Son objectif est audacieux. Mais pour James Davis, fondateur du Global Church Network, les chrétiens ont besoin de plans et de délais. Sinon, ils ne feront jamais ce qu’ils doivent faire pour accomplir le Grand mandat confié par le Christ à ses disciples.
Son organisation s’est réunie à Zurich, en Suisse, en septembre dernier, avec 400 responsables d’œuvres chrétiennes de toute l’Europe, et ensemble, ils se sont engagés à trouver et à équiper plus de 100 000 nouveaux pasteurs au cours de la prochaine décennie. Le réseau prévoit d’établir 39 centres en Europe, avec un objectif de 442 autres dans les années à venir, pour former des serviteurs à la proclamation de l’Évangile : des implanteurs d’églises, des évangélistes et des pasteurs.
« Une vision devient un objectif lorsqu’elle est assortie d’une échéance », affirmait Davis lors de l’événement.
« Aujourd’hui, tant de dirigeants chrétiens doutent de leurs convictions et sont convaincus de leurs doutes. Il est temps pour nous de douter de nos doutes et de faire confiance à nos convictions. Nous revendiquerons, escaladerons et hisserons notre drapeau au sommet de notre Everest, le Grand mandat missionnaire. »
Davis a un certain nombre de partenaires très motivés dans ce projet, notamment les Assemblées de Dieu, la Church of God (Cleveland, Tennessee), et la International Pentecostal Holiness Church. Dans le contexte d’une coalition plus large, le réseau compte également l’Église wesleyenne, l’Église du Nazaréen, les églises Foursquare, l’Église de Dieu en Christ et la mission OMF International (anciennement Overseas Missionary Fellowship). Toutes ces structures veulent collaborer à l’accomplissement du mandat de Matthieu 28 dans un avenir proche. Si leur objectif européen apparaît quelque peu hors de portée, il est certain qu’ils feront encore beaucoup d’efforts d’ici à l’échéance.
Le Global Church Network n’est pas seul. En Allemagne, la Bund Freikirchlicher Pfingstgemeinden (Association des églises libres pentecôtistes) a annoncé son intention d’implanter 500 nouvelles églises d’ici 2033. Le groupe, qui fêtera son 150e anniversaire en 2024, a déclaré à CT qu’il implantait actuellement de nouvelles assemblées au rythme d’environ sept par an. La formation de nouveaux pasteurs est un élément clé de sa stratégie de croissance.
La Bund Evangelisch-Freikirchlicher Gemeinden in Deutschland (Association des Églises évangéliques libres d’Allemagne) a implanté 200 églises au cours de la dernière décennie. Elle s’est développée et compte aujourd’hui environ 500 églises et 42 000 membres. Les églises évangéliques libres prévoient également d’implanter 70 nouvelles communautés d’ici 2030, au rythme de 15 par an, puis 200 autres d’ici 2040.
« Se fixer de tels objectifs est une pratique assez répandue en Europe », rapporte Stefan Paas, qui occupe la chaire J. H. Bavinck de missiologie et de théologie interculturelle à l’Université libre d’Amsterdam, et auteur de Church Planting in the Secular West.
Il n’est cependant pas convaincu que cette approche convienne aux missions chrétiennes. En fait, il ne pense pas que l’ambition, l’éloquence et la décision de fixer des objectifs mesurables représentent un schéma qui fonctionne réellement.
Les recherches de Stefan Paas montrent que les approches fondées sur l’offre – l’idée selon laquelle il suffit d’implanter pour que les gens viennent – semblent prometteuses et connaissent souvent un succès initial, mais que les résultats s’évaporent la plupart du temps. Si l’on croit généralement que l’implantation de nouvelles églises est un facteur de croissance, ce n’est pas ce que montrent les faits.
