Le ministère de traduction de la Bible unfoldingWord travaille avec des Églises de différents pays et cultures, mais un projet récent au Tchad a intégré une nouvelle dynamique à leur travail : la majorité des traducteurs étaient musulmans.
« Nous ne pouvons pas nous attribuer le mérite d’avoir pensé à cela ou d’avoir élaboré cette stratégie », rapporte Eric Steggerda, responsable des opérations sur le terrain pour unfoldingWord, qui collabore dans ce pays d’Afrique centrale avec le Projet Croissance des Églises au Tchad (PCET).
« Dieu a conduit les choses de manière à ouvrir une porte dont aucun de nous ne s’attendait à ce qu’elle soit aussi profitable », dit Steggerda. « Ce que nous avons appris, c’est qu’il s’agit en fait d’un moyen très efficace d’établir un pont avec les musulmans. Les histoires bibliques peuvent être comprises. »
Les musulmans représentent un peu plus de la moitié de la population du Tchad. L’arabe et le français sont les deux langues officielles, bien que la plupart des gens parlent une variante de l’arabe appelée arabe tchadien.
Le PCET a identifié 10 langues minoritaires dans lesquelles il voulait offrir des traductions et a organisé des ateliers d’information afin de recruter des participants pour les projets en question.
Un évangélique tchadien impliqué dans le PCET — qui a demandé à ce que son nom ne soit pas divulgué par crainte de violences en réponse au travail effectué dans les communautés musulmanes — nous a expliqué que de nombreuses personnes ont participé à l’atelier de traduction parce qu’elles étaient intéressées par le salaire.
Mais les chrétiens ont remarqué que les musulmans ont rapidement adhéré aux projets pour des raisons autres que l’incitation financière. Le PCET et unfoldingWord avaient clairement indiqué que les documents à traduire seraient chrétiens, mais les participants musulmans considéraient que certaines histoires, comme celles d’Abraham, se rattachaient également à leur religion.
Selon Eric Steggerda, les communautés tchadiennes qui ne disposent pas de documents chrétiens dans les langues minoritaires ont également peu de chances d’avoir le Coran dans ces langues.
Lorsque l’on travaille avec des groupes linguistiques comptant peu de croyants ou composés de nouveaux croyants, unfoldingWord recommande de commencer par un ensemble d’environ 50 histoires qui emmènent les traducteurs dans un parcours à travers la Bible pour construire une compréhension d’ensemble de la Parole de Dieu avant de traduire des passages de l’Écriture eux-mêmes.
Le Coran raconte différemment un grand nombre de ces histoires, comme le récit de la Création, ou ne les inclut pas du tout, comme la parabole du bon Samaritain. Lorsque les traducteurs musulmans ont travaillé sur cette parabole du Nouveau Testament, Steggerda a observé qu’ils étaient particulièrement enthousiastes en discutant des questions que celle-ci suscitait.
Une autre raison pour laquelle les musulmans étaient intéressés par la traduction de documents chrétiens était le fait que le projet accordait de l’importance à leur langue.
« Beaucoup de ces langues luttent pour leur place dans le monde, pour ainsi dire. Il n’y a pas grand-chose dans leur langue maternelle, alors ils se réjouissent quand ils trouvent des choses qui le sont, parce que cela leur montre vraiment l’importance de leur langue », dit Steggerda. « Évidemment, ce qu’on lit dans sa langue maternelle résonne davantage avec le cœur que les autres langues. Ils sont donc très réceptifs à l’idée que les récits bibliques, par exemple, soient traduits dans leur langue maternelle. »
Une traduction complète de la Bible en arabe tchadien, la langue parlée par la majorité des habitants du pays, a été achevée en 2019, et des copies ont été livrées à trois endroits au Tchad par la Mission Aviation Fellowship en 2021. Il existe plus de 100 dialectes et langues locales et, dans les zones rurales, les gens sont moins susceptibles de parler ou de lire en français, l’une des langues officielles.
La question qui se pose lorsqu’on implique des non-chrétiens dans des projets de traduction, en particulier ceux qui n’ont pas de diplôme ou d’expertise dans le domaine de la traduction, est de savoir si les traductions seront linguistiquement et théologiquement solides.
UnfoldingWord se concentre sur des traductions réalisées en lien avec les Églises et estime que les non-chrétiens peuvent contribuer à l’élaboration de traductions de qualité, tout en apprenant eux-mêmes à connaître les Écritures. Dans le cadre du processus de formation, les traducteurs commencent par des histoires bibliques plus simples pour apprendre les bases, puis passent à des passages clés avant de travailler sur des livres entiers de la Bible, avec une formation et des conseils supplémentaires en cours de route.
