Culture

Mon meilleur travail se fait en dehors du bâtiment de l’Église

Pour voir Dieu agir, nous avons dû sortir de nos quatre murs.

Christianity Today November 2, 2022
Charlie Foster / Unsplash

Il n’est pas rare qu’une Église soit poussée hors de son bâtiment.

Mais c’est le contraire qui nous est arrivé. On a voulu nous pousser dans notre bâtiment.

Notre Église multiethnique de centre-ville se réunissait depuis un certain temps autour de tables de pique-nique dans la cour d’une école publique. Notre quartier abrite l’école la plus pauvre du district. Nous avons accueilli des gens de la rue, mangé avec eux et organisé notre culte en plein air.

Mais un résident d’un appartement voisin a commencé à nous écrire des lettres incendiaires à propos du bruit. Nous nous sommes excusés, avons baissé le volume et avons prié. Quelques dimanches plus tard, ce même voisin sortait ses poubelles lorsqu’il a été interpelé par une prédication sur Romains 8. Il s’est arrêté et a écouté l’intégralité du sermon debout près d’une benne à ordures dans la ruelle. À la fin, il a tourné le coin, en pleurs, et est venu nous dire qu’il avait entendu Dieu lui parler.

Quelques semaines plus tard, tandis que je prêchais, quelqu’un a crié par-dessus le mur que nous étions trop bruyants. Une femme qui était là pour le culte a dit qu’il était le prochain. Je me suis excusé pour le bruit, j’ai fait un signe de tête à notre technicien du son et j’ai continué à prêcher. Le lendemain, cependant, le directeur de l’école nous a annoncé que nous devions maintenant utiliser l’auditorium pour lequel nous avions payé. Mais nous étions loin d’avoir fini de vivre l’Église dans les espaces publics.

À l’air libre

À une époque, je craignais que, si nous nous aventurions dans des espaces publics, nous soyons catalogués comme étranges, voire bizarres. Je n’aime pas trop que les chrétiens aient l’air encore plus fous qu’ils ne le sont, je n’ai donc pas tout de suite osé pousser l’Église hors de ses quatre murs. Mais j’ai fini par décider que plutôt que d’organiser des actions pour toucher le voisinage, le culte serait notre moyen de le faire. C’est radical, c’est risqué, mais ça marche, et il m’a fallu près de 20 ans pour en arriver là.

C’est l’Europe qui en est responsable. En m’embarquant pour l’Europe en tant que missionnaire implanteur d’Églises il y a 15 ans, j’ai eu mon premier aperçu du ministère en plein air lorsque j’ai servi comme évangéliste dans la légendaire Église de Martyn-Lloyd Jones. Les anciens voulaient que je prêche le samedi matin sur la place publique. Au début, je trouvais cela gênant, mais je n’arrivais pas à me défaire de la conviction que, comme à l’époque de Wesley, Whitefield et William Booth, il devait y avoir quelque chose à faire pour amener l’Église aux gens de notre temps, au lieu d’attendre que les gens viennent à l’Église.

À partir de là, j’ai expérimenté des groupes de discussion publics sur des campus universitaires et dans des pubs, et j’ai finalement lancé une Église dans un Starbucks.

Le ministère dans les contrées postmodernes et postchrétiennes de l’Europe a donné vie au livre des Actes des Apôtres. La raison en est simple : un monde postchrétien est très semblable à un monde préchrétien.

Actes 5.42 dit que les apôtres se réunissaient « dans le temple et dans les maisons ». Beaucoup ont imaginé les « cours du temple » comme l’équivalent de bâtiments d’Église. Mais ces endroits étaient beaucoup plus publics. En prêchant dans les cours du temple, les apôtres pratiquaient l’art perdu du ministère dans l’espace public, dans des lieux ouverts. J’avais l’habitude de lire le livre des Actes des Apôtres et de me demander pourquoi ce que je faisais en tant que serviteur à plein temps ne ressemblait en rien à ce que Paul et les Apôtres faisaient. Les responsables d’Église contemporains vont au séminaire, étudient la théologie, interprètent les textes et préparent des prédications, mais ils obtiennent leurs diplômes tout en étant incapables de faire ce que les apôtres ont fait : transmettre le message de l’Évangile à une communauté. Beaucoup sont craintifs et ont du mal à parler aux gens au-delà des limites du parking de l’Église.