« Oui, les nouvelles églises ont tendance à attirer plus de gens et de convertis, mais elles les perdent également en plus grand nombre », nous affirme Paas. « On observe une sorte de dynamique de porte de derrière où les gens viennent dans les nouvelles églises mais les quittent ensuite. »
Il a examiné les statistiques des membres des églises évangéliques libres de 2003 à 2017 et a constaté que les implantations d’églises étaient souvent associées à une croissance rapide, suivie d’un lent déclin.
« C’est une chose d’attirer les gens, c’en est une autre de les garder », commente-t-il.
Selon Paas, le problème réside en partie dans le fait que les éléments qui attirent les gens dans les nouvelles églises, comme la bonne musique, la prédication dynamique et le sentiment d’une réelle passion pour un événement, ne débouchent pas sur un discipulat plus profond. Les gens ne s’impliquent pas davantage et ne s’engagent pas plus, et lorsque l’église perd de sa nouveauté ou de son enthousiasme, ils s’en éloignent.
C’est la raison pour laquelle les implantations d’églises semblent souvent plus réussies dans les contextes urbains, où de nombreuses personnes arrivent chaque jour. On peut ironiquement observer qu’il s’avère plus facile d’attirer de nouveaux convertis dans des contextes profondément laïques, tels que les anciens pays communistes. Mais faire en sorte que les gens franchissent la porte d’entrée n’est pas un défi aussi important que d’établir des liens profonds, significatifs et transformateurs. De nombreux nouveaux arrivants ne restent pas.
Paas estime que les chrétiens devraient se concentrer davantage sur la contextualisation, l’expérimentation de nouvelles idées et des approches innovantes, et la formation des pasteurs à l’établissement de vraies relations interpersonnelles. Alors que James Davis et d’autres affirment que l’ambition est nécessaire pour mobiliser les gens afin d’évangéliser le monde, les implantations d’églises en Europe réussissent grâce à l’expérimentation et à la créativité, d’après Paas.
« Les espaces expérimentaux et les nouvelles expressions sont bien plus importants que les implantations d’églises traditionnelles », estime-t-il. « L’innovation est beaucoup plus importante que l’entrepreneuriat axé sur la croissance. »
C’est ainsi qu’a décidé de procéder l’église d’Eisenach, une petite ville d’environ 42 000 habitants située dans le Land de Thuringe, dans l’est de l’Allemagne. Eisenach a des liens historiques avec la Réforme protestante – Martin Luther et Jean-Sébastien Bach y ont tous deux vécu, bien qu’à des époques différentes. Mais aujourd’hui, environ 70 % de la population ne revendiquent aucune affiliation religieuse. Ils sont, comme le disent les Allemands, konfessionslos (« sans confession »).
« La foi n’est tout simplement pas de mise ici », explique la pasteure Cordula Lindörfer. « Lorsque les citoyens d’Eisenach sont en difficulté ou en crise, ils ne pensent ni à Dieu ni à l’Église. Ils ne se tournent jamais vers le surnaturel. Ils n’y voient tout simplement pas d’intérêt. »
Cela peut rendre l’implantation d’une église assez délicate. C’est pourquoi la pasteure et son équipe, avec le soutien de l’Association des églises évangéliques libres, ont décidé de ne pas commencer par un Gottesdienst (« culte dominical »), mais de se concentrer d’abord sur trois autres G : gemeinschaft, geniessen, et gestatten (communion, réjouissance, et liberté)
À la « StartUp Church », leur implantation à Eisenach, l’équipe invite les membres de la communauté à des brunchs mensuels pour discuter de sujets tels que la question de savoir si la « justice pour tous » est une chimère utopique ou quelque chose qui pourrait être concrétisé. Le premier événement de l’église, en 2020, s’est déroulé dans une brasserie. Ils l’ont annoncé comme un rendez-vous pour « discuter des doutes et des croyances, et parler de Dieu et du monde. »
Aujourd’hui, StartUp organise une réunion hebdomadaire dans un bar local appelé Cat’s Leap, et les familles se rencontrent dans un parc à proximité.