Les traductions sont effectuées en équipe, de sorte que la traduction de chaque individu est vérifiée par un autre membre du groupe, puis par l’ensemble du groupe. Même avec ces processus en place, les formateurs ont remarqué que les traducteurs avaient parfois des difficultés avec des histoires qui contredisent clairement la doctrine islamique. Au Tchad, le PCET a ainsi fait appel à des pasteurs pour vérifier les traductions de chaque groupe et éviter les erreurs théologiques.
Les traductions sont également diffusées progressivement dans chaque communauté afin de recueillir les réactions dans des contextes spécifiques et comme un moyen de partager l’Évangile.
Le projet de traduction au Tchad a débuté en 2018, mais a été ralenti par les récents troubles civils, notamment l’assassinat du président tchadien en 2021. Le PCET continue de traduire et de partager le nouveau matériel produit et les responsables affirment qu’ils ont vu Dieu atteindre les gens grâce au projet. Deux des traducteurs musulmans se sont convertis au cours du processus de traduction. Des personnes appartenant à des communautés non atteintes se sont également tournées vers le Christ, y compris des responsables musulmans.
Dans une région, l’équipe locale a rencontré plusieurs imams fondamentalistes qui se sont d’abord montrés sceptiques à l’égard du projet. Après avoir vu les histoires dans leur langue, les imams ont laissé l’équipe les présenter à l’ensemble de la communauté. Ils ont exhorté l’équipe à revenir et à continuer à leur présenter tous les documents traduits qu’elle pourrait.
Dans un autre village, raconte Steggerda, le chef était très malade lorsque l’équipe s’est rendue sur place. Ils ont prié pour sa guérison au nom de Jésus, et il a été miraculeusement guéri. L’homme a consacré sa vie à Christ et a exhorté tout son village à être réceptif aux documents traduits et à tenir compte de ce que l’équipe avait à dire.
Le PCET continue à soutenir les convertis dans ces villages une fois les projets de traduction terminés.
« Un réseau missionnaire de 50 personnes a été mis en place par l’intermédiaire de cette organisation [le PCET] et a été réparti entre les différents groupes linguistiques », explique Eric Steggerda. « Lorsqu’une personne se convertit dans l’un de ces villages grâce au processus d’évaluation des traductions, elle est confiée au missionnaire associé et à l’Église qui la parraine pour qu’elle devienne un véritable disciple. »
Dans une communauté musulmane, où les efforts missionnaires précédents étaient restés infructueux, les responsables du PCET ont voulu réessayer avec les éléments traduits dans leur langue locale, a expliqué le responsable tchadien cité plus haut à CT.
« Nous avons simplement suivi la voix du Saint-Esprit et nous sommes allés dans la communauté, avec les anciens et les responsables. Nous avons projeté les vidéos et l’audio [des traductions], et le résultat que nous avons obtenu a été très bon. » « Immédiatement après notre départ, le missionnaire qui était en poste là-bas a pu implanter des Églises, et il a baptisé plus de 10 personnes en décembre. »
« Les gens sont enthousiastes à l’idée d’entendre l’Évangile du Christ pour la première fois dans leur propre langue. »
L’une des raisons pour lesquelles ces projets de traduction ont été des outils d’évangélisation si efficaces est qu’ils permettent à des personnes non atteintes de voir que l’Évangile n’est pas réservé aux Occidentaux.
« Les gens ont beaucoup de préjugés à l’égard du christianisme. Pour eux, le christianisme est un produit occidental », explique le responsable tchadien. « Lorsqu’ils peuvent écouter la parole de Dieu dans leur propre langue, cela change la donne. »
Au Tchad, la phase suivante de traduction aborde des ensembles de passages de l’Écriture qui aident à développer les connaissances théologiques. Bien que la composition des équipes de traduction soit laissée à la discrétion des partenaires locaux, unfoldingWord recommande d’utiliser des croyants à partir de cette deuxième phase.
L’approche d’unfoldingWord contraste avec le modèle traditionnel de traduction de la Bible, où des traducteurs hautement qualifiés sont déployés pour apprendre une langue et créer ensuite une nouvelle traduction. Le président de l’organisation, David Reeves, estime que les deux approches sont nécessaires pour continuer jusqu’à atteindre tous les peuples de la terre.
« Dieu a béni et doit continuer à bénir [le modèle traditionnel], parce que nous ne pouvons pas terminer la tâche sans qu’ils ne terminent ce qu’ils ont commencé », dit-il. « Ce que fait le modèle émergent, c’est de se rendre dans les endroits les plus difficiles d’accès de la planète et de mobiliser une main-d’œuvre beaucoup plus nombreuse pour accomplir ce travail [de traduction]. »
Le responsable du PCET et son équipe en sont les premiers témoins, puisqu’ils voient de plus en plus de personnes non atteintes entendre l’Évangile dans leur langue pour la première fois.
« Le mandat missionnaire est l’affaire du Seigneur Jésus en partenariat avec le Saint-Esprit. Nous semons et le Saint-Esprit arrose. Nous prions pour voir les premiers fruits de notre travail. »
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