Retour vers le futur

Revenir d’Europe pour servir en Amérique était comme débarquer d’une machine à remonter le temps. La Grande-Bretagne a environ 60-70 ans d’avance sur l’Amérique en matière de postchrétienté. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles C.S. Lewis est tellement pertinent pour les chrétiens américains contemporains ; nous respirons la même atmosphère culturelle de déclin spirituel que la Grande-Bretagne du milieu du 20e siècle, à l’époque où Lewis écrivait. Lewis s’adressait à une culture dans laquelle la chrétienté avait disparu, les Églises étaient en déclin et les gens avaient besoin d’être convaincus pour croire.

Je forme les implanteurs d’Église à exercer leur ministère dans les espaces publics afin de les préparer à un avenir où je suis convaincu que le modèle attractionnel de l’Église va vaciller. De moins en moins de personnes sont prêtes à entrer dans un bâtiment identifié comme « église ». Avant de me rendre en Europe, ma version de la formation des futurs responsables aurait été de les aider à faire davantage de ce qui ne fonctionne pas, éventuellement dans une version plus élégante, plus cool et plus tendance. Je les aurais formés pour attirer de plus grandes foules, rendre le culte plus séduisant. Tout cela était formidable dans les années 80 et 90, mais est de moins en moins efficace dans notre culture.

De nombreuses Églises se préparent à un avenir qui ne viendra pas. Nos stratégies reposent sur l’utilisation future des bâtiments que nous avons construits. Mais si l’Europe est une indication de la direction que prennent les choses, où des bâtiments d’Église magnifiques sont convertis en boîtes de nuit, en mosquées et en entrepôts de tapis, nos bâtiments pourraient aussi ne plus faire l’affaire. Comme les bunkers souterrains de la guerre froide enterrés partout à travers l’Amérique, de nombreuses constructions de l’Église seront inutiles lorsque l’avenir que nous anticipons ne se matérialisera pas. En Europe, les citadelles de la religion ont servi de barricade face à la culture qui les entourait, et trop d’autres suivent cet exemple.

Pour préparer l’avenir, nous devons faire ce que les apôtres ont fait : amener l’Église dans les rues, les salles de concert, les cafés, les brasseries, sur tous les Aréopages qui constituent les carrefours culturels de notre temps.

Je ne dis pas que le simple fait de se rencontrer à l’extérieur est une solution miracle à tous les maux de l’avenir. Nous aurons toujours besoin d’infrastructures traditionnelles pour exercer un ministère efficace auprès de certaines personnes. Mais le pourcentage de personnes touchées par cette approche va diminuer. C’est déjà le cas. L’avenir du ministère chrétien appartient plus à ceux qui seront aptes à intégrer la foule qu’à ceux qui cherchent à l’attirer. Il appartient à ceux qui peuvent infiltrer une communauté de l’intérieur, au lieu de chercher à orienter le trafic vers un bâtiment à l’autre bout de la ville.

Voici quelques moyens que j’ai trouvés pour échapper aux quatre murs de l’église et m’engager dans le ministère dans mon quartier.

1. Laisser tomber le ministère de bureau

Nous avons besoin de plus de flics de terrain, et moins de flics de bureau. Charles Spurgeon décriait des serviteurs déconnectés de leur culture « à l’aise parmi les livres, mais en perdition parmi les hommes ». Comment pourrais-je atteindre ceux qui se perdent en buvant du café avec des chrétiens et en récitant des homélies ?