Lors d’un récent rassemblement , les participants ont exploré les différentes perspectives possibles sur l’histoire que Jésus a racontée au sujet des ouvriers d’une vigne qui recevaient tous le même salaire, même s’ils travaillaient des durées différentes (Matthieu 20.1-16).
Selon la pasteure, la plupart des personnes qui viennent à StartUp ont entre 30 et 40 ans. Elle ne prêche ni n’enseigne beaucoup, et son travail est moins celui d’un pasteur typique que celui d’une modératrice et d’une rassembleuse.
« Les habitants d’Eisenach sont tous prêts à discuter ; ils ont tous des opinions et des idées », affirme-t-elle. « Pour moi, il s’agit avant tout de créer un espace où ils se sentent les bienvenus, où les gens viennent pour tisser des liens plutôt que pour se faire concurrence. »
Stefan Paas pense que cette approche représente probablement le véritable avenir de la croissance des églises dans l’Europe sécularisée. Le succès aura moins à voir avec des objectifs de grande envergure qu’avec des objectifs complexes, et devra se concentrer sur le travail quotidien consistant à se faire des amis, à créer des liens, à montrer aux gens l’amour de Dieu et à les inviter à envisager que la foi chrétienne peut être pertinente dans leur vie quotidienne.
Ceux qui pensent que l’implantation d’églises en Europe sera rapide et facile devraient probablement rester chez eux, nous dit le chercheur. « Sinon, vous serez déçus ; vous risquez même de perdre la foi. »
Lui n’a pas perdu la sienne.
Lorsqu’il examine le travail missionnaire qui se déroule sur le continent, il trouve de l’espoir dans la promesse rapportée par Paul en 1 Corinthiens 1.18-31 : Dieu utilise des choses insensées pour accomplir ses desseins divins.
L’implantation d’une église peine à prendre racine au Liechtenstein
En roulant vers le Sud sur la Route européenne 43, vous remarquerez peut-être qu’il n’y a que cinq sorties pour le Liechtenstein. Mais il se peut que vous ne le remarquiez pas, tant cette monarchie germanophone, longue de 24 kilomètres, est vite dépassée.
Situé entre l’Autriche et la Suisse et entouré par les Alpes, le Liechtenstein est l’une des plus petites nations du monde. C’est aussi l’une des plus riches. Le produit intérieur brut du Liechtenstein s’élève à la somme astronomique de 197 000 dollars par personne. Cela représente plus de deux fois la valeur économique produite chaque année aux États-Unis et plus de trois fois la valeur produite par l’Allemagne, qui est considérée comme la « locomotive économique » de l’Europe.
Ainsi, la plupart des gens, s’ils pensent au Liechtenstein, n’y voient pas un champ de mission.
Mais la plupart des gens se trompent, selon l’équipe de pasteurs père-fils Paul et Mike Clark. Depuis juin 2022, les Clark tentent d’implanter une église au Liechtenstein.
« Ici, il y a autant besoin de l’Évangile qu’ailleurs », dit le fils, Mike, 44 ans, lors d’une promenade dans la capitale, Vaduz, une ville d’environ 6 000 habitants située en contrebas du château où le monarque, le prince Hans-Adam II, vit avec sa famille.
Environ 70 % des 40 000 habitants sont catholiques. Il existe quelques petites minorités d’autres groupes religieux – 8 % du pays s’identifie comme protestant réformé et 6 % comme musulman – mais la plupart des gens sont comptés comme catholiques.
« Ne vous fiez pas aux statistiques officielles », dit Mike Clark. « Seuls 10 % environ de ces personnes se rendent à l’église le dimanche. »
Convaincre les Liechtensteinois d’envisager d’aller à l’église, et de surcroît dans une église évangélique, s’est révélé être un véritable défi dans un pays défini par le capital privé et le catholicisme institutionnel. Peu de gens semblent intéressés par les conversations sur la foi. Rares sont ceux qui reconnaissent des besoins spirituels. Bien que peu pratiquants, l’idée d’une autre forme de foi que le catholicisme leur est étrangère.
