sa propre découverte de la spiritualité des catholiques et d’autres évangéliques et à adoucir son cœur à l’égard des autres chrétiens. 

Le ministère de Payan était d’abord centré sur une « unité charismatique », rassemblant ceux qui partageaient la croyance en l’action de l’Esprit, en particulier dans le domaine de la guérison. Mais selon Grégory Turpin, cette unité a contribué à créer des espaces pour une « unité kérygmatique » plus large, centrée sur le partage de l’Évangile et susceptible de rassembler des chrétiens au-delà des cercles charismatiques. 

Les six livres de Payan traitent notamment de la guérison et de l’unité, mais explorent aussi spécifiquement la vulnérabilité humaine et la compassion pour ceux qui souffrent. Son dernier livre, Nos corps, son temple, était paru quelques semaines avant sa mort. L’ouvrage rassemble des contributions de catholiques et d’évangéliques de diverses orientations sur ce que le corps humain révèle du plan de Dieu pour l’humanité.

Passionnés par la louange, Payan et sa femme travaillèrent également ensemble avec le chanteur et compositeur chrétien Samuel Olivier pour produire plusieurs albums de louange. 

« Son affection était entière, féroce, radicale, mais c’était aussi un homme d’une profonde humilité, prompt à s’enflammer, mais aussi prompt à pardonner et à demander pardon », témoigne Samuel Olivier sur Facebook.

Carlos Payan laisse derrière lui sa femme Agnès et leurs quatre enfants. Ses funérailles ont eu lieu le 18 octobre dans une église catholique de Mâcon. Une cérémonie en sa mémoire est également prévue le 7 novembre à Paris.

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