Peu de temps après avoir rejoint l’Église de Martyn-Lloyd Jones, Dieu m’a fait sortir de mon étude en tarissant mon soutien missionnaire au moment du 11 septembre. J’ai été contraint d’accepter un emploi dans une usine, sur une chaîne de montage, aux côtés des personnes que j’essayais d’atteindre. Après avoir été mandaté comme « évangéliste » pendant plus d’un an, je n’avais pas vu une seule personne suivre Jésus à la suite de mon travail. Les choses ont commencé à changer dans l’usine. La vérité est que l’employé moyen aura été en contact avec plus de personnes le lundi midi que le pasteur moyen ne le sera en une semaine entière. Soudain, je n’avais plus ce problème.

La nécessité est mère de l’invention. J’ai dû faire preuve de créativité et me lancer dans des projets audacieux, comme visiter des pubs et des boîtes de nuit armé d’une caméra vidéo et laisser les gens me raconter leurs histoires. Ces rues violentes des heures tardives de la nuit dans la ville industrielle de Port Talbot, au Pays de Galles, m’ont réellement formé. Pendant que la caméra tournait, des gens divulguèrent leurs histoires et pleurèrent. C’était mon premier voyage hors de mon étude, et il a été difficile de m’y faire retourner depuis.

2. Rechercher l’espace public

Depuis le début de cette aventure, nous avons lancé des ministères dans les parcs et divers projets de Long Beach et San Pedro. Nous avons fait des soirées micro ouvert dans le café gay local. Nous avons fait beaucoup d’erreurs, et l’apprentissage n’a pas toujours été facile. Nous avons appris qu’avant de faire une soirée micro ouvert, il faut acheter des boissons à la maison pour démarrer. Il ne faut pas non plus encombrer le jeu avec trop de chrétiens.

Nous apprenons toujours, mais nous poussons toujours plus loin. Nos responsables discutent actuellement de la rénovation d’une station-service au coin de la rue, au cœur du ghetto. Chaque Église que nous implantons dans l’espace public est différente. Nous ne sommes pas assez futés pour découvrir la recette à appliquer dans toutes les situations. Nous devons comprendre la vie de chaque quartier et compter sur Dieu pour nous guider.

3. Faire confiance à l’Esprit

La réponse d’une partie de l’Église britannique au tournant postmoderne a consisté à adapter sa théologie, sa morale et son culte… en vain. Au lieu de devenir plus attrayant pour les non-chrétiens, le message ne valait plus la peine d’être écouté. Une approche laxiste de Dieu a fait que l’Église ne valait pas le temps ou l’essence qu’on aurait pu y consacrer. Il n’y avait plus d’expérience de Dieu. La messe était dite.

Pendant des années, j’ai écouté des missionnaires parler de la puissance de Dieu à l’étranger, mais je me demandais pourquoi nous ne voyions jamais de telles choses. Je ne me le demande plus. Il n’y a pas de raison que les missionnaires aient toutes les meilleures histoires. À présent, ceux qui implantent avec nos équipes ont aussi de telles histoires à raconter. Ma théorie est que plus vous allez en première ligne, plus vous expérimentez ce que vous lisez dans le livre des Actes. Après tout, pourquoi le Consolateur viendrait-il au secours de ceux qui sont bien confortablement installés ?

Le Saint-Esprit équipe ceux qui sortent de leur zone de confort et se mettent dans une situation où ils ont besoin de lui. Pour être honnête, une Église moyenne ne se rend pas forcément dépendante du Saint-Esprit pour la plupart de ses activités du dimanche matin. S’engager dans l’entreprise risquée de la mission, c’est se laisser emporter dans l’action de l’Esprit Saint et être aux premières loges pour voir ce que Dieu fait dans le monde.

Nous avons appris que vivre l’Église dans les espaces publics repoussera les consommateurs, mais attirera les disciples. Ces disciples deviendront la prochaine génération de responsables, et ils se reproduiront. La prochaine fois qu’une Église aura été poussée hors de son bâtiment, elle pourra se dire qu’elle est peut-être maintenant à sa juste place.

Peyton Jones est le fondateur de New Breed Church Planting et l’auteur de Church Zero (David C. Cook, 2013).

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