« Nous avons tout essayé pour entrer en contact avec les gens », raconte Paul Clark, un Américain de 72 ans qui a passé des dizaines d’années en Europe. « Mise en place d’une table d’information dans le centre-ville de Vaduz. Création d’une chorale de gospel. Et maintenant, nous lançons un cours Alpha pendant l’été » afin d’enseigner les bases du christianisme.
La chorale gospel était appréciée, mais personne ne revenait visiter l’église. L’obtention des autorisations de la mairie pour le cours Alpha a demandé beaucoup de temps et d’énergie, mais les cours ne sont pas particulièrement fréquentés.
Il s’avérera peut-être que les gens ne sont tout simplement pas intéressés par l’église. Actuellement, le Liechtenstein compte plus de casinos (sept) que d’assemblées chrétiennes non-catholiques (cinq). Le pays ne compte que deux églises évangéliques : la Freie Evangelische Gemeinde à Schaan et la Life Church Liechtenstein à Eschen, où les Clark s’occupent d’un petit groupe de personnes tout en rêvant d’en atteindre beaucoup plus.
La Life Church se réunit une fois par mois dans une zone où se sont implantées de nombreuses entreprises à la périphérie de la ville. L’organisation de l’église est simple : quelques rangées de chaises en plastique, un écran escamotable avec une image des Alpes en arrière-plan, quelques tables à l’arrière, et pour grignoter, un mélange de gâteaux faits maison, de chips et de guacamole achetés dans le commerce.
Paul Clark dirige la louange à la guitare acoustique, accompagné d’un jeune brésilien jouant du cajon. Un dimanche, environ 25 personnes sont venues au culte de 16 heures. La plupart d’entre elles venaient d’églises partenaires de Suisse orientale et d’Autriche occidentale. Ils ont chanté en allemand des chants bien connus sur la scène internationale tels que « Bénis l’Éternel Ô mon âme » et « Goodness of God ». Paul leur a rappelé ce qu’est l’implantation d’une église. Citant les paroles allemandes du chant « Brille Ô Jésus », il a prié pour que Jésus fasse briller la lumière de la gloire de son Père sur le Liechtenstein.
Si le nombre de participants n’augmente pas, cette assemblée risque de fermer d’ici la fin de l’année 2024.
« D’après mon expérience, si une église ne gagne pas de terrain au cours des deux premières années, elle n’en gagnera jamais », commente Paul Clark.
Il sait de quoi il parle. Il a quitté le Michigan pour la première fois dans les années 1970 pour venir en Europe avec Teen Challenge. Il a rencontré sa femme, Mechthild, qui travaillait également avec Teen Challenge, en Allemagne de l’Ouest. Au cours des 50 dernières années, le couple a contribué à la création de six églises en collaboration avec l’Association des églises libres pentecôtistes. Ces communautés se trouvent dans les États allemands de la Sarre, de la Rhénanie-Palatinat et de la Thuringe.
Mike Clark a suivi les traces de ses parents et a participé à la création d’œuvres chrétiennes dans le Missouri, aux Émirats arabes unis et à Oman.
Les deux membres de la famille Clark affirment cependant que le Liechtenstein est peut-être l’endroit le plus difficile pour parler aux gens de Jésus. L’implantation d’une église a été plus difficile ici que partout ailleurs.
« Suivre le Christ ici a un coût », dit Mike Clark. « Il ne s’agit pas de mettre sa vie en jeu, mais il y a une certaine perte d’anonymat et une pression sociale qui accompagne le fait de dire “J’ai décidé de suivre Jésus.” »
Mais le binôme père-fils reste déterminé. Ils croient – ou peut-être espèrent est un meilleur mot – que certaines âmes affamées se posent des questions sur la foi qu’elles ne peuvent pas explorer dans le contexte de l’Église catholique. Ils souhaitent que les habitants du Liechtenstein disposent d’une option évangélique locale. Dans la situation actuelle, beaucoup seraient obligés d’aller chercher cette possibilité en dehors des frontières.
En fait, à l’origine, l’idée de cette implantation d’église est née lorsque des visiteurs du Liechtenstein sont venus dans l’église déjà établie des Clark à Bregenz, en Autriche. Comme Life Church, la Freie Christengemeinde de Bregenz (FCG) est installée dans des locaux situés dans une zone d’implantation d’entreprises et de bureaux. Les participants se retrouvent dans une ancienne usine textile sur les rives du lac de Constance, dans un bâtiment à l’allure moderne et postindustrielle.
En route pour l’Autriche, alors que les frontières entre certaines des nations les plus riches défilent, Mike Clark fait remarquer que « les frontières ne sont pas un problème lorsqu’il s’agit d’échanges commerciaux dans cette partie du monde. »
Il ajoute : « Mais les gens ne devraient pas avoir à franchir des frontières pour venir au Christ. »
La FCG Bregenz est cependant très internationale, comme beaucoup d’églises évangéliques en Europe. Des Autrichiens assistent aux rencontres, mais aussi des Allemands, des Suisses et des Liechtensteinois, ainsi que des expatriés du Kenya, de Syrie et des États-Unis.
Mike Clark a lui-même grandi en Allemagne, a étudié la théologie aux États-Unis, a obtenu un doctorat en droit aux Pays-Bas, et, avec sa femme Laura, a passé 15 ans à travailler dans le domaine de l’aide d’urgence et du développement, avant de ressentir l’appel à implanter une église en Autriche, puis une autre au Liechtenstein.
Les Clark ont fondé l’église de Bregenz en 2016. Mike Clark, qui a été ordonné dans une église pentecôtiste en 2004, la dirige depuis 2020.
Il apporte toute son expérience passée à son ministère, et son identité interculturelle transparaît lorsqu’il prêche. Lorsqu’il monte sur scène, les fidèles pourraient penser qu’ils se trouvent dans une église aux États-Unis. Avec sa barbe, son jean moulant, son pull gris, ses tennis blanches et son iPad, « Pastor Mike » a l’air d’un pasteur branché d’une mégaéglise. Puis il se met à prêcher en allemand, une langue qu’il maîtrise parfaitement.
Chaque dimanche, une soixantaine de personnes se rendent dans son église autrichienne, et autant suivent le culte en ligne. Selon Mike Clark, la FCG Bregenz est l’une des nombreuses églises implantées dans l’État autrichien du Vorarlberg, à l’extrême ouest du pays, au cours des dix dernières années. La plupart des églises du réseau comptent moins de 50 fidèles chaque dimanche, ce qui fait de la FCG Bregenz une figure de proue. L’église est devenue un terrain d’entraînement pour les implanteurs d’églises qui cherchent à évangéliser davantage d’Européens.
Evert van de Poll, missiologue néerlandais, estime que l’Europe représente un défi particulier pour l’évangélisation. Le poids de l’héritage culturel chrétien et un siècle de sécularisation font que peu de gens cherchent à se rendre dans les églises.
Les nouvelles formes de spiritualité individuelle peuvent être très populaires, mais cela se traduit rarement par une curiosité pour les expériences spirituelles vécues dans une église évangélique.
Van de Poll rapporte qu’il a vu des évangéliques tendre la main avec succès aux migrants et aux réfugiés en Europe. Certaines églises – en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Autriche et même dans le riche petit pays du Liechtenstein – tentent d’adopter un modèle plus sensible à la demande, avec un culte de tendance contemporaine, une prédication pertinente et un message qui démontre que l’Évangile reste d’actualité.
Mais ce qui fonctionne d’un côté d’une frontière européenne, souligne le missiologue, ne fonctionne pas nécessairement de l’autre côté.
« On pourrait penser que les principes de base sont les mêmes, mais les frontières sont importantes », explique-t-il. « Les pasteurs et les missionnaires doivent prendre conscience de la diversité de l’Europe et des lignes de démarcation entre les différents États, les diverses cultures, et les différents degrés d’influence protestante, catholique ou laïque. »
C’est peut-être la leçon que les Clark tirent de la Life Church au Liechtenstein. Malgré leur succès en Autriche et leur expérience internationale variée, rien ne semble prendre racine dans la topologie aisée du plus petit État germanophone d’Europe.
Peut-être que l’année prochaine, si l’église peut tenir le coup aussi longtemps, quelques pousses de vie apparaîtront dans ce terrain.
Mais peut-être pas.
Les évangéliques s’implantent avec succès dans une ville suisse
Pour une petite ville, Buchs compte un nombre surprenant d’églises. Cette commune située à l’extrémité orientale de la Suisse compte une communauté catholique romaine, bien sûr, et une communauté de l’Église protestante, mais aussi une église de l’Alliance évangélique, une église évangélique libre, une église néo-apostolique, une communauté chrétienne internationale et l’église non-affiliée GRACE.Church.
En fait, il y a environ une assemblée évangélique pour 1 000 habitants, ce qui a valu à Buchs le surnom de « Canaan sur le Rhin », une Terre promise pour les évangéliques suisses.
Seuls 2 % environ des Suisses s’identifient comme évangéliques. Mais à Buchs, pour une raison ou une autre, environ 10 % des gens pratiquent le culte dans une église évangélique.
Pourquoi cette ville est-elle différente ?
Les pasteurs qui servent les églises de Buchs ont quelques théories. Il n’y a peut-être pas d’explication sociologique, disent-ils, car le Saint-Esprit agit d’une manière qui dépasse l’entendement humain.
« Il y a quelque chose de prophétique dans cet endroit », nous raconte Ben Stolz, pasteur de l’église GRACE, en buvant un cappuccino dans un café de Buchs. « La ville a un profond passé spirituel. »
Ulrich Zwingli, le réformateur du XVIe siècle, est né juste à côté de Buchs. La ferme où il a grandi est toujours un lieu de pèlerinage et de réflexion spirituelle.
Plus récemment, le prédicateur charismatique Leo Bigger est lui directement né à Buchs. Catholique de naissance, il a été promoteur de discothèques et a joué dans son propre groupe de rock avant de devenir évangélique et de gravir les échelons de la direction de l’International Christian Fellowship (ICF). Aujourd’hui, il est le pasteur de la plus grande assemblée protestante de Suisse, ICF Zurich, et la communauté s’est développée pour fonder environ 60 églises dans 13 pays. L’une d’entre elles se trouve bien sûr à Buchs et est dirigée par Sarah et Werner Eggenberger.
L’église de Ben Stolz attire environ 150 personnes chaque dimanche, auxquelles s’ajoutent une trentaine de personnes qui suivent le culte en ligne. Cette assemblée non-affiliée est l’une des plus importantes de la ville. Elle est connue pour son culte contemporain, son atmosphère détendue et ses sermons d’actualité.
Stolz, qui a grandi à Buchs, la décrit comme une église « moderne et vivante ». Il rêve qu’un jour l’Europe puisse être « parsemée de communautés vibrantes et saines » comme GRACE.Church, « où les gens viennent pour connaître Jésus-Christ, font l’expérience de la guérison et s’épanouissent grâce à leur connaissance croissante de l’amour et de la grâce de notre Dieu merveilleux. »
Il sait que certaines personnes trouvent cette vision dérangeante, voire choquante. Il y a quelques années, le théologien catholique Günther Boss, de l’autre côté de la frontière, au Liechtenstein, a utilisé GRACE.Church comme exemple de ce qui ne tourne pas rond dans le christianisme moderne. Il a déclaré que sa théologie était superficielle, que ses prédications étaient « répugnantes » et que la communauté était à la fois trop moderne et trop démodée.
« Dans leur forme, ils sont très enthousiastes, très jeunes », commentait Boss au Liechtensteiner Vaterland, l’un des deux quotidiens du pays. « Mais dans leur contenu, ils sont réactionnaires et ont des idées morales très restrictives. »
De telles critiques ne sont pas rares en Europe. Les églises libres – celles qui fonctionnent sans les privilèges accordés par l’État – sont souvent stigmatisées comme des sectes étranges et antisociales. Toutefois, à Buchs, il y a suffisamment d’évangéliques pour que la plupart des gens puissent en connaître personnellement, et les attaques ont ici moins de poids qu’ailleurs.
« Nous assistons aux mariages des uns et des autres, nous participons aux funérailles, nous célébrons les naissances et les baptêmes ensemble », raconte Martin Frey, pasteur d’une église protestante suisse officielle. « Cela permet d’informer les gens sur les églises libres et de faire en sorte que l’image de la “secte” soit dépassée. »
Frey considère Stolz comme un ami et aime boire un café avec lui. Il travaille également avec d’autres pasteurs évangéliques de la ville. Ils ont des différences théologiques, bien sûr, mais il les connaît, entretient des relations avec eux et voit à quel point ils s’investissent pour répondre aux besoins spirituels des habitants.
Selon Frey, les habitants de Buchs trouvent dans une église évangélique quelque chose qu’ils ne trouvent pas dans les communautés religieuses plus traditionnelles.
« Tendre les bras pendant la louange, se lever et chanter, parler en langues – tout cela est très, très éloigné de la mentalité suisse typique », commente Martin Frey. « Les Suisses ont tendance à se retenir. »
Pourtant, certains habitants Buchs ont le sentiment d’être plus en contact avec Dieu et d’autres chrétiens lorsqu’elles renoncent à leur retenue instinctive, ou du moins lorsqu’elles parviennent à la surmonter.
Olivier Favre, un pasteur baptiste réformé et sociologue suisse, contributeur du livre Le phénomène évangélique, affirme que c’est la clé du succès des évangéliques. Ils comprennent les besoins humains. Ils montrent aux gens comment se connecter les uns aux autres et avoir une relation avec le divin.
« Dans notre société très individualisée, où beaucoup sont seuls, l’idée d’une relation personnelle avec Dieu, la croyance qu’il répond aux prières, qu’il peut guérir les malades et faire des miracles, répond à un besoin spirituel », écrit Favre.
De ce point de vue, la ville de Buchs n’est pas si différente de ce que l’on trouve dans d’autres pays européens. La ville possède une histoire unique, un sens de la spiritualité et suffisamment d’évangéliques pour qu’ils ne soient pas considérés comme bizarres et marginaux, comme ils le sont dans d’autres lieux. Mais les gens se ressemblent. L’Europe est l’Europe. Et les efforts d’évangélisation sont tous relativement semblables.
Lors d’un récent dimanche « vision » à l’église GRACE.Church, Stolz a présenté un plan de croissance pour la communauté. La recette comprend de l’amitié et un témoignage chrétien fidèle, nous explique-t-il. Il espère que cela conduira bientôt à la construction d’un nouveau bâtiment pour le culte, rendant ainsi l’une des nombreuses églises de Buchs un peu plus visible.
Il veut que GRACE.Church soit comme une lumière pour les gens dans l’obscurité. Ou un feu qui réchauffe ceux qui ont froid.
« Les gens se sentent seuls », dit-il, « et les églises de Buchs sont là pour aider à créer des liens. »
Ken Chitwood est le correspondant européen de CT.
Traduit par Jonathan Hanley et révisé par Léo Lehmann